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Avis favorable du Conseil d’État

Déchéance de nationalité. Le gouvernement ira-t-il au bout de sa Lepénisation ?

Damien Bernard François Hollande est pris à son propre piège. Le Conseil d’État a émis un avis favorable non seulement à l'inscription de l'état d'urgence dans la Constitution, mais aussi, avec des réserves vite levées, à la disposition sur la déchéance de nationalité pour les binationaux condamnés pour « terrorisme ». Le gouvernement qui comptait sur une opposition franche de la « haute juridiction » contre cette dernière mesure empruntée à l’extrême droite et à la droite « décomplexée », se retrouve dans la nécessité de trancher lui-même et d’assumer jusqu’au bout, malgré un discrédit qui reste toujours fort, son tournant droitier ultra sécuritaire et xénophobe.

Damien Bernard

18 décembre 2015

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Après les attentats du 13 novembre, Hollande et son gouvernement n’ont cessé de piocher dans les mesures les plus réactionnaires de la droite et de l’extrême droite. Rétablissement des contrôles aux frontières, l’état d’urgence et son lot d’interdictions des manifestations, de perquisitions, assignations à résidence, telles sont les mesures prises au nom de la « lutte contre le terrorisme ». Avec la déchéance de nationalité, un autre cap est franchi. Inédite depuis Vichy, ce sont les mesures directement xénophobes prônées par l’extrême droite et Sarkozy sur laquelle le gouvernement va devoir trancher, suite à l’avis favorable du Conseil d’État.

Le Conseil d’État valide la « normalisation » de l’état d’urgence et la déchéance de nationalité

Après les attentats de novembre dernier, le projet de loi constitutionnelle élaborée dans le cadre du discours de François Hollande devant le Congrès de Versailles avait donné lieu à une saisine du Conseil d’État le 1er décembre. Ce dernier a affirmé dans un avis adressé au gouvernement que la déchéance de nationalité ne serait pas inconstitutionnelle, à condition que ce ne soit pas une loi qui en fixe le cadre mais qu’elle soit inscrite dans la constitution. Mais en réalité, cette décision vient d’ores et déjà étendre l’article 25 du code civil qui autorise le Gouvernement à prononcer, par décret pris après avis conforme du Conseil d’État, la déchéance de la nationalité française des binationaux ayant obtenu la qualité de Français par « acquisition ».

Tout en émettant des réserves « juridiques », qui lui permettent de se couvrir, confirmant par là même la « portée pratique limitée » de cette mesure, le Conseil d’État émet en dernière instance « un avis favorable » à la proposition du gouvernement. Malgré la difficile application de cette mesure, le Conseil d’État en comprend le « symbole » dans le sens où elle vise à « sanctionner les auteurs d’infractions si graves qu’ils ne méritent plus d’appartenir à la communauté nationale ». La haute juridiction valide ainsi dans les grandes lignes le projet de loi constitutionnelle, comprenant la « normalisation » de l’état d’urgence et la déchéance de nationalité.

La déchéance de nationalité, une politique dans l’ADN de l’extrême droite

La déchéance de nationalité pour tous les binationaux condamnés pour terrorisme avait été annoncée par Hollande lui-même lors d’un discours solennel, le 16 novembre dernier, trois jours après les attentats de Paris et de Saint-Denis, devant le Congrès réuni à Versailles. Le chef de l’État avait alors pris de court la droite, et même l’extrême droite, dont c’est une proposition ancienne, alors que la gauche, et le PS, ont quant à eux toujours été opposés à cette mesure.

Au nom de la lutte contre un ennemi extérieur, Daech, et intérieur, les « commanditaires » des attentats, le gouvernement avait trouvé une certaine « justification » à une politique d’abolition les libertés publiques et ultra-sécuritaire. Celle-ci a reçu l’approbation non seulement de l’aile gauche du PS mais aussi du Front de Gauche qui a approuvé des deux mains la prolongation des mesures de l’état d’urgence pour trois mois, avec de très rares oppositions notamment celle de Noel Mamère.

Les privations de libertés et les mesures liberticides du gouvernement, ont été progressivement de moins en moins légitimes aux yeux du « peuple de gauche » : après les perquisitions en séries, le plus souvent couronnées par les maigres trophées du petit banditisme, la déchéance de nationalité empruntée à l’extrême droite et à la droite de Sarkozy, marque une étape que le PS Lepénisé de Hollande n’est peut-être pas prêt à franchir, dans les conditions actuelles.

Cela d’une part parce que cette mesure est, selon Manuel Valls lui-même, plus « symbolique » qu’autre chose. Il s’agit en effet comme l’affirme le premier ministre d’un « symbole », qui n’a que peu de portée « pratique » ; un terroriste prêt à se tuer n’a que faire d’être déchu de sa nationalité : le caractère dissuasif laisse donc largement à désirer. Mais cette mesure porte en l’occurrence bien haut et fort l’étendard de la politique xénophobe de l’extrême droite et d’une droite « décomplexée ».

Une décision qui n’arrange pas le gouvernement

Avec cette décision du Conseil d’État, voilà François Hollande et son gouvernement bien embarrassés. Dans les cabinets ministériels, et même dans l’entourage de François Hollande, on était persuadé que le Conseil d’État allait retoquer la mesure. Cela aurait pu avoir un double avantage dans la stratégie de Hollande en vue de l’accession au second tour aux prochaines élections présidentielles. Non seulement, montrer le gouvernement PS comme tant prêt à « affronter la barbarie » avec des mesures extrêmes, à la « hauteur » de celles revendiquées par l’extrême droite, tout en y renonçant finalement pour cause de veto de la haute juridiction. Mauvaise fortune pour Hollande et consœurs, le Conseil d’État a balayé le calcul politique.

François Hollande et Manuel Valls vont devoir trancher avant le conseil des ministres du mercredi 23 décembre, qui doit valider la réforme constitutionnelle post-attentats. L’équation semble difficile à résoudre. Le PS Lepénisé ne doit pas perdre la face. Soit le gouvernement persiste dans son projet de maintenir la déchéance de nationalité et dans ce cas, la gauche de la gauche et l’aile gauche du PS pourraient bien grincer des dents et alors cette possibilité pourrait rebattre les cartes à gauche : en renforçant les dissensions dans un Front de gauche profondément en crise, ce scénario rendrait encore plus difficile les discussions autour d’un projet d’alliance nécessaire durant le premier tour des présidentielles. Soit il retire l’article, et renforce les chances qu’il soit rejeté en totalité, « normalisation » de l’état d’urgence compris, par un Sénat majoritairement à droite. Le PS réalisera-t-il la mue complète de sa Lepénisation ?


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