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"Augmentez les salaires maintenant"

Débrayage chez Safran : « Ils prônent l’écologie et l’humain mais c’est toujours l’argent qui tranche »

Depuis quelques semaines, dans le cadre des négociations annuelles, les salariés de Safran se mobilisent pour exiger de meilleures conditions de salaire et de travail. Nous avons interviewé Jenny Grandet, secrétaire générale Safran Nacelles, au Havre.

Alexis Taïeb

3 février 2022

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Révolution permanente : est-ce que tu peux te présenter ?

Jenny Grandet : Je m’appelle Jenny Grandet, je suis ajusteur monteur cellule pour Safran Nacelle au Havre, et secrétaire générale CGT Safran Nacelle le Havre. Mon métier consiste à faire de l’assemblage en production, on fabrique des nacelles, des inverseurs de poussée pour les avions. J’exerce ce métier depuis 2005.

Révolution permanente : peux-tu présenter le mouvement ?

Jenny Grandet : Aujourd’hui, on a débrayé à nouveau en réaction à la « politique salariale » catastrophique de la direction. En fait, suite à la crise sanitaire, il n’y a eu aucune réelle politique salariale, les salaires ont été gelés, mise à part quelques cas particuliers. En clair, il n’y a pas eu de politique salariale. Cette année, cependant, il y a eu des changements : les négociations ont eu lieu à échelle nationale, c’est quelque chose d’inédit. Il y a eu un cadrage des augmentations en masse à hauteur de 2,8 % maximum, et une répartition entre les augmentations générale et individuelle à hauteur de 50 % 50 % maximum. Ensuite, c’est chaque société qui répartit comme elle le souhaite.

Du coup, à Safran Nacelle, ça a été très rapide, il n’y a eu que de deux réunions. Certaines organisations syndicales ont signé directement les accords (CFDT, CFE-CGC) et ont complètement faussé les négociations. Les NAO ont été entérinées le 24 janvier. Nous, à la CGT, on revendiquait un budget en masse de 5 % avec un plancher en augmentation générale pour les catégories socio-professionnelle à 75 euros et un budget pour l’augmentation individuelle de 2 %. On a proposé cela pour compenser l’inflation, notamment. Forcément, ça n’a pas été admis par la direction.

Par ailleurs, les accords de sortie de crise, que la CGT n’a pas signés, ont été adoptés en se basant sur 2 % d’inflation, ce qui est bien en dessous de la réalité. Aujourd’hui, les estimations tablent sur 2,8 % pour cette année. Encore une fois, les salariés ont fait des sacrifices pendant la crise et derrière la direction a continué de dégrader nos conditions de travail.

Révolution permanente : le mouvement est-il toujours bien suivi ?

Jenny Grandet : La signature des accords par les autres syndicats, nous a mis un coup forcément. Mais mouvement de groupe engagé les semaines passées se maintient et prend de la force. On sent un réel élan de contestation face à ces propositions salariales bien en dessous des attentes. Aujourd’hui, on était quand même assez massifs, surtout au niveau des ouvriers. On doit être à 80 % d’ouvriers mobilisés. Sur la population globale, on doit être à 10 %. La plupart des salariés tenaient à manifester leur mécontentement vis-à-vis de ces accords. C’est un symbole pour nous de se mobiliser aujourd’hui et on s’en sert pour annoncer également la couleur pour l’année prochaine. Ça ne va pas se passer comme ça.

Révolution permanente : quelles sont les perspectives pour le mouvement ?

Jenny Grandet : On ne sait pas encore comment le mouvement va évoluer, mais on va pas en rester là. On ne peut pas se contenter de ça. Cependant, avec la signature des accords, on a très peu d’espoir de pouvoir les remettre en cause. Mais ce qui est sûr c’est qu’on se prépare déjà pour les combats futurs et cela participe déjà à construire le rapport de force pour les batailles de demain.

Révolution permanente : vous travaillez dans un secteur qui a connu de grosses vagues de licenciement pendant la crise, est-ce que tu voudrais revenir sur vos conditions de travail aujourd’hui et votre situation pour l’avenir ?

Jenny Grandet : En effet, ne serait-ce que pour notre site, durant la crise sanitaire il y a eu 200 départs anticipés. Auparavant, nous étions 1700, aujourd’hui, nous ne sommes plus que 1500. Les conditions de travail se sont beaucoup dégradées, la direction nous met beaucoup la pression. Toute la charge de travail qu’on effectuait avant la crise sanitaire, on doit la faire avec les salariés qui restent, donc, forcément, la charge de travail a énormément augmenté. À cela, on peut rajouter le climat anxiogène lié au COVID-19. De plus, la direction nous met énormément de pression en nous parlant de concurrence tout le temps. Avec tout ça, on a des collègues qui partent en vrille.

Déjà, avant la crise, on avait peu de perspectives. Maintenant, avec l’arrêt de l’ancien A320 et de l’A380, cela ne va pas vers le mieux. Le nouvel A320 a lui été négocié avec le Maroc avec 60 % de la production à réaliser là-bas. Beaucoup de notre activité a été délocalisée. Concrètement, on a beaucoup d’incertitude pour notre emploi. Ils se sont servis de la crise du Covid pour réorganiser la production afin d’aller produire à bas coût à l’étranger.

Révolution permanente : les grands groupes comme Safran aiment parler d’écologie pour promouvoir leur activité économique, quel est ton point de vue sur cette question, en tant qu’ouvrière ?

Jenny Grandet : Effectivement, Safran se lance sur l’écologie, mais il y a beaucoup d’hypocrisie et de comm’. Dans les actes, ce n’est pas du tout ça, il y a plein de non-sens. Le bilan carbone est loin d’être bon. Ces boites n’ont en réalité que le rendement comme objectif. C’est très contradictoire, ils prônent l’écologie et l’humain, mais, au final, c’est toujours l’argent qui tranche. C’est comme Total et son greenwashing. En réalité, l’écologie, ils la pensent comme la politique salariale, en fonction de ce qui leur coûte le moins cher. Les patrons ne font pas, et ne feront pas le nécessaire, alors si eux ne le font pas, qui va le faire ? C’est donc à nous de nous en préoccuper.

Révolution permanente : quelque chose à rajouter ?

Jenny Grandet : Oui, grâce aux sacrifices faits par les salariés, on a rempli les objectifs de l’entreprise. Mais derrière, tous les bénéfices partent dans les poches des actionnaires. Cette répartition des richesses n’est plus possible !


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