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Modification de la constitution

Déchéance de nationalité. Un cadeau empoisonné pour le PS ?

Les élus PS avaient pourtant avalé sans trop broncher l'état d'urgence et ses mesures liberticides, les reconduites à la frontière et la politique raciste, ou encore la politique d’austérité, qu'ils sont d'ailleurs nombreux à appliquer dans leurs villes. Mais c'est cette proposition de modification de la constitution concernant la déchéance de nationalité qui aura réveillé les ardeurs, obligeant Valls à répondre publiquement à ses détracteurs.

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ça tangue rue de Solférino 

« Ni François Hollande ni Manuel Valls ne pensaient que ça réagirait de cette façon » décrypte un responsable du PS dans Le Monde. Et pourtant, les réactions ont été multiples suite à la décision du président, et de son premier ministre au garde-à-vous, de maintenir dans la prochaine réforme constitutionnelle la mesure proposée par le chef de l’État suite aux attentats du 13 novembre concernant la déchéance de nationalité pour les binationaux nés en France.

Cette mesure, caractéristique de la lepénisation du PS et de la « remise en cause du droit du sol » a fait réagir plus d’un ténor du Parti Socialiste, que ce soit du côté des « frondeurs » habituels, Pouria Amirshahi ou Benoît Hamon, ou du côté des barons traditionnels, Martine Aubry ou Julien Dray. 80 des élus socialistes seraient opposés à cette mesure. Invoquant les « valeurs » de la gauche, ceux-ci se sont déclarés ces derniers jours, au pire, scandalisés, au mieux, déconcertés.

Benoît Hamon, apparemment de la dernière catégorie, réalise (enfin) dans un tweet plein de perplexité ce qui se cache réellement derrière l’Union nationale : « La lutte contre le terrorisme justifie-t-elle de créer deux catégories de citoyens nés sur le sol français. Où est passée l’Unité Nationale ?  ». Pour des ténors du parti ayant accepté de longue date d’avaler les couleuvres d’un PS toujours plus attentif aux demandes du patronat, sur fond de racisme institutionnalisé stigmatisant déjà les jeunes des quartiers populaires, cette fronde a de quoi faire sourire.

Mais ce dont témoigne ce sursaut « socialiste », c’est aussi un certain malaise au sein des militants et électeurs du PS. Au sein du parti, des militants ont d’ores et déjà saisi la Haute Autorité éthique, accusant cette mesure d’être en rupture avec les principes du parti. Cette instance, saisie par les militants, en principe indépendante de la direction du parti, est chargée de faire illusion de « démocratie » interne, dans un parti anti-démocratique par nature où règne la reproduction des barons du PS et des élites.

Du côté des électeurs, et quoi que ça ne constitue pas une source scientifique, il est intéressant de noter la pluie de commentaires choqués et en colère sur le mur Facebook de Manuel Valls : « Juste vous faire savoir ma déception et ma colère. Avoir voté Hollande pour se retrouver avec ÇA !!! A quoi bon le front républicain du 20 décembre. A quoi bon n’avoir raté aucun scrutin depuis plus de 30 ans. Vous voulez créer 2 catégories de français. Honte à vous.  » ou encore « Continuez ainsi, vous gagnerez des voix du front national et perdrez a jamais celle de la gauche...aujourd’hui, j’ai honte...  ».

La base sociale « de gauche » du PS est-elle prête à avaler cette nouvelle pilule ? Rien n’est moins sûr, et Valls le sent bien. Le PS perd d’ailleurs de ses adhérents, et y compris certains de ses notables, comme Jean-Marie Darmian, vice-président du conseil départemental de la Gironde qui a annoncé qu’il se mettait en retrait du parti.

Le Front de Gauche de son côté oublie bien vite son acceptation de la politique sécuritaire du gouvernement pour s’indigner de la nouvelle mesure réactionnaire du tandem Valls-Hollande. « Cette fois-ci, c’est la fois de trop, s’insurge Mélenchon. Ils auront tout démoli. (…) Soyez maudits pour cette ignominie sans précédent.  » La fois de trop qui excuserait les fois d’avant ?

Valls monte au créneau, au coude à coude avec la droite et l’extrême droite

Droit dans ses bottes, le premier ministre a réussi dans un premier temps à faire taire Christiane Taubira, qui avait exprimé son opposition à cette mesure mais qui semble s’être pliée à la discipline gouvernementale. Il s’est ensuite fendu d’un post Facebook pour « revenir aux faits » - sur lequel il fera d’ailleurs des erreurs, comme l’ont remarqué les journalistes et internautes – pour défendre cette mesure. Les élus PS ont eux aussi eu la chance d’avoir un petit sermon envoyé par mail sous la forme d’un « argumentaire ».

L’exécutif cherche à resserrer les rangs autour de lui, allant même jusqu’à tomber le masque du « socialisme » rosâtre qu’il portait jusqu’à présent. « Une partie de la gauche s’égare au nom de grandes valeurs en oubliant le contexte, notre état de guerre, et le discours du président devant le Congrès. » Avant toute chose, le parti de Manuel Valls est celui de la défense de la Nation française, de son impérialisme et de son régime anti-démocratique, tout comme n’importe quel président, qu’il soit de gauche ou de droite.

Il est secondé par des alliés de choix, de Philippot, baron du FN, qui se dit ravi de ce choix gouvernemental – et cela veut tout dire – à Hervé Mariton, des Républicains qui, sans soutenir la réforme de la déchéance de nationalité, propose, bien inspiré, de revenir dès maintenant au droit du sang. Chez les Républicains, on attend cependant la constitution d’un groupe de travail pour statuer clairement sur le droit du sol, prévenant à l’avance qu’ « aucun sujet n’est tabou ». Les chiens sont lâchés...

Une porte de sortie préparée à l’avance

Le grand absent de tout ce débat se trouve à l’Élysée. François Hollande, du haut de sa stature présidentielle, attend son allocution du 31 décembre pour s’exprimer et « faire un travail de conviction et de pédagogie » pour convaincre de la justesse de la mesure, d’après ce que dit Matignon. Mais il faudra peut-être un peu plus pour sortir de la fronde, et on voit déjà les opportunistes du PS chercher une sortie, Julien Dray en tête. Celui-ci propose une « reformulation » de la réforme constitutionnelle, pour parler désormais de « peine d’indignité républicaine », ce que Bruno Le Roux, président du groupe socialiste à l’Assemblée, semblait soutenir il y a quelques jours. Cette reformulation permettrait ainsi aux « frondeurs » de se retrouver tous derrière le même drapeau du Front républicain, quitte à perdre un peu plus le « peuple de gauche », tout en visant à rassembler de la gauche de la gauche, au centre, en vue des présidentielles.

Mais les magouilles et les effets de manche ne pourront pas cacher bien longtemps la véritable nature du parti et de son gouvernement au service du patronat, dont la politique, depuis des années, a tracé la route à la montée du FN et aux discours réactionnaires et xénophobes.


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