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Lutte des classes

1 an après « la prise » du siège de la RATP, la base doit s’organiser d’urgence !

Il y a 1 an le 13 septembre 2019, résonnait dans le hall immense de la Maison de la RATP la ferveur et la combativité de plusieurs centaines d’agents RATP, ce jour-là massivement en grève à plus de 90% paralysant la quasi-totalité de l’Ile-de-France. Aux cris de « En décembre, illimité », la base a su imposer les modalités de grève et la nécessité de construire le rapport de force face à la réforme des retraites.

Anasse Kazib

14 septembre 2020

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Crédit photos : Révolution Permanente

Un an après, les agents RATP en première ligne face à la crise sanitaire subissent sanctions, rapports, conditions désastreuses et hélas les décès de plusieurs collègues.

Le jour où tout a basculé contre la réforme Delevoye

Beaucoup expliquaient que le principe de la grève était une stratégie dépassée, qu’il n’était plus possible d’imposer un rapport de force d’ampleur. Les mouvements précédant cette journée avaient notamment participé à ce sentiment. D’une part, en 2018 la stratégie de grève perlée à la SNCF, décidée par la CGT Cheminots, posant le principe d’une grève à l’économie, car la grève reconductible ne serait plus possible, a été un échec total face au gouvernement Macron. C’est ce qui oblige aujourd’hui les cheminots à lutter contre le déploiement du pacte ferroviaire. D’autre part, l’émergence du mouvement des gilets jaunes et ses méthodes a pu participer à ce sentiment, en démontrant via la spontanéité de ses manifestations non déclarées qu’il était possible de gagner bien plus qu’en utilisant les journées de grève saute-mouton menées par les directions syndicales.

C’est dans ce contexte que la journée du 13 septembre 2019 à la RATP a su renouer avec les méthodes de l’histoire du mouvement ouvrier, la grève massive pour imposer le rapport de force. Mais ce n’est pas la seule leçon de cette journée, car elle a été également le révélateur de cette nouvelle génération ouvrière combative, n’étant pas démoralisée par les lourdes défaites et les trahisons des grèves précédentes comme celle de 2007. Cela faisait plus de 10 ans que la RATP n’avait pas participé à la lutte de classe, ceci dû à plusieurs raisons. La principale est bien entendu le rôle d’accompagnement des directions syndicales corporatistes, privilégiant le dialogue social et la collaboration plutôt que la construction du rapport de force dans la grève. Dans cette entreprise aux salariés sous la cloche des syndicats, dans une période où le patronat et le gouvernement ne sont plus enclins à céder même des miettes, les directions syndicales ont vite été débordées par la base, dont une grande majorité est non syndiquée.

La suite nous la connaissons : la grève la plus longue de l’histoire du mouvement ouvrier au niveau national et notamment à la RATP et à la SNCF, avec plus de 60 jours de grève reconductible dans les transports contre la réforme des retraites. Même si ce n’est pas la grève qui a permis de retirer directement le projet de loi, Macron a bien compris qu’après la démonstration de force du mois de décembre et l’explosion du COVID19, il était plus que dangereux de maintenir le projet de réforme. Sans cette lutte historique, le gouvernement n’aurait jamais reculé, crise sanitaire ou pas. Il n’en demeure pas moins qu’il faut tirer le bilan de l’absence de généralisation de la grève par les confédérations syndicales. Jusqu’au bout, celles-ci ont accompagné le gouvernement dans les négociations, jusqu’à tenter d’imposer une trêve de la grève pendant les fêtes, de manière assumée ou non. Pour l’heure, si la réforme semble renvoyée à plus tard, il est clair que cela va dépendre de la réponse du mouvement ouvrier face à la crise, dans les semaines à venir.

