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Retraites

5 mensonges du gouvernement sur la réforme des retraites

Le 1er décembre, Elisabeth Borne a annoncé les premières mesures issues de la réforme des retraites, dont le contenu sera intégralement dévoilé le 15 décembre prochain. Entre temps, les macronistes préparent déjà leurs éléments de langage pour justifier cette attaque. Retour sur 5 fake-news du gouvernement.

Antoine Weil

5 décembre 2022

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Depuis jeudi dernier, le contenu de nouvelle réforme des retraites promise par Emmanuel Macron se précise : report de l’âge légal de départ à la retraite à 65 ans et « clause du grand-père » pour les régimes spéciaux, signifiant que les nouveaux recrutés seront affiliés au régime général. Pour justifier cette attaque, les macronistes ont déjà repris les éléments de langage habituels pour faire accepter cette réforme, particulièrement utilisés lors de la réforme des retraites de 2019.

Numéro 1 : « Le système des retraites est en faillite, il n’y a pas d’autre choix que de travailler plus longtemps »

Première fake news qui justifie la réforme des retraites : le système serait en faillite. C’est ce qu’Elisabeth Borne a expliqué au Parisien, il y aurait « un déficit qui dépassera les 12 milliards d’euros en 2027 et continuera à se creuser si l’on ne fait rien ». Plus loin, la Première ministre explique même que « si on ne fait rien, nous aurons plus de 100 milliards d’euros de dette supplémentaire pour notre système de retraite dans les dix prochaines années ». Sur le même ton Emmanuel Macron martelait ce samedi sur TF1 que sans réforme : « on laisse le système par répartition en danger ».

Une nécessité soi-disant démontré par « toutes les études sérieuses », et notamment par le dernier rapport du Conseil d’Orientation des Retraites (COR), et qui implique, presque naturellement, de rallonger le temps de travail, Macron concluant : « le seul levier, c’est de travailler plus longtemps ». Pourtant, le Conseil d’Orientation des Retraites, un organisme institutionnel rattaché au Premier ministre, précise dans ce même rapport que ses résultats « ne valident pas le bien-fondé des discours qui mettent en avant l’idée d’une dynamique non contrôlée des dépenses de retraite ». De fait, dans le fonctionnement actuel de la sécurité sociale, il est probable que le déficit actuel se résorbe ou reste marginal.

Par ailleurs, quelle que soit la réalité actuelle du système, toute la rhétorique du gouvernement repose sur un principe clair : le refus de toucher aux profits des entreprises. Comme l’a expliqué Elisabeth Borne : « ce qu’on exclut c’est (…) d’alourdir le coût du travail par des cotisations supplémentaires. » Une fois cette possibilité écartée, les calculs de la macronie lui permettent systématiquement de présenter le fait de travailler plus longtemps comme inévitable. Or, contre cette logique pro-patronale, il serait évidemment possible d’aller chercher dans les poches du patronat, qui enchaîne les profits records, pour financer des retraites plus avantageuses. Au 1er semestre 2022, ceux-ci s’élevaient à 72,8 milliards d’euros...

Numéro 2 : « La réforme des retraites permet de financer les progrès sociaux »

Conscient que cet argument de la faillite du système, démenti par ses propres services, tient peu, le gouvernement associe désormais une seconde idée pour justifier de faire travailler la population au moins jusqu’à 65 ans. Aussi en septembre dernier Macron expliquait qu’il fallait réformer les retraites pour libérer de l’argent afin de financer la refondation de « grands services publics : l’hôpital, l’école et notre sécurité ». Cherchant à faire apparaitre cette réforme comme progressiste, il affirmait : « il nous faut travailler plus et produire plus de richesses dans notre pays si nous voulons protéger, avoir une politique de justice sociale et défendre le modèle social français, sa force et son avenir ».

Évidemment, il s’agit d’un mensonge éhonté : en aucun cas l’argent économisé ne sera automatiquement redirigé vers certaines dépenses. En réalité, il va surtout servir à renforcer la politique habituelle du gouvernement : sous-financement des services publics, milliards pour la police et l’armée, cadeaux au patronat. D’ailleurs, dans le Projet de loi de Finances 2023 (page 9) et le Programme de Stabilité 2022-2027 (page 16), le gouvernement note que les économies réalisées lors de la réforme des retraites et de l’assurance chômage permettront de continuer « la stratégie de baisse des prélèvements obligatoires engagées sous le mandat précédent afin de soutenir le pouvoir d’achat des français et la compétitivité des entreprises ». La réalité de ce soutien est connu, puisque l’État n’a cessé de distribuer des fortunes d’aides aux entreprises, à un niveau atteignant au moins 160 milliards d’euros par an selon une étude de l’IRES.

Numéro 3 : « La réforme des retraites permet des avancées sociales, notamment pour les petites retraites »

C’était déjà un argument récurrent des macronistes en 2019, qui tentaient de faire avaler leur réforme en promettant une retraite minimum de 1000 euros. Désormais, les ministres évoquent la somme de 1200 euros, en lien avec l’inflation.

