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La fin de Twitter ?

À peine arrivé à la tête de Twitter, Musk donne toutes les raisons de l’exproprier

Une semaine à peine après avoir racheté Twitter, le milliardaire Elon Musk a débarqué dans l’entreprise avec un plan de licenciements massif et brutal. Quant aux projets du patron ouvertement libertarien pour la plateforme, ils n’annoncent rien de bon.

Adèle Chotsky

8 novembre 2022

Facebook Twitter

Crédits photo : AFP

L’arrivée d’Elon Musk à la tête du réseau social a d’abord été marquée par un plan social massif, dont les méthodes illustrent une brutalité patronale inouïe. L’annonce des licenciements de masse est tombée sur la tête du personnel de Twitter jeudi 3 novembre dernier. Si aucun chiffre n’a encore été donné officiellement par la direction, ce serait selon les estimations près de la moitié des effectifs qui serait concernée – soit 3700 emplois supprimés.

Tous les secteurs de l’entreprise sont touchés, qu’il s’agisse de la technique, de la modération, de la recherche, ou encore du marketing. Jeudi, les salariés ont reçu un premier mail de la direction de Twitter adressée à tout le personnel qui annonçait le plan de suppression d’emplois, qualifié avec cynisme de « difficile processus de réduction de notre main d’œuvre mondiale ». Sans oublier de préciser que, bien que cette mesure toucherait un grand nombre de personnes, elle était « malheureusement nécessaire pour assurer le succès futur de l’entreprise ».

Les salariés se sont vus demandés de ne pas se rendre sur leur lieu de travail le lendemain, vendredi 4 novembre. Les bureaux de Twitter ont alors fermé temporairement, avec tous les badges et cartes d’accès désactivés. Dès vendredi matin, des dizaines de salariés ont appris leur licenciement par mail. Un procédé expéditif et violent qui a secoué nombre de travailleurs de l’entreprise, partageant leur colère sur les réseaux sociaux, et choqué largement.

La « fin » de Twitter ?

Si la violence de ces licenciements brutaux a immédiatement choqué, c’est aussi ce que pourrait faire le milliardaire de Twitter qui inquiète les utilisateurs. D’une part, ce dernier souhaite modifier le modèle économique de la plateforme, qui jusqu’ici a toujours été gratuite. Son projet ? Faire payer un abonnement de 8 dollars par mois en échange de certifier l’authenticité d’un compte et d’obtenir une meilleure mise en avant par l’algorithme. En clair, ce sont ceux qui paieront – en premier lieu les grandes marques ou encore les politiciens professionnels – qui seront le mieux mis en avant sur le réseau social.

D’autre part, le milliardaire, libertarien et réactionnaire, veut voir la plateforme devenir un lieu sans contrainte ni « censure » au nom soi-disant de la « liberté d’expression ». En pratique, cela signifie un changement dans la politique de modération, revue à la baisse du fait de licenciements massifs dans les équipes dédiées. Avec la crainte que se multiplient les contenus racistes, xénophobes, complotistes et d’extrême droite. Musk souhaite aussi supprimer la règle de bannissement à vie qui existait jusqu’à présent pour appels à la violence ou la propagation de thèses racistes et antisémites.

Historiquement, la politique de modération de Twitter a déjà suscité de nombreuses polémiques, liée à la liberté totale laissée à des comptes d’extrême-droite, à la propulsion en tendance de hashtags racistes et antisémites ou à la suspension temporaire ou définitive de comptes militants, notamment féministes ou LGBT comme celui de Mélusine en 2021. Mais le fait que la modération, déjà opaque, tombe entre les mains d’un libertarien mégalo assumé inquiète sur le saut qui pourrait s’opérer sur la plateforme.

Premier exemple de la conception très autoritaire et personnelle que Elon Musk se fait de son rôle dans Twitter, ce dernier a décidé dimanche de durcir fortement les règles encadrant les comptes parodiques. Une décision prise après une floraison de comptes se faisant passer pour le milliardaire pour se moquer - de façon claire - de lui et mettre à l’épreuve les intentions affichées par Elon Musk. Le 28 octobre dernier, celui-ci avait expliqué à propos de son acquisition de Twitter que « l’humour est désormais légal sur Twitter ».

L’un des premiers à se féliciter de l’arrivée de Elon Musk a d’ailleurs été Donald Trump, qui s’est réjoui que le réseau social soit « désormais entre de bonnes mains ». L’ancien président des États-Unis était l’un des politiciens les plus actifs sur la plateforme avant la suppression de son compte et peut donc à présent espérer revenir sur Twitter... après les mid-terms pour lesquelles le nouveau patron de Twitter a cependant d’ores et déjà appelé à voter pour le Parti républicain.

Les réseaux sociaux n’ont rien à faire entre les mains des milliardaires

Nombreux sont ceux et celles qui s’inquiètent de l’offensive lancée par Elon Musk et craignent de voir Twitter disparaître ou se transformer en canal dédié aux idées d’extrême droite sous prétexte de « liberté d’expression ». S’il ne s’agit pas d’idéaliser le « Twitter d’avant » (dont on pourrait discuter de la politique de modération…), force est de constater que le réseau social est devenu ces dernières années un acteur incontournable du débat public et une plateforme de débat politique utilisé par les journalistes, la jeunesse et les mouvements sociaux.

À plusieurs reprises, Twitter a ainsi été le lieu de diffusion de campagnes politiques d’ampleur, qu’il s’agisse de #MeToo contre les violences sexistes et sexuelles, de #BlackLivesMatter face au racisme et aux violences policières, de témoignages étudiants face à la gestion scandaleuse des gouvernement de la pandémie de Covid-19 ou récemment des images des mobilisations en Iran ou au Sri Lanka.

L’arrivée de Musk à la tête du réseau social montre la contradiction de la possession des plateformes qui permettent de communiquer, d’échanger voire de s’organiser aux capitalistes, qui peuvent du jour au lendemain choisir arbitrairement de les transformer en profondeur ou de les détruire. Sur ce plan, il ne faudrait pas que la démesure et la brutalité patronale de Musk éclipse les autres géants du secteur.

Ainsi, l’année dernière, Marc Zuckerberg a annoncé sa volonté de « dépolitiser » Facebook en mettant moins en avant les contenus politiques ou « clivants ». De même, les éléments de censure plus ou moins assumés sur l’ensemble des plateformes sont régulièrement dénoncés, de même que la collecte et la gestion opaque des données des utilisateurs. D’ailleurs, ce pourrait bientôt être au tour de Meta, le groupe présidé par Mark Zuckerberg, de procéder à un plan social d’ampleur avec des milliers de licenciement à prévoir cette semaine.

Entre les mains des milliardaires et des capitalistes, les réseaux sociaux, en dépit du rôle central qu’ils occupent aujourd’hui, resteront un espace contraint, contrôlé, menacé. La lutte pour des réseaux sociaux émancipateurs implique leur expropriation, sous contrôle des travailleurs et des usagers des réseaux. Elon Musk nous donne énormément de raison de porter ce mot d’ordre, mais il serait dommage de s’arrêter à Twitter !


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