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Quartiers populaires

Auto-organisation, réappropriation de la politique : après-midi de débat au Franc-Moisin

Ce dimanche au Franc-Moisin, Mahamad Camara, Diané Bah, Marwan Mohammed, Anasse Kazib et des habitants et militants du quartier étaient réunis pour débattre de la question de l’auto-organisation dans les quartiers populaires.

Belkacem Bellaroussi

6 septembre 2021

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Crédits : Révolution Permanente

En plein cœur du quartier du Franc Moisin, une rencontre entre les habitants de Saint-Denis et des militants des quartiers populaires avait lieu ce dimanche à l’initiative de l’association Franc Moisin Citoyenne. Elle a réuni différentes figures militantes telles que Mahamadou Camara du comité Justice et vérité pour Gaye Camara, le sociologue Marwan Mohammed, Diané Bah du comité Justice pour Ibo ainsi qu’Anasse Kazib, militant à Révolution Permanente.

Un retour sur les problématiques des quartiers populaires et l’importance de se « réapproprier la politique »

Débutant la discussion, Fatou, éducatrice au Franc Moisin, est revenue sur son expérience comme animatrice en évoquant les projets et fêtes de quartier qu’elle a participé à lancer avec les habitants du quartier de la Porte de Montreuil. Comme elle l’expliquait, c’est pour pallier au manque de considérations des pouvoirs publics que les habitants des quartiers populaires se mettent à s’organiser.

Dans une prise de parole forte prolongeant les propos de Fatou, Mahamadou Camara, dont le petit frère a été tué par la police, est revenu sur l’abandon des quartiers populaires. Il a présenté l’auto-organisation comme une nécessité pour vivre dignement dans les quartiers populaires où les politiques ne viennent que lors d’échéances électorales, mais aussi pour mettre fin aux racines de la violence subie. « Après la mort de Gaye, on s’est auto-organisés. On ne peut pas attendre après les politiques qui viennent dans nos quartiers pour se faire élire. Les quartiers sont délaissés, si on ne prend pas la responsabilité de s’engager politiquement, comment on empêchera que nos frères perdent la vie ? » a-t-il expliqué, avant de pointer le fait qu’il « n’avait pas eu d’autre choix que de devenir militant. » Il a ensuite insisté sur l’importance de connaître l’histoire des quartiers populaires, des personnes immigrées des générations précédentes et de leurs combats, pour pouvoir reprendre leur flambeau. « Ce qui nous arrive n’est pas nouveau. Ça fait 40 ans que c’est toujours la même politique. Maintenant, il faut que ça change » a t-il conclu.

Anasse Kazib est de son côté revenu dans un premier temps sur le révélateur qu’a constitué la crise sanitaire concernant les quartiers populaires. « Nos quartiers populaires c’est là où il y a, dans la grande majorité, la classe ouvrière, les travailleurs qui ont été en première ligne pendant la crise du Covid. C’est aussi les quartiers qui ont connu le plus de morts de l’épidémie ». Évoquant les politiques professionnels qui viennent dans les cités « pour faire quelques jongles sur les terrains de foot » au moment des élections, il a ensuite insisté sur la nécessité de se réapproprier la politique dans les quartiers. Candidat à la présidentielle de 2022, il a également expliqué le sens de cette démarche, loin d’être contradictoire avec la défense de l’auto-organisation : « je suis candidat à la présidentielle pas pour devenir Président, mais avec la conviction qu’il faut qu’on parle de celles

et ceux d’en bas. Il faut se réapproprier la politique, pas la politique que eux font, mais faire comprendre que la solution viendra de nous ».

Prolongeant le propos d’Anasse Kazib, Marwan Mohammed, sociologue et spécialiste des quartiers populaires, a insisté sur la nécessité de s’engager et s’auto-organiser en se dotant des perspectives politiques. « Il faut des débouchés politiques : on parle d’auto-organisation mais il faut se demander ce qu’on veut. C’est à partir de là qu’on doit agir, quand on parle d’auto-organisation on doit toujours se demander pour quel objectif on le fait ». Saluant le travail des associations de quartiers qui organisent des distributions alimentaires, proposent des fêtes de quartiers et des actions de solidarité, il a en même temps insisté sur les limites de ce type d’action si elles ne sont pas porteuses d’une alternative politique et ne font que pallier aux déficiences des pouvoirs publics.

Diané Bah a conclu le tour de parole en évoquant la gestion policière des quartiers populaires par les gouvernements. « En France, les quartiers populaires sont zones de non-droit mais pas au sens où eux l’entendent. Ce sont des zones de non-droit car ils ne respectent pas le droit » a-t-il pointé, évoquant le refus de la police de répondre à la demande de sa famille de consulter les images des caméras de vidéosurveillance qui ont enregistré la mort de son frère. Une impunité policière qui se double de privilèges accordés aux policiers. « Mon frère Ibo est mort percuté par une voiture de police. Il avait 22 ans, une carte d’électeur, et il avait même voté Macron qui était venu faire un foot à la cité. Aujourd’hui c’est Macron qui se plie en quatre pour permettre l’impunité policière, et leur offre même le train gratuit ! ».

De la lutte dans les quartiers populaires à la lutte contre un système

La parole a ensuite été donnée aux habitants du quartier, qui sont revenus sur les problèmes quotidiens avec la police, les problèmes de logement, le décrochage scolaire et le sentiment d’abandon que l’on peut ressentir dans le quartier. Alors qu’une opération de rénovation urbaine a été lancée dans le quartier, Diangou Traoré, l’une des organisatrices du débat, est revenu sur le lancement d’un référendum citoyen à ce sujet, à propos notamment de la destruction d’une barre d’immeubles. Un référendum qui a connu une forte participation, mais dont le résultat contraire aux objectifs de l’Etat a été totalement ignoré.

La question des violences policières est également revenue de façon importante. « Ils envoient des policiers armés, je les vois s’en prendre aux jeunes ça m’empêche de dormir. Il y a beaucoup de jeunes avec des compétences, ils peuvent y arriver dans la vie, mais ce n’est pas la violence qui va résoudre quoi que ce soit » a ainsi raconté Mamie Danielle, habitante historique du quartier, évoquant au passage deux affaires récentes de violences policières dont elle a été témoin.

Rebondissant sur la discussion, Anasse Kazib a insisté sur la nécessité de prendre le problème à la racine : « On parle de deal à propos des quartiers populaires, mais la source de tout ça c’est la misère sociale, on voit nos parents se casser le dos dans des emplois précaires. Si on ne lutte pas sur ce terrain, pour en finir avec cette misère, on met des pansements sur une jambe de bois » avant d’évoquer la nécessité de s’attaquer, par-delà les problématiques de logement qui sont fondamentales, à « un système qui nous exploite. »

Une conclusion qui répondait en creux à l’évocation dans le débat des « limites » de l’auto-organisation face aux contraintes imposés par le système. Le débat s’est conclu sur plusieurs interventions revenant sur l’enjeu que les habitants prennent leurs affaires en main.


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