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Des hôpitaux en « organisation de crise »

Derrière sa « positive attitude », le gouvernement camoufle l’urgence sanitaire

Depuis plusieurs jours, le gouvernement a changé de ton au sujet de la crise sanitaire. D’un côté, il adopte une « positive attitude » posant remettant en question l'hypothèse d'un reconfinement généralisé ou se refusant à l’angoisse face aux doses de vaccin insuffisantes : Derrière le discours, pourtant, l’on apprend que la Direction Générale de la santé enjoint les établissements à passer en « organisation de crise ». Une façon pour l’exécutif de scénariser la réussite du pari macronien.

Irène Karalis

17 février 2021

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Crédits photos : AFP

Aucun plan face aux variants

Si l’on en croit le gouvernement, jusqu’à maintenant, le pari risqué de maintenir les écoles et les commerces ouverts pour éviter à tout prix un reconfinement était le bon. Et pour cause, le nombre de contaminations a légèrement baissé pendant les sept premiers jours de février et le taux d’incidence, qui était de 215 cas pour 100 000 habitants le février, est retombé à 196 cas pour 100 000 habitants ce samedi. Le nombre de reproduction R, qui indique combien de personnes peut contaminer un porteur du virus, est repassé en dessous de 1, le seuil de croissance de l’épidémie. De quoi permettre au gouvernement de se gargariser, et de développer comme le montre le journal L’Express, une « positive attitude ».

Pourtant, la réalité immédiate comme à court terme est tout autre. D’un côté, la Moselle est dans une situation sanitaire telle que les élus locaux demandent un confinement local. De l’autres, l’arrivée des trois nouveaux variants anglais, sud-africain et brésilien change la donne. Selon Les Échos, ces derniers vont forcément s’étendre et faire bondir le nombre de reproduction du virus à 1,4 ou 1,5. L’épidémie pourrait alors doubler de volume en une dizaine de jours seulement. Dominique Costagliola, épidémiologiste à l’Inserm, explique ainsi au journal : « On a un nombre de contaminations très élevé, avec beaucoup d’hospitalisations et de réanimations. On s’attend à ce que cela empire du fait de la diffusion des variants qui vont devenir dominants dans la première quinzaine de mars ».

Ainsi, le discours gouvernemental est largement déphasé au regard de la situation sanitaire. Son objectif est de capitaliser sur la réussite très relative du pari macronien qui visait à reporter le confinement. Ainsi, plus Macron réussira à retarder le confinement, plus il pourrait capitaliser sur sa décision à contre-courant de ce qu’il se passe en Europe. Scénariser une relative normalité de la situation permet donc de maintenir l’illusion que la situation est sous contrôle. Une illustration de plus que Macron est prêt à tout façon pour sortir de la crise par en haut quitte à camoufler une situation sanitaire extrêmement préoccupante.

C’est ce dont témoigne le développement des variants viennent chambouler ses plans déjà bancals et questionnables. En effet, les soignants expliquent qu’ils ne permettent plus de prévoir l’évolution de la courbe épidémiologique ; l’augmentation prévue des entrées en réanimation fin janvier n’a par exemple pas eu lieu. Aurélien Rousseau, directeur général de l’ARS d’Île-de-France, explique ainsi que les outils qui permettaient de prévoir l’évolution de l’épidémie « sont comme cassés, ils peinent à intégrer les données du moment et en particulier l’impact des variants. Aujourd’hui, on sait où on en est, sur un plateau très élevé qui fait peser une forte pression sur l’hôpital, mais on ne sait pas prédire ce qui va se passer. On ne parvient plus à faire le lien entre les contaminations et les hospitalisations ».

La situation pourrait donc rapidement devenir incontrôlable, avec l’arrivée des nouveaux variants dans l’équation. Face à ça, la stratégie du gouvernement, ou la non-stratégie pourrait-on dire, demeure questionnable. En Moselle par exemple, malgré la hausse de contaminations avec un taux d’incidence du virus largement supérieur à la moyenne nationale, le gouvernement refuse de fermer les écoles, et ce au mépris des demandes des élus locaux. Alors que les tests effectués par les laboratoires Biogroup début février ont montré que parmi les nouveaux cas, 22% étaient des cas de variants sud-africains et brésiliens et 20% des cas de variant britannique, la seule réponse du gouvernement a été de promettre l’envoi de 30 000 doses de vaccin supplémentaires, dont 5000 étaient attendues ce lundi et le reste est encore à voir.

