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Prime pour tous !

Des salariés d’Auchan Val d’Europe en grève pour exiger une même prime pour tous

Le 2 mai, les salariés d'Auchan Val d'Europe (77) ont organisé un débrayage, exigeant une même prime de 1000 euros pour toutes et tous. Une colère qui émerge largement chez les salariés de la grande distribution suite aux effets d'annonce sur la prime et le décalage avec l'application. Nous retranscrivons ici un entretien où les grévistes nous racontent leur combat.

Rafael Cherfy

9 mai 2020

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Photo : AFP/Pascal GUYOT

Pour soutenir les grévistes d’Auchan, signez et faites signer leur pétition exigeant une même prime de 1000 pour toutes et tous :

RP : Lors de cette période d’urgence sanitaire, les secteurs essentiels comme la grande distribution ont continué à tourner, souvent avec des cadences accélérées et sans les mesures sanitaires minimales. Comment ça s’est passé pour vous ?

Nous avons été particulièrement réquisitionnés pour faire face à cette situation sanitaire exceptionnelle. Nous avons dans l’effectif des mères de familles et des personnes à risques. Il a donc fallu combler leur absence. On nous a tous demandé de faire des heures supplémentaires et nous avons répondu présent, c’est nous en grande partie qui avons passé les énormes caddies de pâtes durant les premières semaines, qui avons dû faire face à un flux de client énorme. Néanmoins, Auchan a mis beaucoup de temps à protéger ses salariés en première ligne. Nous avons commencé face à cette pandémie, comme tout le monde, sans masque ni gel hydroalcoolique. Puis des plexiglas sont arrivés et la gestion du flux client a été instaurée. On déplore tout de même que les actions pour protéger les salariés ont vue le jour beaucoup trop tard. Avant la réception des masques, des collègues qui en avaient amenés par leurs propres moyens ont été convoqués, par peur d’entacher l’image de l’entreprise. Certains de nos collègues ont vu le virus les toucher de plein fouet. Se dire que nous serons peut-être les prochains est malheureusement une réalité, l’ambiance au travail est terriblement anxiogène. A ce jour, le jeudi 7 mai 2020, la direction d’Auchan Val d’Europe a pris la décision de nous remettre 2 par îlots soit à moins d’un mètre de nos collègues, en étant seulement protégés par un carton. C’est à se demander quelle considération l’enseigne a pour ses salariés.

RP : Le contraste entre le rôle essentiel des travailleurs de la grande distribution et les conditions de travail précaire qui y existent, a fait monter la colère parmi les salariés. Vous avez été à l’initiative d’une pétition pour la prime de 1000 euros qui a inspiré d’autres magasins. Comment cela a commencé pour vous ?

La pétition sur internet a vu le jour à cause de notre colère face aux conditions d’éligibilité de la prime. Nous voulions alerter l’opinion publique en leur montrant que les promesses qui nous ont été faites n’étaient finalement que mensonges. Nous avons tous reçu un message d’un proche disant : « Tu vas toucher 1000 euros ! ». Tout le monde à la télévision a entendu le directeur général d’Auchan Retail dire que ses 65.000 salariés recevront une prime de 1000 euros pour les remercier de leur engagement face au Covid-19. Pour apprendre finalement qu’il y a des conditions d’accès à cette prime qui n’étaient mentionnées nulle part ! Ce ne sont pas seulement les salariés qui ont été dupés, mais les potentiels clients également. Cette annonce était un coup marketing, volontaire ou non. Cette pétition, qui a recueilli près de 19.000 signatures à ce jour, est l’un des aboutissements de notre colère.

RP : Le samedi 2 mai vous avez débrayé pour exiger la prime, vous pouvez nous en dire plus ? Quels ont été les retours de vos collègues ? Qu’en est-il de la direction ?

Afin d’aller plus loin dans nos actions nous avons décidé collectivement d’engager un débrayage. Il a pour but de montrer à la direction que nous ne sommes pas satisfaits des accords internes qui ont été menés. En effet, la prime est pro-ratisée et nous sommes dorénavant 2 par îlots. Ces revendications ont été envoyées, par le biais des syndicats, à la direction d’Auchan Retail. A ce jour, jeudi 7 mai 2020, nous n’avons eu aucune réponse. A notre plus grande surprise, les clients d’Auchan nous ont apporté leur soutien : malgré la queue grandissante, la plupart nous ont applaudi et ont manifesté leur consternation générale quand nous leur avons expliqué la pro-ratisation de la prime. Nous envisageons d’ailleurs de recommencer tant que la direction ne voudra pas nous entendre. Des réunions ont été organisées par la direction pour discuter des conditions sanitaires et de la prime, mais cela ne nous rend pas justice. Pour nos collègues, la plupart nous soutiennent, même les 35 heures. Ils sont tout autant consternés que nous et nous encouragent à faire bouger les choses au moyen du débrayage. Certains collègues ont également demandé à participer aux prochains mouvements.

RP : Les luttes dans la grande distribution montrent que les travailleurs commencent à relever la tête et a ne plus se résigner à des conditions précaires de travail. Quelles sont les perspectives que tu vois ? Pour la suite, tu penses qu’il faudrait aller vers une plus grande coordination et unité dans le secteur ?

L’union fait la force. Si toutes les enseignes d’Auchan en France venaient à manifester leur colère et mécontentement cela aurait très certainement un impact. Individuellement nous ne pouvons pas grand-chose mais si nous nous rassemblons tous cela fera du bruit et une grande différence à la fin de ce bras de fer. C’est le but de la vidéo que nous avons postée sur Twitter : amener les autres magasins à se révolter contre ces conditions d’éligibilités à la prime. Nous pouvons ajouter que cette crise sanitaire nous aura montré que les emplois les moins valorisés comme hôte de caisse ou éboueurs sont les emplois les plus nécessaires à la société. 


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