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A la veille d'une conférence sur la présidentielle...

Anasse Kazib et les militants de Révolution Permanente menacés d’exclusion du NPA

Nouvel épisode dans la crise profonde que traverse le Nouveau parti anticapitaliste (NPA) : l'ancienne majorité assume son intention de pousser vers la sortie les militants de Révolution permanente. Une façon d'évacuer la question de la pré-candidature d'Anasse Kazib, tout en se redonnant de façon artificielle une majorité qu'elle avait perdue à la base de l'organisation, afin de l'entraîner dans sa politique de rapprochement avec La France insoumise (LFI), déjà en cours pour les élections régionales à venir.

Comité de Rédaction

19 mai 2021

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Comme c’est malheureusement courant au sein du NPA, où les débats stratégiques et sur le projet du parti ne peuvent jamais faire l’objet de débats et bilans sérieux, les désaccords finissent par se cristalliser autour des questions électorales. Il en avait été ainsi en 2012, lorsque plus de la moitié de la direction issue de la LCR avait quitté le NPA pour le Front de gauche de Mélenchon, et il en est à nouveau ainsi aujourd’hui, autour de la séquence régionales-présidentielle. C’est d’autant plus le cas que le 5e congrès du NPA, qui aurait dû avoir lieu en février 2020, a été sans cesse repoussé et pourrait même ne pas intervenir avant la fin 2022.

Deux projets opposés

Le NPA est ainsi profondément divisé entre deux projets, débouchant sur deux voies opposées pour un dépassement stratégique après l’échec évident de la démarche lancée en 2009.

Le premier projet est celui incarné aujourd’hui dans la politique de l’ancienne majorité (minoritaire de peu lors du dernier congrès tenu en février 2018, elle l’est beaucoup plus nettement aujourd’hui) à travers ses listes communes avec LFI en Occitanie et en Nouvelle-Aquitaine, incluant la possibilité d’accords de deuxième tour avec le Parti socialiste (PS) et/ou Europe écologie – Les Verts (EELV). Une telle politique implique de fait la liquidation du NPA en tant qu’organisation basée sur l’indépendance de classe, et donc l’indépendance vis-à-vis de la gauche institutionnelle. C’est en cohérence avec cela, d’ailleurs, qu’une partie non négligeable de l’ancienne majorité (dont la porte-parole du NPA, Christine Poupin) fait part de son opposition au fait que le NPA ait une candidature propre, quelle qu’elle soit, en 2022 et penche dès maintenant pour un vote Mélenchon.

L’autre projet cherche une issue à la crise du NPA du côté d’une fusion avec la nouvelle génération de militant-e-s ayant émergé dans les grandes mobilisations qui ont traversé le pays depuis 2016, de même que dans un dépassement du flou stratégique qui a marqué l’organisation depuis sa fondation. Cela impliquerait une refondation du NPA, vers un parti s’assumant comme révolutionnaire, préoccupé de mieux s’insérer parmi les travailleurs et ayant son centre de gravité dans la lutte de classe, loin des accords entre appareils politiques et/ou syndicaux. C’est ce second projet que portent les militantes et militants de Révolution permanente, et qui se trouve de fait incarné dans la pré-candidature d’Anasse Kazib.

La démocratie interne au NPA est aujourd’hui quasi inexistante. Les listes LFI-NPA pour les élections régionales en Nouvelle-Aquitaine et en Occitanie ont été constituées dans le dos des organismes de direction, tout comme de nombreux militants (et, au moins dans un cas, une majorité) des régions concernées. Pourtant, dès que la pré-candidature d’Anasse Kazib a été rendue publique, elle a été attaquée par l’ancienne majorité comme illégitime, puis carrément comme participant d’une opération « contre le NPA ». La réalité est que la principale menace pesant sur le NPA est la volonté de scission affichée par une partie de sa direction depuis bientôt un an, avec pour but de redonner à l’ancienne majorité « le pouvoir » afin d’engager le NPA vers sa liquidation politique.

