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Gestion de la misère universitaire

Crise des services de santé à la fac du Mirail : la Présidente veut taper dans la poche des étudiants

Le service de médecine préventive de la fac du Mirail tire la sonnette d’alarme : forte hausse des consultations traitant de pensées suicidaires, manque de financements du service, manque de personnel... En bonne gestionnaire de la misère, la présidence de la fac a appuyé la proposition d’augmenter le budget via la CVEC, donc de faire payer la facture… aux étudiants eux-mêmes !

Le Poing Levé Mirail

20 octobre 2022

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Le 15 septembre dernier, une représentante du Service Interuniversitaire de Médecine Préventive et de Promotion de la Santé (SIMPPS) de l’université du Mirail est venue présenter un rapport aux élus de la Commission de la Formation et de la Vie Universitaire (CFVU). Le SIMPPS est un service qui agit au sein de l’Université Fédérale de Toulouse et qui permet aux étudiants d’avoir accès sans avance de frais à des consultations auprès de médecins, assistantes sociales, psychologues et psychiatres, gynécologues, etc. Un service qui fait actuellement face à une hausse importante des consultations notamment auprès des psychologues, conséquence de la dégradation de la santé mentale des étudiants. La représentante évoquait notamment une hausse inquiétante de consultations traitant de pensées suicidaires, puisqu’il y en a « chaque jour sur les trois sites  », voire de cas de tentatives de suicide.

Depuis la crise sanitaire, la santé mentale des jeunes ne cesse de se dégrader

La crise sanitaire et les confinements successifs ont plongé la jeunesse dans une situation de détresse profonde : isolement, précarité, facs fermées… tant de symptômes de l’écrasement des jeunes par un système capitaliste pourrissant, qui a eu pour expression morbide la multiplication de suicides durant ces deux dernières années.Selon l’INSEE sur la période octobre – novembre 2020, près de 20% des 18 – 24 ans étaient atteints de syndrome dépressif, et environ 14% des 25 – 29 ans. 

Si la jeunesse dans son ensemble est traversée par ces problématiques, le cas spécifique des étudiants est d’autant plus alarmant. Une enquête menée par l’institut CSA présentée par France Info en juillet dernier montre que la situation n’a cessé de se dégrader, puisqu’elle indique que 70% des étudiants se décrivent dans une situation de mal-être, soit cinq points de plus depuis la dernière étude datant de 2019. Parallèlement, dans une enquête menée par l’Inserm et l’université de Bordeaux et publiée par Le Monde en janvier dernier, 37% des étudiants interrogés présentaient des troubles dépressifs. Toujours dans les colonnes du Monde, le président de l’Association des directeurs des services de santé universitaires (SSU) déclarait en réaction que « sur tout le territoire, on commence à revivre la saturation de demandes de consultations psy qu’on a connue en octobre 2020  », un constat qui fait largement écho aux problématiques traversées par le SIMPPS à Toulouse.

Si la crise sanitaire a joué un rôle d’accélérateur des tendances à la détresse dans la jeunesse, d’autres facteurs sont également à l’œuvre. Interrogée par les élus du Poing Levé lors de la CFVU au Mirail, l’intervenante du SIMPPS évoquait comme motifs – non-exhaustifs – « l’éco-anxiété », l’incertitude concernant l’avenir, les problèmes financiers ou la solitude. Tous des symptômes d’un capitalisme en crise, qui dégrade les conditions de vie des jeunes et les prive de perspectives. Mais pour répondre à ce phénomène, devenu un sujet de santé publique national, aucun moyen conséquent n’est mis en œuvre et les structures accessibles aux étudiants sont déjà en surrégime.

Les solutions de la présidence du Mirail : administrer la misère, prendre dans la poche des étudiants

Face à cette augmentation de demandes de consultation, le SIMPPS a expliqué être dans une situation de difficulté financière. Actuellement, trois psychologues sont payés au travers d’une aide ponctuelle instaurée pendant la crise sanitaire, qui prendrait fin en décembre. Mais le manque de financement a aussi pour conséquence la difficulté d’embauche de médecins généralistes, le salaire proposé par le SIMPPS étant sensiblement inférieur aux salaires proposés dans les hôpitaux. Lors de ce conseil, le SIMPSS a ainsi présenté une proposition de plan de financement financé par une augmentation de la cotisation prélevée sur la Cotisation de Vie Étudiante et de Campus (CVEC).