Les agents de la RATP doivent reprendre la lutte face à la crise

Un an plus tard, la situation est totalement différente. Si à l’époque la direction de la RATP et le gouvernement faisaient des pieds et des mains pour négocier et calmer la colère de la base après ce 13 septembre, aujourd’hui l’atmosphère a changé. La stratégie adoptée par la direction de la RATP est d’effacer par la répression patronale le souvenir de la grève contre la réforme des retraites. Effacer des mémoires le blocage des dépôts de bus, les mêlées avec les forces de l’ordre, les pressions sur la réserve générale dans le métro... pour ne garder que l’image de militants réprimés. La RATP veut donc marquer au fer rouge l’esprit des 60.000 agents de la RATP, qui ont montré en une seule grève qu’ils pouvaient devenir moteur pour tout le mouvement ouvrier, sans attendre les mots d’ordre d’en haut.

Certaines directions syndicales qui à l’époque se peignaient de rouge, comme l’UNSA RATP, étaient en réalité complètement débordées par leur propre base, qu’elles ont eu le plus grand mal à contraindre à arrêter la grève. Pour cela l’UNSA a tout fait pour essayer d’isoler sa base de la coordination RATP-SNCF, par des actions isolées ou encore multipliant des réunions purement UNSA, afin de remettre de l’ordre en bas durant la grève. Aujourd’hui l’UNSA joue son rôle habituel d’accompagnement de la direction de la RATP, notamment par la voix de son secrétaire général Thierry Babec, qui a fait une « déclaration d’amour » à la direction de la RATP en pleine pandémie au micro de BFMTV. Alors que 9 agents sont morts des suites du COVID, il a réussi à expliquer que les conditions de travail étaient « globalement correctes » à la RATP. Voilà donc le niveau de radicalité dans une crise d’ampleur de la première organisation syndicale à la RATP.

Concernant la CGT RATP, deuxième organisation syndicale dans l’entreprise, elle est au centre d’une attaque d’ampleur de la part de la RATP. Une véritable offensive en règle contre certaines figures de la grève, avec très récemment une procédure de licenciement contre Alexandre El Gamal, secrétaire CSE et dirigeant CGT du dépôt de Vitry-sur-Seine. Pourtant, la direction de la CGT RATP même si elle a multiplié ci et là les rassemblements pacifiques et les chahutages de dirigeants, n’a jamais cherché à construire, par la grève, le rapport de force, pour réellement empêcher que la direction de la RATP ne fasse sa loi et licencie des militants combatifs de la grève, mais également les traminots qui croulent sous la répression et la dégradation de leurs conditions de travail.

Ce 13 septembre 2019 confirme aujourd’hui encore que seule la base de la RATP a les capacités pour faire bouger les choses, pour matérialiser la colère sourde dans ses rangs, et devenir une alternative par en bas aux directions syndicales qui sont totalement absentes dans la période.

Face à la crise, c’est tout le mouvement ouvrier qui doit se lever et faire face à l’atonie des directions syndicales, espérant qu’avec Jean Castex l’herbe sera plus verte qu’avec Edouard Philippe. Retrouver les miettes d’avant, voilà le grand espoir des directions syndicales, dans une période où nous sommes frappés par une crise sanitaire et une crise économique mondiale, dans laquelle les militants se font licencier, où les plans sociaux se multiplient, où les héros de la crise perdent leur emploi et où l’épidémie revient à grand pas. La grève contre la réforme des retraites a permis également de renouer avec la construction de l’auto-organisation, avec notamment l’émergence de la coordination RATP-SNCF. Elle a su jouer un rôle prépondérant dans le maintien de la grève au moment crucial des vacances de Noël, avec des actions importantes et l’unification dans la lutte de ces deux secteurs. La base est donc capable de revenir dans cette période, de poser les jalons les uns après les autres, dans les différents secteurs du mouvement ouvrier pour s’organiser et construire l’état-major capable de diriger la prochaine lutte de manière offensive, contre les stratégies de la défaite des directions syndicales, qui aujourd’hui brillent par leur absence, à l’image de la prochaine journée du 17 septembre qui pour l’heure ne reçoit que très peu d’écho sur le terrain.

Ce 13 septembre 2019 ne doit pas être une simple date anniversaire, mais elle doit nous transmettre tous les enseignements nécessaires afin de nous organiser à nouveau aujourd’hui, en tirant les leçons de la dernière période de lutte des classes, afin de les corriger pour lutter face à ce système capitaliste.


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