La campagne contre la pré-candidature d’Anasse et pour l’exclusion de Révolution permanente

Bien que rien dans les statuts du NPA n’interdise à un militant d’annoncer publiquement qu’il se propose pour être candidat à une élection, et qu’Anasse ait toujours eu soin de préciser qu’il versait cette proposition aux débats et à la décision des militants, une campagne interne a été déclenchée et culmine à travers des motions demandant l’exclusion de l’ensemble des militants de Révolution permanente. Dans une organisation qui en général a toujours été plutôt hostile à ce type de procédé, encore plus en dehors d’un congrès, seule instance légitime pour prendre ce type décision, il s’agit indéniablement d’une « nouveauté ».

Depuis quelques jours, cette offensive a franchi un seuil, avec l’envoi aux membres du comité exécutif du NPA d’un texte prônant l’exclusion de Révolution permanente de la conférence nationale censée trancher la politique et l’éventuel candidat du NPA pour la présidentielle. « Il [le courant Révolution Permanente] se comporte comme un parti profondément différent du NPA, il ne peut donc pas prétendre à discuter et trancher les choix d’un autre parti, fût-il celui auquel certain.e.s de ses membres ont appartenu plus ou moins longtemps et activement », peut-on lire à la fin de cette contribution signée par la totalité des membres de l’ancienne majorité au sein du comité exécutif.

Le problème de fond ne serait donc plus la méthode employée dans l’annonce de la pré-candidature d’Anasse, mais un problème plus structurel avec le courant et le projet qu’il représente. Un courant rendu coupable de défendre l’idée d’un « parti d’avant-garde trotskyste » en opposition à celle des « partis larges », ainsi que de critiquer la politique de la direction actuelle. Le texte cible particulièrement l’intervention de clôture d’Anasse dans un meeting internationaliste en ligne lors du dernier 1er mai, « au cours duquel la politique menée aux élections régionales en Nouvelle-Aquitaine et en Occitanie est qualifiée de ‘‘tournant à droite de l’ex-majorité’’, de ‘‘capitulation’’, ou encore de listes ‘‘qui préparent le terrain à la campagne présidentielle de JLM’’… bref qu’une ‘‘ ligne rouge a été franchie’’. »

Coupable enfin, et c’est à la fois le fond du problème et l’argument le plus risible, d’avoir eu… du succès ! Eh oui, le texte accuse « les succès indéniables rencontrés par ce courant, à partir de l’animation du site en propriété exclusive Révolution Permanente » et laisse par là apparaître les vraies raisons d’un tel acharnement : alors que le NPA a perdu plus de 7000 adhérents depuis sa fondation et a joué un rôle marginal dans la vague de lutte de classe qui a touché le pays entre 2016 et 2020, les « sectaires » de Révolution Permanente ont fait la démonstration que l’on pouvait s’assumer révolutionnaires et toucher largement des milieux ouvriers et populaires, qu’on pouvait construire le parti dans la lutte de classe, en recrutant de nouveaux militants ouvriers, qui ont modifié le rapport de forces interne. C’est bien cela qui dérange l’ancienne majorité qui voudrait entraîner le NPA dans un chemin inverse.

Vers une farce de conférence nationale et l’exclusion de nombreux militants ouvriers et issus des quartiers populaires

Cependant, pour aboutir à ses fins, la direction ne peut pas laisser s’exprimer la voix démocratique de l’ensemble des militants, raison pour laquelle elle cherche à ce que la conférence nationale soit verrouillée d’avance, en évitant le débat contradictoire sous prétexte que des partisans de l’ex-majorité ont écrit dans des motions qu’ils ne souhaitent plus se réunir avec les militants de Révolution Permanente, et d’autres qui partagent peu ou prou leurs positions, en essayant ainsi de remettre en cause la participation de celles et ceux qui constituent la principale opposition à la direction actuelle.