La CVEC a été votée en 2018 puis appliquée à la rentrée 2019 – 2020, dans la loi ORE, qui a notamment instauré ParcourSup. Cette taxe est une forme déguisée de frais d’inscription pour les non-boursiers, est reversée en partie à l’établissement-cible. Si la macronie défend la CVEC comme une solution de financement qui se veut « équitable », elle gomme en réalité les difficultés économiques des étudiants ne bénéficiant pas des bourses dont les critères d’accès sont toujours plus réduits. De plus, elle permet à l’État de baisser les financements publics des universités, ceux-ci reposant de plus en plus sur les fonds levés par cette taxe.

Sur les 95 euros de CVEC payés par les étudiants lors de leur inscription, 45 euros au moins sont reversés à l’établissement où s’inscrit l’étudiant. A l’université du Mirail, 12 de ces 45 euros sont destinés au SIMPPS. La proposition du SIMPPS, acceptée par la présidence, est de porter cette part à un minimum de 12.60 euros et à un maximum d’un peu plus de 19 euros. A l’université, pas d’argent magique : ce transfert se fera sur le dos d’autres services. C’est ce qu’on appelle déshabiller Paul pour habiller Jacques !

Une administration de la misère donc, que les étudiants payent deux fois : d’abord de leur poche, puis par la dégradation des services de base de santé. C’est là tout le sens de « l’autonomie » des universités promu par les capitalistes : réduire les fonds versés par l’État, laisser les facs se financer comme elles le peuvent (c’est-à-dire se vendre le mieux possible aux capitalistes, comme à Paul Sabatier où Total ouvre un master cette année).

Du fric pour les universités, pas pour les flics ni pour l’armée !

Si la situation du SIMPPS à Toulouse est alarmante, celle-ci s’inscrit dans une dynamique globale de détresse qui irradie aujourd’hui la jeunesse. Il est clair que des structures comme le SIMPPS, qui assurent un accès gratuit et sécurisé à des consultations de santé physique et psychologique pour les étudiants largement frappés par la précarité et l’incertitude face à l’avenir doivent être défendues et financées. Seulement, on voit bien la logique pernicieuse qui s’installe : si les étudiants veulent avoir un service minimal de prise en charge des soins sur l’université, il faut augmenter la part consacrée à cela de la taxe étudiante… Et demain augmenter les frais d’inscription ? Mis à part constater, la présidence ne s’est aucunement positionnée pour qu’un plan de financement soit engagé pour la santé mentale et physique des étudiants, témoignant par là de son manque de considération face à la détresse psychologique de la jeunesse. Les présidences d’université sont les relais locaux de la politique austéritaire du gouvernement, chargés de définir les modalités de la précarité : en augmentant la charge de travail des administratifs, en précarisant les enseignants, en fermant des places dans les formations et en faisant des calculs d’épicier sur la santé mentale des étudiants.

D’autant que de l’argent, il y en a : le gouvernement a annoncé à la rentrée l’augmentation de 15 milliards d’euros pour le budget du ministère de l’Intérieur ainsi qu’une augmentation record des budgets de l’armée, ce alors que le personnel et les usagers des universités, mais aussi des hôpitaux et de l’Éducation Nationale crient à l’aide face aux budgets misérables qui leur sont accordés.

Une situation qui risque de s’approfondir dans les mois à venir. Alors que le gouvernement commence à s’organiser pour faire payer la facture de la crise énergétique aux étudiants sous l’argumentaire de la « sobriété », pendant que dans le même temps, l’inflation conduit à une hausse de la précarité étudiante et à une hausse des profits pour les grands capitalistes ! L’heure est à la défense d’un programme d’urgence pour refuser qu’on fasse payer de nouveau la crise à la jeunesse, afin de transformer la détresse actuelle en rage. Un programme qui porte l’augmentation immédiate de 400 euros de tous les salaires, pensions, minimas sociaux et bourses étudiantes, mais aussi leur indexation sur l’inflation pour qu’ils suivent l’augmentation des prix. Pour que les étudiants qui travaillent actuellement, où qui travailleront demain, puissent vivre dignement.

Mais pour s’attaquer aux causes structurelles de la détresse étudiante - qui est intimement liée à la précarité, il est essentiel de se battre pour imposer un revenu étudiant sans condition, à hauteur du SMIC et indexé sur l’inflation, financé par un impôt fortement progressif sur les grandes fortunes. Une revendication qui doit s’articuler avec un investissement massif et immédiat dans les universités et tous les services publics, et non pas pour la police ni pour l’armée. Ces revendications, pour pouvoir être instaurées de manière effective. Rien ne pourra être obtenu dans les conseils universitaires qui ne sont qu’une mascarade pour co-gérer la misère avec les présidences sous couvert d’une pseudo « démocratie universitaire ». Il faut une vaste mobilisation des étudiantes et des étudiants, en lutte ouverte contre le gouvernement et ses politiques austéritaires – une méthode pour laquelle les raffineurs montrent la voie !


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