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Fuera Duque !

Colombie. Après l’échec des négociations, une nouvelle journée de manifestations massives

Lundi dernier, le président Duque avait convoqué les représentants syndicaux du Comité national de la grève pour tenter d’ouvrir les négociations et endiguer le mouvement. Le gouvernement n’a accédé à aucune des revendications du mouvement, et a répondu une nouvelle fois par la répression à la mobilisation dans la rue.

Camille Lupo

13 mai 2021

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Crédit Image : EFE/ Mauricio Dueñas Castañeda

Le lundi 11 mai, le président colombien Iván Duque a rencontré des représentants du Comité national de la grève (composé des directions des principales organisations syndicales) au siège de l’exécutif à Bogotá. A 13 jours du début de la mobilisation, et alors que les autorités continuent d’imposer une répression policière extrêmement violente qui a déjà fait une quarantaine de morts, la réunion devait être l’ouverture d’un dialogue entre le gouvernement et les principales organisations syndicales pour tenter de mettre fin à la rébellion.

Les dirigeants du Comité national de la grève ont répondu favorablement à l’appel du gouvernement, dans un jeu pour canaliser la rébellion derrière un appel à la conciliation et une réponse pacifique à la violence de l’État. Avec ces tactiques de négociation, il devient apparent que le but des directions de ces principaux syndicats est de canaliser la crise profonde qui traverse le pays, et de tenter d’éloigner peu à peu les gens d’une mobilisation dans la rue sans répondre aux aspirations profondes du mouvement.

La coalition d’opposition au gouvernement colombien actuel, menée par Gustavo Petro, œuvre également pour cette politique de dialogue. Comme le rapporte Claudia Cinnatti, dans un article traduit par Révolution Permanente : “Cette politique a été explicitement formulée par Petro lors d’une réunion avec le Comité de grève ; en leur disant qu’ils auraient dû "crier victoire" après le retrait de la réforme par Duque, et prenant acte de la distance entre les directions syndicales et les jeunes précaires et des quartiers qui continuent à se battre et ne veulent pas rentrer chez eux, en leur conseillant de définir un ou deux objectifs immédiats et de s’asseoir pour dialoguer avec le gouvernement. Ils rendent ainsi un service inestimable à la classe dirigeante, agissant pour sauver le gouvernement Duque, qui est affaibli, pour éviter sa chute révolutionnaire et pour consolider la déviation du processus vers les élections de l’année prochaine. Le processus a toujours une fin annoncée.

Après plusieurs heures de réunion, le rendez-vous appelé par le gouvernement s’est soldé par un échec. Le gouvernement colombien n’a cédé à aucune des demandes du Comité national de la grève, y compris celles qui touchaient à la répression. Comme le rapporte La Izquierda Diairio, média appartenant au même réseau de quotidiens que Révolution Permanente, le président de la CUT, l’un des principaux syndicats colombiens, a déclaré : “Il n’y avait aucune empathie de la part du gouvernement avec les raisons, avec les demandes qui nous ont conduit à cette grève nationale. Aucune empathie n’a été montrée envers les victimes de la violence qui a été exercée de manière disproportionnée contre les manifestants, qui ont manifesté pacifiquement.

Une réponse dans la rue toujours massive

Après l’échec des négociations, le Comité national de la grève a appelé à une nouvelle journée de grève nationale le mercredi 12. Cette nouvelle journée de mobilisation a été massive dans les grandes villes, comme à Cali ou Bogotá, mais aussi dans les plus petites villes.

A Bogotá, la police a chassé les manifestants de la place centrale de la ville à coups de flashballs et de gaz lacrymogènes, avant de poursuivre les manifestants sur plusieurs rues. Le nombre de forces policières déployées dans la ville témoignent d’une stratégie de répression préméditée du gouvernement Duque.

Des manifestations ont également eu lieu à Barranquilla, Carthagène et Montería, les principales villes des Caraïbes. A Barranquilla, la répression a été telle que les gaz lacrymogènes sont entrés dans le stade où se jouait le match de football River vs. Junior pour la Coupe Libertadores.

La jeunesse en première ligne des contestations

La tactique du gouvernement Duque consiste essentiellement à stigmatiser les secteurs les plus radicaux de l’avant-garde, qui sont accusés tour à tour de “terrorisme” ou de “vandalisme”. Cette tactique vise à légitimer leur répression, mais aussi à séparer cette avant-garde des masses.

La jeunesse, qui est descendue massivement dans la rue, est la première visée par ces tactiques. La Izquierda Diario rapporte un sondage selon lequel la jeunesse compose 80% des manifestations en Colombie, et les principaux syndicats qui dirigent le Comité n’en sont pas représentatifs. Cette jeunesse ainsi que d’autres secteurs ne font pas confiance aux dirigeants du Comité national de la grève et remettent en question la stratégie du dialogue avec un gouvernement qui n’a pas cessé la répression un seul instant, alors même qu’il prétendait ouvrir la porte de la négociation.

On a pu le constater à Cali, qui continue d’être la capitale du mouvement, où les jeunes et les “minga” indigènes ont été massivement réprimés par les forces policières et paramilitaires. Dans ce contexte, il est possible que le gouvernement tente à nouveau d’ouvrir un cycle de négociations. L’enjeu pour Duque est d’un côté de réprimer le plus durement possible l’avant-garde du mouvement, tout en essayant de canaliser les aspirations des masses par la négociation avec le Comité ou les promesses électorales de Gustavo Petro. Un processus qui sert en dernière instance l’impérialisme américain, et Joe Biden à sa tête, qui a investi des milliards dans la militarisation de la police avec le “Plan Colombie” pour préserver la stabilité du régime, notamment pour la sauvegarde des pipelines américains sur le sol colombien.


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