Une telle caricature de conférence nationale ne déboucherait sur rien de légitime et, face à l’impératif de l’obtention des 500 signatures de maire, ne permettrait probablement pas de présenter effectivement un candidat.

En poussant vers la sortie Anasse et Révolution permanente, la direction du NPA fait plus qu’empêcher la tentative de porter une candidature révolutionnaire qui dialoguerait avec les milieux les plus exploités et opprimés de notre classe, en exprimant une convergence entre les idées marxistes et une nouvelle génération d’ouvriers combatifs. Elle cherche à se débarrasser de nombre de militants ouvriers ayant mené des luttes déterminées, parfois exemplaires, de camarades issus des quartiers populaires et de l’immigration qui avaient rejoint le NPA, malgré ses défauts, afin de lutter pour un changement révolutionnaire de la société.

On se trouverait ainsi dans une situation totalement inédite : une organisation d’extrême-gauche, composée majoritairement d’enseignants et de cadres de la fonction publique, dont les effectifs diminuent un peu plus à chaque congrès ou conférence, déciderait d’exclure de ses rangs des centaines de militants ouvriers et jeunes. Parmi eux Adrien Cornet, animateur de la grève de la raffinerie de Grandpuits, Gaëtan Gracia, à l’origine de la coordination d’entreprises de l’industrie aéronautique dans la région de Toulouse au début de la pandémie, Christian Porta, syndicaliste dans l’agro-alimentaire et figure Gilet jaune en Moselle, Rozenn Kevel, jeune travailleuse précaire en lutte contre la direction de Chronodrive, qui l’a licenciée après qu’elle avait dénoncé le harcèlement sexuel au sein de l’entreprise, et de très nombreux militants signataires de cette contribution publiée précédemment sur RP.

Quel sens politique à tout cela ?

On peut craindre qu’une organisation cherchant à se séparer à tout prix de ce type de militants se prépare à autre chose qu’essayer d’intervenir le plus efficacement possible dans les processus de lutte des prochaines années ; et que sa préoccupation soit plutôt de trouver des raccourcis, comme celui empruntés par les amis de l’ancienne majorité du NPA dans l’Etat espagnol, qui ont accepté de dissoudre leur organisation (Izquierda Anticapitalista) dans Podemos, ce qui les a amené à cautionner la politique de plus en plus institutionnelle de Pablo Iglesias, avant sa débâcle dans un gouvernement commun avec le PS, puis une chute vertigineuse qui a débouché sur son retrait de la politique.

Le nouveau régime « centraliste-bureaucratique », sans droits réels de tendance et de fraction, qu’essaie d’imposer l’ancienne majorité du NPA et vers lequel l’exclusion du CCR constitue un premier pas, est un moyen d’avancer dans ce sens [1].

Malheureusement des courants de la gauche du NPA, tout en critiquant l’orientation mise en œuvre lors de ces régionales, restent sur une utopique défense du statu quo du NPA actuel, en finissant par s’adapter dans les faits à la politique de l’ancienne majorité. Alors que le projet du NPA a clairement échoué, que l’organisation et sa direction ont montré leur faible utilité du point de vue de la lutte de classe, et qu’est en œuvre un processus de liquidation de cet outil très imparfait dans un projet encore plus flou et ouvert sur la gauche institutionnelle, ces camarades choisissent de renvoyer dos à dos la pré-candidature d’Anasse et la politique menée dans les régionales par l’ex-majorité. Ils proposent une candidature consensuelle, qui pourrait même être issue de l’ancienne majorité, à condition qu’ils disposent de quelques porte-parole de campagne. Un tel positionnement est d’autant plus problématique que les tendances de gauche sont numériquement majoritaires et pourraient imposer un candidat de rupture avec l’orientation actuelle et la direction qui en est porteuse.

[1]Izquierda Anticapitalista avait d’ailleurs, elle aussi, exclu son aile gauche au moment de son entrée dans Podemos.


[1Izquierda Anticapitalista avait d’ailleurs, elle aussi, exclu son aile gauche au moment de son entrée dans Podemos



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