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LGBTI-PHOBIE

« Don’t say gay ». La Floride interdit de mentionner des sujets LGBTI+ dans le cadre scolaire

La semaine dernière, le sénateur de Floride Ron de Santis validait la loi « Don't Say Gay » (« Ne dites pas gay ») qui interdit la mention des genres et sexualités non-normatives dans le cadre scolaire. Une attaque contre la liberté d'enseignement et la sécurité des enfants trans.

Adrien Belarc

4 avril 2022

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Aux États-Unis, les députés du parti républicain ont réussi à faire passer au Parlement de Floride une loi interdisant les mentions au genre et aux sexualités pour les enfants de la maternelle au CE2. Appelée « Don’t say gay » (« Ne dites pas gay »), cette loi a été approuvée par le sénateur républicain de Floride, Ron de Santis, dans une mise en scène grotesque entourée d’enfants en tenue d’écoliers.

Initialement appelée « loi sur les droits des parents dans l’éducation », cette loi dicte que l’enseignement en Floride ne devrait comporter aucune mention à des sujets qui ne sont pas « adaptés à l’âge ou au développement des enfants », concernant principalement l’éducation au genre et aux sexualités non-normatives. En effet, la loi stipule que « l’enseignement en classe par le personnel scolaire ou des tiers sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre ne peut être fait de la maternelle à la troisième année (équivalent du CE2) ou d’une manière qui n’est pas adaptée à l’âge ou au développement des élèves conformément aux normes de l’État.  »

Défendue par les républicains comme une loi remettant l’autorité en matière de sexualité aux parents, elle permettra à ces derniers de saisir la justice et porter plainte lorsque des sujets « non-autorisés » seront abordés. Cette loi permet également aux parents d’être les premiers au courant des services de santé ou d’aide proposés à leurs enfants ainsi que de pouvoir refuser ces services sans les consulter.

Dans une conférence de presse tenue avant la signature de la loi, Ron de Santis dénonçait l’« idéologie de genre woke » en reprenant l’idée d’un soi-disant lobby LGBT, thèse chère à nos réactionnaires nationaux comme Eric Zemmour. Sous couvert de protection des enfants, c’est un projet politique plus large d’attaques sur la jeunesse et l’éducation menée par les républicains sous l’œil passif des démocrates.

Une attaque contre la jeunesse et contre les enseignants

Au moment du passage de la loi, plusieurs enseignant.e.s se sont inquiété.e.s de ses conséquences sur la vie des enfants. Que ce soit dans le cadre familial ou scolaire, les enfants LGBTI n’auront aucune échappatoire ou « temps de pause » pour évoquer les violences et le harcèlement qu’iels subissent.

Dans un rapport datant de l’an dernier, l’association d’aide aux jeunes LGBTI en difficulté The Trevor Project publiait des résultats montrant que sur un échantillon de 35 000 jeunes LGBTI interrogés, 42% avaient sérieusement considéré le suicide au cours de l’année, et parmi eux plus d’une moitié de jeunes trans et non-binaires.

En plus d’être une promesse d’augmentation des violences physiques et psychiques envers la jeunesse, les conséquences de cette loi se font déjà ressentir contre les travailleurs de l’éducation de Floride et leur liberté d’enseignement. Le mois dernier, Robert Thollander, un enseignant de la ville d’Orlando, a été poussé vers la sortie après que des parents d’élèves aient demandé que des sanctions soient prises à son encontre en réaction à la mention de son mariage avec un autre homme en classe. Le professeur a déclaré : « beaucoup de confiance est donnée aux enseignants, et il semblerait que je ne sois pas digne de cette confiance en raison de mon homosexualité. Il semblerait qu’être gay est quelques choses d’exécrable ou de perturbant ou dégoutant quand on nous déclare que cela rend les enfants inconfortables de savoir que je suis marié à un homme. Ça fait mal. »

Il n’est pas seul dans ce cas-là. C’est aussi le cas de Nicolette Solomon, enseignante et lesbienne, travaillant dans le county de Miami-Dade, qui a démissionné au moment du passage de la loi. Elle déclarait que « c’était la goutte d’eau qui faisait déborder le vase », « je ne pense pas pouvoir supporter de voir mes élèves souffrir de ne pas pouvoir me poser des questions sur ces sujets et de devoir leur refuser l’accès à cette connaissance ».

