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Patriarcat

Affaire Duhamel. L’inceste, un crime structurel et tabou

Dans son livre paru ce jeudi, Camille Kouchner accuse Olivier Duhamel d'avoir abusé de son frère jumeau pendant leur adolescence. Un récit qui met en lumière l'ampleur dramatique des pratiques incestueuses et qui dénonce l'omerta qui pèse sur elles.

Mica Torres

7 janvier 2021

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Crédits photo : Thomas SAMSON/AFP

L’affaire Duhamel, un problème structurel

Dans la Familia Grande, livre publié ce jeudi par la juriste Camille Kouchner, cette dernière accuse son beau-père d’avoir abusé de son frère jumeau quand ils étaient adolescents, ce dernier ayant confirmé les faits. Bien que les faits soient prescrits, Camille Kouchner a voulu révéler le niveau d’omerta qui règne non seulement dans les milieux des élites intellectuelles françaises concernant les violences sexuelles, mais dans tous les milieux. Mais elle montre aussi comme un grand nombre de mécanismes sont à l’œuvre pour imposer le silence au sein d’une famille consciente des faits.

Selon elle, son livre ne révèle rien car où elle soutient qu’une bonne partie des proches de l’homme accusé de viol et de pédocriminalité étaient au courant. « Très vite, le microcosme des gens de pouvoir, Saint-Germain-des-Prés, a été informé. Beaucoup savaient et la plupart ont fait comme si de rien n’était », écrit Camille Kouchner. En témoigne d’ailleurs le fait que Frédéric Mion, directeur de l’école Sciences Po ait reconnu être au courant des agissements pédocriminels d’Olivier Duhamel depuis plus d’un an après avoir parlé de stupeur face aux révélations de Camille Kouchner.

Mais voilà, Olivier Duhamel est un constitutionnaliste des plus influents dans la capitale, il régnait sur la Fondation Nationale de Sciences Politiques, qui finance Sciences Po et dont le Conseil d’administration est très influent dans le milieu universitaire. Il présidait également, avant de démissionner, « le Siècle » un groupe d’influence très select dans lequel se regroupent les élites culturelles, économiques, politiques et médiatiques françaises.

Cette affaire révèle comment l’impunité autour des violences sexuelles se construit : une structure relationnelle complexe composée de personnes prêtes à tout pour préserver le statu quo, jusqu’à exiger de Camille Kouchner qu’elle se taise, comme lui avait demandé sa mère. Une culture du silence où se mêlent emprise et pouvoir. En effet, tout comme pour d’autres affaires de violences sexuelles impliquant des hommes influents, le mouvement #MeToo marqué par une libération de la parole n’a été qu’un premier pas pour pousser les victimes à sortir du silence. Et cette affaire est loin d’être isolée comme en témoignent les affaires Matzneff et Polanski.

Plus d’un français sur dix victime d’inceste

Les réactions même de ces derniers justifiant qu’à l’époque personne n’en parlait en mal montrent le poids du silence patriarcal et de la complaisance des milieux dans lesquelles ces hommes évoluent, et l’impunité dont ils jouissent, particulièrement visible dans les hautes sphères. Cependant, la pédophilie incestueuse irrigue l’entièreté de la société. En effet, un français sur dix déclare avoir été victime d’inceste, 78% seraient des femmes. Enfin 75% des violences sexuelles sur mineurs ont lieu dans le cadre familial dont les agresseurs sont des hommes pour la majorité (sondage Harris pour l’association internationales des victimes d’inceste). 

L’inceste est le noyau du patriarcat, où l’on apprend à ne pas poser de questions quand un acte est commis par une figure dominante, le père, l’oncle, le grand-père, le beau-père, l’ami de la famille. En effet, la société patriarcale apprend aux femmes et aux jeunes qu’ils est mieux de ne pas questionner ces figures et que leur parole ne vaut rien par rapport à la réputation et au maintien de leur ascendant ; de la sorte les victimes vont jusqu’à se culpabiliser d’avoir dénoncé les actes de leurs agresseurs. Également, les conséquences concernant la dénonciation de ces actes exposent les victimes à des risques d’ostracisation. Ainsi, face à ces constat, il est primordial de continuer à encourager l’ouverture de la parole, le soutien indéfectible aux victimes, ainsi qu’engager une réflexion sur le phénomène comme un problème structurel mais également de santé publique extrêmement sérieux, qui engage bien plus une approche psycho-sociale que morale. 


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