Or, non seulement ce montant se situe à peine au-dessus du seuil de pauvreté, fixé à 1128 euros, dans un contexte de forte augmentation des prix, mais il est loin de concerner l’ensemble des retraités ! Comme en 2019, pour recevoir cette retraite minimum, le gouvernement pose comme condition d’avoir cotisé le nombre de trimestre nécessaire. Une condition qui n’est pas rempli par les travailleurs ayant connu de fortes périodes de chômage et de précarité, avec des carrières hachées, ce qui est notamment le cas des femmes.

Numéro 4 : « La pénibilité sera mieux prise en compte grâce à la réforme »

Pour faire accepter la réforme des retraites aux syndicats, la macronie pense avoir trouvé un levier : promettre une meilleure prise en compte de la pénibilité. Cet élément était en effet au cœur des tractations lors du second cycle de négociations.

Le gouvernement promet ainsi d’apporter 3 nouveaux critères, pouvant permettre des aménagements pour partir à la retraite moins tardivement : le port de charges lourdes, les postures pénibles et les vibrations mécaniques. Une promesse particulièrement cynique quand on sait que ces critères existaient auparavant pour prendre en compte la pénibilité, et que c’est justement Macron qui les a fait supprimer au début de son premier mandat, alors qu’ils représentent l’essentiel des causes d’accident du travail. Un quatrième critère supprimé en 2017, l’exposition aux agents chimiques dangereux, n’est quant à lui pas retenu pour être réintégré dans le compte de la pénibilité.

En dépit de cette manœuvre hypocrite, le gouvernement devrait selon toute probabilité durcir les possibilités de dérogations pour les salariés les plus éprouvés par le travail. Elisabeth Borne a ainsi ouvert la porte à un durcissement des conditions pour entrer dans la catégorie de « carrière longue ». Dans une interview, elle a ainsi précisé : « Il faudra, par exemple, se poser la question des jobs d’été qui sont aujourd’hui pris en compte ou de l’âge auquel les personnes ont réellement commencé à travailler », insistant pour que le dispositif concerne ceux « qui ont vraiment commencé à travailler très tôt ».

Numéro 5 : « Supprimer les régimes spéciaux, une mesure d’égalité et de justice »

C’est l’argument classique pour présenter certains salariés, comme ceux de la RATP ou des Industries électriques et gazières (IEG), comme des « privilégiés ». Elisabeth Borne a rejoué ce bashing désormais habituel, arguant que les régimes spéciaux sont « [vécus] comme une injustice par une partie des Français ». Même son de cloche du côté de Stanislas Guérini, ministre de la Fonction Publique.

D’abord, les chiffres des sondages montrent bien que, malgré l’offensive systématique contre les régimes spéciaux, la population est loin d’être opposée de façon écrasante à ces régimes. Dans un sondage de septembre 2021, 53% des Français se disaient favorables à leur suppression, avec des motivations qu’on imagine variées. Dans le même temps, les sondages sur l’âge de départ à la retraite recueillent une opposition importante, autour de 80% !

Surtout, derrière le discours médiatique, les travailleurs bénéficiant d’un régime spécial subissent des métiers pénibles, comme l’expliquaient déjà en 2019 les grévistes de la RATP : horaires en 3x8, horaires décalés, travaillant toute l’année même les jours fériés, dans des conditions de plus en difficiles depuis la privatisation. Tout cela explique une espérance de vie plus faible, à l’image des égoutiers, qui bénéficient d’un régime spécial et qui souffrent d’une surmortalité importante, par rapport à la moyenne de la population.

Cependant, il ne s’agit pas des seuls travailleurs effectuant des métiers pénibles, beaucoup d’entre eux vivent en effet avec de faibles salaires, souffrent de la précarité, et doivent partir à la retraite tardivement, à l’image des travailleurs de Geodis, qui étaient en grève le mois dernier. Mais face à cette situation, il ne s’agit pas d’opérer une compétition entre les travailleurs usés par l’exploitation pour le compte des capitalistes, selon qu’ils aient plus ou moins d’avantage. Au contraire, il faut faire profiter à l’ensemble des salariés des acquis que certains travailleurs ont obtenu historiquement !

Par conséquent, les fake news du gouvernement pour justifier sa réforme des retraites ne doivent pas conduire à défendre le système actuel, largement inégal entre hommes et femmes et défavorable aux franges précarisées de notre classe. A l’inverse, il s’agit de se battre pour le retour de la retraite à 60 ans, et le départ à 55 ans pour les travaux pénibles, en faisant payer les entreprises et leurs milliards de profits. Une perspective qui permettrait d’entrainer dans la bataille contre la réforme des retraites les travailleurs les plus précaires et qui souffrent dans le même temps de l’inflation, élargissant ainsi la grève de 2019-2020 qui, malgré sa force, est restée largement cantonnée aux secteurs sous statut.


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