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Ecologie

Z Event. La fondation GoodPlanet, partisane du capitalisme vert et du greenwashing, se retire

Le choix de la fondation Goodplanet comme bénéficiaire des dons récoltés lors du Z Event, échéance caritative réunissant de nombreux streamers sur la plateforme Twitch, a suscité de vives réactions sur les réseaux sociaux, entraînant l'abandon du partenariat. Entre impérialisme et greenwashing, la fondation représente en effet le pire de l'écologie pro-patronale.

Seb Nanzhel


et James Draoust

14 juillet 2022

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Crédit photo : AFP

Le week-end du 8 au 11 septembre prochain aura lieu le Z Event, un événement caritatif sur la plateforme de stream Twitch. Cet événement réunit chaque année des dizaines de streamers suivis par des centaines de milliers de spectateurs, jeunes pour la plupart. Celui-ci récolte chaque année plusieurs millions d’euros de dons qu’il reverse à une association choisie préalablement. Les années précédentes, des associations comme la fondation Pasteur, Action contre la faim ou encore Amnesty International ont ainsi bénéficié de ces dons.

Le choix de Goodplanet, une “écologie” par les entreprises, pour les entreprises

Cette année, le choix s’est porté dans un premier temps sur la fondation Goodplanet, ce qui a créé beaucoup d’indignations de la part de viewers, qui se sont prononcé sur les réseaux sociaux contre le greenwashing de la fondation, entrainant le retrait de cette dernière et le changement dans l’attribution du partage des dons récoltés.

La fondation Goodplanet a été fondée par Yann Arthus Bertrand, un célèbre réalisateur et reporter prônant depuis son hélicoptère et ses millions en banque une écologie pleine de bienveillance et d’amour. Elle compte parmi ses membres fondateurs la BNP Paribas, qui a été épinglée par Oxfam et Les Amis de la Terre à plusieurs reprises. Cette banque est en effet responsable d’émissions massives de gaz à effet de serre : plus d’un milliard de tonnes d’équivalent CO2 en 2017, via notamment le financement des énergies fossiles..

Elle peut également compter sur le soutien du fils de Bernard Arnault. La fondation est ainsi financée à 90% par des entreprises privées comme Casino, Suez ou encore la BNP. Elle a également travaillé de près avec la fondation Bettencourt pour la production du film Human.

Forte de ces soutiens, elle travaille aux côtés d’entreprises comme Total sur des projets visant à compenser une partie de l’empreinte carbone des entreprises. Une grande partie de ces projets et des financements de la fondation se font sous la forme du mécénat, qui permet aux entreprises de récupérer 60% des sommes investies grâce à des déductions d’impôts. La fondation propose également des accompagnements aux entreprises qui souhaiteraient se verdir et des sessions de cohésion d’entreprise … Tout un programme.

Financée et accompagnant ces ennemis objectifs de l’écologie, cette fondation affiche des objectifs de « sensibilisation et de terrain en faveur de l’écologie et du vivre-ensemble. » Elle dispose pour cela entre autres du très chic château de Longchamp situé dans le 16ème arrondissement de Paris.

Par ailleurs, on peut aussi évoquer la promotion par cette fondation de pratiques douteuses, d’un point de vue scientifique, comme l’agriculture bio-dynamique ou encore la promotion de NFT, une forme de crypto-monnaie dont les échanges de données numériques sont très polluants. En tout cas, s’il y a un point commun entre toutes ces actions, c’est qu’elles visent le verdissement de la façade des entreprises, pour leur permettre de continuer à polluer tout en soignant leur image.

La compensation carbone : un outil au service de l’impérialisme et du grenwashing

Le travail de la fondation Goodplanet avec Total a consisté en l’implantation de biodigesteurs en Inde pour soi-disant compenser une partie des émissions du groupe. Ce genre de projets s’inscrit dans le cadre du “Pôle Action Carbone Solidaire” de la fondation, dans lequel celle-ci réalise des missions “humanitaires” : plantation d’arbres, écoles "bioclimatiques" en lien avec des ONG locales notamment en Inde financées en grande partie par des entreprises dans une politique de “compensation carbone”

La compensation carbone consiste à permettre aux entreprises non pas de réduire leurs émissions, mais de les compenser en finançant des projets qui cherchent à emprisonner une partie de ces émissions présentes et futures via par exemple la plantation d’arbres ou encore le financement de technologies “vertes”. Des solutions qui, loin de mettre en place de réelles solutions pour emprisonner en masse le CO2 présent dans l’atmosphère, soin surtout des pratiques de greenwashing pour continuer à accumuler des profits tout en détruisant l’environnement.