Le gouvernement continue de faire peser le poids de la crise sur le dos des soignants

C’est dans ce contexte que les hôpitaux ont reçu vendredi dernier une circulaire intitulée « Organisation de l’offre de soins en prévision d’une nouvelle vague épidémique » signée par la Direction Générale de la Santé (DGS) et par la Direction Générale de l’Offre de Soins (DGOS). Cette circulaire, qui a des allures de mauvais remake de mars et de novembre 2020, enjoint les établissements de santé à se réorganiser rapidement, à augmenter le nombre de lits et déprogrammer des opérations et à « mobiliser toutes les ressources humaines disponibles » selon le JDD, qui se l’est procurée.

Les hôpitaux doivent donc mettre en place « des plans de mobilisations internes […] voire, en fonction des niveaux de tension observés, [le] plan blanc ». Ce plan, qui a pour but de répondre à un afflux massif de patients, consiste à organiser « la déprogrammation graduée et adaptée » de l’activité chirurgicale non urgente, à mettre en place des « cellules de recherche et de suivi des lits de réanimation disponibles » au sein des ARS et à prioriser l’ambulatoire et l’hospitalisation à domicile pour « fluidifier la sortie des patients ». Les établissements doivent par ailleurs mobiliser toutes les ressources humaines et pourraient d’ailleurs reconduire les dispositifs facilitant l’augmentation du temps de travail des soignants.

Mais parmi toutes ces mesures annoncées, une inconnue demeure : comment seront-elles mises en place, et avec quels moyens ? Car si le gouvernement tente de faire bonne figure, la tension monte dans les hôpitaux qui n’ont eu de cesse de faire l’objet de coupes budgétaires ces dernières années. Entre 2003 et 2017, ce sont ainsi plus de 69 000 places d’hospitalisation à temps complet qui ont été supprimées. En 2018, 4000 lits supprimés. En 2019, 3400. Une fois de plus donc, la réorganisation des hôpitaux et la contention de l’épidémie devra reposer sur les épaules des soignants qui ont déjà vécu deux vagues et sont épuisés.

Face à la non-stratégie du gouvernement, il nous faut un vrai plan d’urgence !

Dans le même temps, le gouvernement se félicite de sa campagne de vaccination. Ce lundi, Alain Fischer, responsable de la campagne de vaccination, se tannait du fait que seuls le Royaume-Uni et Israël seraient en avance sur la France. Pourtant, la stratégie vaccinale du gouvernement laisse à désirer, tant sur son rythme, avec seulement 2 901 861 injections réalisées jusqu’à maintenant - ce qui ne signifie pas 2 901 861 personnes vaccinées, la plupart des vaccins nécessitant deux injections -, tant sur son protocole d’application. Il y a deux semaines seulement, Olivier Véran jouait ainsi à l’apprenti sorcier et autorisait le report de la seconde dose malgré tous les risques que cela comportait, avant de bien vite se rétracter.

Deux semaines plus tard, le gouvernement ne semble pas avoir beaucoup plus avancé quant à la connaissance de ces vaccins et leur application. Alain Fischer déclarait ainsi sur le plateau de BFMTV : « Les vaccins Pfizer et Moderna sont moins efficaces contre les variants venus du Brésil et d’Afrique du Sud mais cela serait suffisant, notamment contre les formes graves. Il a plutôt lieu d’être rassuré ». Quant au vaccin britannique et suédois, qui a eu la semaine dernière des effets secondaires chez des soignants, Monsieur vaccin déclarait : « Il n’est pas au rabais, c’est un bon vaccin. Il faut l’utiliser ».

Des hypothèses donc, mais pas de certitude. Alors que les variants promettent une flambée de l’épidémie, qui pourrait bien prendre une tournure incontrôlable dans les prochaines semaines, le gouvernement avance, comme toujours, à tâtons. L’exemple de la Moselle, où Véran s’est rendu le 12 février sans proposer de réelles solutions face à la recrudescence épidémique et à la montée des nouveaux variants, est parlant de la stratégie gouvernementale : faire passer les profits avant tout, quitte à laisser l’épidémie flamber, et à voir les nouveaux variants se multiplier. Face à un gouvernement qui met la crise sanitaire sous le tapis au détriment de notre santé, il est plus qu’urgent que jamais de se mobiliser pour un véritable plan d’urgence pour les hôpitaux et l’éducation, qui prévoie des moyens à la hauteur de l’épidémie.


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