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Ex « héros de la nation »

Castex incrimine les soignants des faiblesses de sa propre stratégie vaccinale

Castex menace de rendre la vaccination obligatoire pour les soignants face à la reprise de l’épidémie dans les Landes. Alors que plus de 60% d’entre eux sont déjà vaccinés, le gouvernement cherche un bouc-émissaire à l’insuffisance de sa campagne vaccinale.

Youri Merad

25 juin 2021

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Crédit photo : Thomas Samson/AFP

Le gouvernement est sur le point d’obliger les soignants à se vacciner. «  Je souhaite qu’au cours de l’été nous fassions fortement grandir la couverture vaccinale de nos soignants, sans quoi, je le redis, vraisemblablement en septembre, je pourrais être amené à proposer une vaccination obligatoire. […] Je ne laisserai pas les Ehpad à nouveau, infectés par le virus.  », a menacé Olivier Véran devant le Sénat ce mercredi.

Cette injonction du ministre de la santé intervient dans un contexte où la vitesse de la vaccination perd du terrain partout dans le monde face au développement de nouveaux variants plus résistants, en particulier le variant delta. Ce dernier a déjà submergé le système de santé anglais alors que plus de 60% de la population est déjà vaccinée au Royaume-Uni.

Ce troisième rebond épidémique dans de nombreux pays avec un taux de vaccination élevé inquiète les autorités des pays occidentaux, pour qui la stratégie se résume jusque-là à la seule vaccination de leur population en s’appropriant la quasi-totalité des doses de vaccins disponibles.

En déplacement dans les Landes face à la recrudescence de l’épidémie ce jeudi, Olivier Véran et son premier ministre ont tous deux insisté sur l’urgence de “prendre rendez-vous” pour ceux qui ne seraient pas encore vaccinés.

Avec une prévalence du variant delta dans les Landes à plus de 70% et de nouveaux clusters dans les Ehpad pourtant majoritairement vaccinés, le gouvernement français craint d’être une fois de plus pointé du doigt pour l’insuffisance de sa gestion de la crise sanitaire.

Alors que tous les jours 200 000 personnes reçoivent une première injonction du vaccin désormais, contre 250 000 il y a quelques semaines, les deux ministres résument ainsi le rebond épidémique dans la région à la seule responsabilité de la population et de la “décélération” du nombre de vaccinations quotidiennes.

Et les premiers incriminés ont été les personnels soignants, à qui le gouvernement a désormais annoncé vouloir imposer la vaccination. Selon Véran, les soignants seraient parmi les premiers responsables de la circulation du virus dans les centres hospitaliers et les Ehpad. Il est même allé jusqu’à accuser personnellement une infirmière de l’Ehpad de Pontoux-sur-l’Adour d’avoir fait entrer le virus dans l’établissement et provoqué un cluster d’une vingtaine de résidents dont 3 hospitalisés : «  Manifestement, le virus est rentré dans l’Ehpad par le biais d’une soignante qui n’était pas vaccinée  ». Comme l’explique la CGT Santé dans un article de France Bleu Gascogne, l’accusation de Véran «  ne repose sur aucune preuve expliquée ou argumentée auprès des médias  » et «  pourrait être lourde de conséquences psychologiques pour l’agent incriminé  ».

Cette rhétorique calomniatrice n’est pas nouvelle à l’encontre des soignants. Il y a trois mois, quelques semaines après l’ouverture de la vaccination au personnel de santé, le gouvernement les qualifiait d’«  irresponsables  » qui refuseraient de se vacciner et de protéger leurs patients. Pourtant, alors qu’un tiers des soignants avaient reçu une première injection, le gouvernement ne leur offrait aucune condition viable pour y accéder.

En réponse, dans une interview accordée à Révolution Permanente, une aide-soignante de l’hôpital Mondor dévoilait le mépris du gouvernement envers les professionnels de santé déjà surmenés par les deux premières vagues épidémiques. « Dans tous les cas on est perdants : soit on pose un arrêt maladie et on perd notre journée de travail à cause de la journée de carence, soit on se fait vacciner sur nos seuls jours de repos alors qu’on est déjà épuisés, et on se met dans des conditions dangereuses de fatigue pour reprendre le travail. »

Le collectif Inter-Urgences avait également sorti un communiqué pour dénoncer la manipulation gouvernementale. Pour Marie-Pierre, porte-parole du collectif, rappelait que les soignants, en tant que première ligne exposée au virus, devaient respecter les recommandations et ne pas se faire vacciner directement après avoir été contaminés : « Il y a une différence entre vouloir et pouvoir se faire vacciner. Il faut rappeler que pour se faire vacciner il ne faut pas avoir contracté le Covid dans les 3 à 6 derniers mois. Or on sait que les soignants sont en première ligne de l’épidémie, souvent mal protégés, et de nombreux soignants ont donc contracté le covid  ». Ainsi en France, près de 80 000 personnels soignants avaient déjà contracté le virus au 1er mai dernier. C’est autant de personnes immunisées pendant plusieurs mois qui ne peuvent se faire vacciner rapidement.

Et alors qu’à l’époque, près d’un tiers des soignants étaient pourtant vaccinés, Santé Publique France estime que c’est près de 64% des professionnels exerçant en établissements de santé qui avaient reçu une première dose et 42% étaient complètement vaccinés le 17 juin dernier. Des chiffres bien plus importants que dans le reste de la population française qui remettent grandement en cause les invectives du gouvernement.

En réalité, s’il est clair que la vaccination de la majorité de la population est nécessaire pour envisager une quelconque sortie de la crise sanitaire, la reprise de l’épidémie et les contaminations dans les établissements sont loins d’être dues à des manquements du personnel soignant mais bien à un mépris du gouvernement à leur égard. C’est ce que rappelle la CGT Santé des Landes face à la recrudescence de cas dans les hôpitaux : «  avoir le nombre de personnel nécessaire pour pouvoir appliquer correctement le protocole sanitaire et travailler dans de bonnes conditions, ça permettrait aussi d’éviter la propagation des virus  ».

Tandis que la communauté scientifique interpelle sur la nécessité d’une réelle stratégie du «  tester, tracer, séquencer  » que le gouvernement se refuse de mener, il cherche un bouc-émissaire et n’utilise le prétexte de la relative “faible” vaccination des soignants que pour désigner un coupable aux conséquences de sa non gestion de la crise sanitaire.


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