Sur le plan environnemental, ce tour de passe-passe des entreprises n’est rien de plus qu’une arnaque. En effet, si les forêts et les sols absorbent bien du CO2, “il n’y a pas assez de terres disponibles pour compenser les émissions imputables aux énergies fossiles”, comme le rappelle pour Mediapart Alain Karsenty, socio-économiste au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad), spécialiste des forêts. De même, il paraît physiquement impossible de compenser les milliards de tonnes de CO2 émises par les entreprises en implantant des technologies “vertes”, qui, loin d’absorber du CO2, évitent une partie des émissions à partir de scénarios établis par les entreprises et les fondations, tout en créant à leur tour des conséquences environnementales.

Derrière le vernis environnemental et humaniste, ces pratiques de compensation sont avant tout une politique de domination impérialiste. D’une main, les entreprises pillent et détruisent environnementalement et socialement des territoires entiers, avec le soutien si nécessaire de force armée. Par exemple le projet Tilenga de Total, consiste en l’extraction et le transport via un oléoduc chauffé de près de 1500 km de long de pétrole en plein milieu d’une réserve naturelle en Ouganda, projet pour lequel des dizaines de milliers de personnes ont été chassées de leurs terres, menacées et persécutées, ou encore exposées à des famines. De l’autre main, ces entreprises prétendent participer au “développement” de ces territoires, en finançant grâce à des fondations comme Goodplanet les projets qui leur conviennent et qui, à terme, peuvent assurer leurs intérêts dans la région.

Face à la controverse, changement de méthode

A la suite de l’ampleur qu’a prise la controverse sur les réseaux sociaux, Goodplanet a publié une vidéo dans laquelle elle annonçait se retirer du Z-event

Suite à ce revirement, les organisateurs du Z Event ont fait le choix de laisser la communauté choisir 5 associations bénéficiaires parmi une liste de 22 associations environnementales allant de la sensibilisation environnementale jusqu’au thinktank pro-patronal prônant une économie decarbonnée en passant par la protection animale. Un moyen pour les organisateurs de se déresponsabiliser des possibles retombées potentielles du choix de l’association.

En effet, certaines accusations portées à la fondation GoodPlanet sont toujours valables pour certaines associations de la liste. Que ce soit Sea Shepherd, fondé par le réactionnaire Paul Watson, obsédé de la “surpopulation” (ou plutôt de l’immigration) et compagnon de route de la très raciste Brigitte Bardot, Jean Marc Jancovici, fondateur du ShiftProject et son écologie pro-capitaliste à base de cabinets de conseils ou encore des organisations pro-impérialistes comme la WWF, qui n’hésitent pas à menacer, attaquer et exproprier des populations sous couvert de préservation d’aires naturelles

Ce mercredi, les résultats du vote sont tombés et les 5 organisations choisies sont Sea Shepherd, la Ligue pour la Protection des Oiseaux, la WWF, Time For Planet et The Sea Cleaners.

Alors que l’urgence climatique se renforce chaque jour, cet épisode montre qu’il n’y a aucune confiance à avoir envers les projets écologiques pro-patronaux sur le plan associatif mais aussi politique.

L’épisode du Z Event vient mettre en avant de manière frappante l’écart entre la conscience et la radicalité d’une partie de la jeunesse, qui s’est mobilisée ces dernières années pour le climat et continue de se politiser autour de ces questions, et la prise en charge institutionnelle des questions écologiques. Si cet écart peut susciter désespoir ou résignation, il est avant tout un signe que c’est en toute indépendance de cette écologie pro-patronale que ceux qui veulent conserver des conditions vivables sur la planète doivent s’organiser, en alliances avec les secteurs opprimés et exploités.


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