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Solidarité bourgeoise

Darmanin prend la défense de Sarkozy : « un homme qui est honnête »

En plein procès pour l’affaire dite « des écoutes » Darmanin apporte son soutien public à Sarkozy. Outre la remise en question de la soi disant indépendance de la justice, ces déclarations montrent que nos dirigeants savent se serrer les coudes.

Ana Demianoiseau

10 décembre 2020

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Crédit photo : DR

Le procès à l’encontre de Sarkozy a repris mardi 8 décembre. Alors qu’il est inculpé pour « trafic d’influence » et « corruption » et que quatre ans de prison dont deux avec sursis ont été requis à son encontre, Darmanin a pris sa défense sur France Info ce jeudi 10 décembre. Celui-ci déclare : « J’ai pour le président Sarkozy du respect, de l’admiration, si je puis me permettre, parce que je pense que c’est un homme qui a beaucoup servi la République. […] C’est un homme qui est honnête. […] Pour le reste je suis trop respectueux des institutions pour porter un jugement sur ce que fait la justice. »

Une rhétorique morale qui en appelle à la toute puissance des institutions gouvernementales mais qui peine à cacher la gravité des faits dont Sarkozy est accusé. C’est ce même « honnête homme » qui a également été mis en examen pour avoir possiblement utilisé des financements provenant du gouvernement libyen de Mouammar Kadhafi pour sa campagne présidentielle de 2007.

Des faits totalement occultés dans l’intervention de celui qui fait presque office de fils spirituel pour l’ancien Président. En effet, depuis la publication en 2019 du livre « Tout restera en famille » par le journaliste spécialiste de la droite française Ludovic Vigogne, les liens étroits et privés qu’entretiennent Sarkozy et Darmanin ne sont plus un secret. Cette sortie publique montre de quelle manière et combien les membres du gouvernement présent ou passé se protègent les un.es les autres.

Ce soutien ne tend évidemment pas à conserver des liens affinitaires tels que Darmanin le présente mais bien des intérêts communs. Peut-on s’étonner que Darmanin se place en faveur d’un homme politique accusé alors qu’il a lui même été mis en examen ? Le ministre de l’Intérieur en fonction depuis juillet 2020 est accusé par Sophie Patterson-Spatz de l’avoir violée en 2009. Une habitante de Tourcoing, ville dont le ministre a été maire de 2014 à 2017, avait également porté plainte pour « abus de faiblesse » suite à des demandes de faveurs sexuelles en échange d’un logement de la part de l’élu. Les deux procédures ont été classées sans-suite par le Parquet de Paris. Le coupable présumé a été nommé Ministre de l’Intérieur par le gouvernement de Macron et a reçu un soutien public de la part de la porte parole du gouvernement Sibeth Ndiaye.

Une affaire parmi tant d’autres qui fait tristement écho à celle datant d’à peine quelques jours concernant le député Benoît Simian. Celui-ci est soupçonné de harcèlement psychologique à l’encontre de son ex-femme. Mais, comme le stipule l’enquête Mediapart ; l’Assemblée Nationale a refusé de lever son immunité. Alors que le parquet de Bordeaux au vue des preuves rassemblées, avait demandé la garde à vue, elle a été rejetée par l’Assemblée. Toujours selon les sources de Mediapart, « La jeune femme y voit la preuve d’une inégalité de traitement « honteuse » :
« N’importe qui se verrait reprocher le quart de ce que j’ai dénoncé aurait été placé en garde à vue immédiatement. Là, c’est le politique qui gère la justice. J’irai jusqu’au bout car, pour moi, la justice est pour tout le monde. » ! ».

L’affaire des écoutes pour laquelle comparaît actuellement Sarkozy n’est ni un épiphénomène ni un acte à imputer uniquement à l’individu. Le soutien public qu’a affiché Darmanin et celui dont il a lui-même bénéficié, sont des messages politiques visant à montrer à celles et ceux qui sont dominé.e.s que le gouvernement continuera de bénéficier de l’immunité que le système lui accorde. Immunité pour des actes qui prennent racine dans ce système en lui-même : corrompu, capitaliste, patriarcal, raciste et homophobe.

Une ambiguïté judiciaire qui n’est le privilège que d’une minorité

L’évidente permissivité qui est faite pour ce qui est qualifié de « délinquance des cols blancs » est donc mise en contraste avec les propos de Darmanin lors de son intervention à France Info. Et pour cause, il ajoute, avec une pointe de victimisation : « Je pense que quand on fait de la politique à un niveau important on est beaucoup plus regardé et donc beaucoup plus attaqué que les autres ». Celles et ceux que Darmanin nomme « les autres » sont pourtant celles et ceux qui sont victimes chaque jours d’abus judiciaires. Ceux-ci sont notamment caractérisés par des contrôles d’identité, des arrestations voire des enfermements arbitraires. Ce sont les attaques que subissent quotidiennement les personnes racisées ou assimilées comme telles et les habitant.e.s de banlieue. Ce sont aussi les attaques perpétrées à l’encontre des personnes prenant part aux mouvements de contestation actuels. Le communiqué de Désarmons Les atteste de cela : leur membre Ian B.a été condamné ce mois-ci, lors d’un jugement expéditif, à 8 mois de prison avec sursis et 600euros d’amende suite à une manifestation en septembre 2019. Cela, pour une « main sur un bouclier » et pour avoir protégé une observatrice de la LDH qui était en train de se faire molester par la police.

Rappelons aussi, que lors des manifestations du 5 décembre contre la Loi Sécurité Globale, il y eu des dizaines d’arrestations perpétrées parfois en amont de la manifestation. Cela rentre dans une logique de répression des mouvements d’opposition contre l’actuelle offensive sécuritaire et islamophobe. L’impartialité de la justice à l’encontre des manifestant.e.s est à l’image de la rhétorique manichéenne utilisée par le gouvernement. Celle-ci oppose un vocabulaire mélioratif qui fait référence à l’époque des Lumières par des termes tels qu’« honnête homme » à un vocabulaire qui criminalise les manifestant.e.s.

Sarkozy ne risque que deux ans fermes pour des délits pourtant passibles de dix ans de prison, et s’il est condamné il aura une cellule VIP et il ne faut pas s’attendre à ce qu’il y reste très longtemps, à l’instar d’un Balkany. Ce « laxisme » à l’encontre des puissant.e.s et de la classe bourgeoise n’est pas une manœuvre réalisée dans les arcanes de la justice mais bien un acte ostentatoire comme outil d’oppression à la fois technique et symbolique.


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