C’est non seulement une attaque sur les LGBTI, qu’iels soient élèves ou enseignant.e.s, mais aussi sur la qualité de l’enseignement. Des sujets comme l’homosexualité dans les œuvres littéraires classiques, l’histoire des communautés marginalisées ou encore des enseignements qui concernent la santé non-uniquement hétérosexuelle sont dans le viseur. Comme nous l’avons vu plus haut, cette pression constante sur l’éducation rendra la vie des écoles de Floride insupportable.

Les salariés de Disney en grève contre la loi « Don’t say gay »

Selon le journal Orlando Sentinel, l’entreprise Disney, gros employeur de l’État de Floride avec ses 80 000 travailleurs, contribuerait financièrement à des parlementaires conservateurs qui ont poussé pour le passage de cette loi. Une fois ce fait devenu public, le PDG de Disney, Bob Chapek, a essayé de rattraper les pots cassés en assurant le retrait des investissements de l’entreprise. Il a également promis de faire une donation de 5 millions de dollars à l’organisation Human Rights Campaign, qui a refusé ce don en raison de la position ambiguë de l’entreprise.

En réaction à cela, les travailleurs et travailleuses du groupe ont lancé le compte twitter Disney Walkout par lequel iels ont fait connaître leur opposition au silence du Bob Chapek et ses associés, et revendiquant l’arrêt des financements atterrissant dans la poche des politiciens du parti républicain (desquels fait partie Ron De Santis).

Si l’initiative a poussé plusieurs sociétés Disney à se déclarer en soutien au mouvement de grève, il n’est pas difficile de déceler l’hypocrisie qui se cache derrière ces prises de position en raison des liens profonds tissés entre l’entreprise et l’État de Floride. Ces mouvements ont aussi été soutenus par des célébrités rattachées à Disney comme Mark Ruffalo, Kerry Washington et Oscar Isaac.

Une vague d’attaques contre les femmes et les LGBTI sous l’œil passif des démocrates

Cette loi fait partie d’une longue série de politiques du même type menées par les républicains dans différents États du pays comme le Texas, la Floride ou encore le Tennessee. Dans une offensive contre les personnes trans, les républicains ont essayé (et ont réussi dans certains cas) de faire passer plusieurs lois contrôlant l’accès des personnes trans à l’éducation, au sport ou même aux toilettes publiques. Au Texas, en janvier dernier, il est demandé aux sportifs transgenres de concourir dans des catégories qui correspondent à leur sexe assigné à la naissance. Une autre directive devrait reclasser la prise de bloqueur d’hormones par des enfants trans comme une forme d’abus dont seraient coupables les parents. Ces attaques se situent en continuité avec celles contre les droits reproductifs interdisant l’avortement au-dessus d’une période de six semaines pour les femmes texanes.

Si 2021 a été l’année avec un record de meurtre de personnes transgenres, le passage de ces lois n’augure aucune amélioration dans les conditions de vies des personnes marginalisées des États-Unis. À deux ans de la prise de poste de Joe Biden, on peut voir que sa politique LGBTI s’est cantonnée à des miettes (annulation de l’interdiction des personnes trans dans l’armée et des discriminations salariales imposées par Trump, représentation LGBTI à l’intérieur de l’État) sans s’attaquer matériellement à l’oppression que subissent les LGBTI à l’école, au travail et dans la vie laissant la voie libre à l’agenda réactionnaire républicain.

À quelques jours du jour de la visibilité Trans, il est important de continuer à revendiquer le droit des enfants trans de pouvoir être eux-mêmes, de pouvoir avoir accès à la santé, le sport et de se sentir en sécurité en dedans et en dehors de l’école. La passivité des démocrates vis-à-vis de ces offensives réactionnaires est la démonstration qu’aucune confiance ne peut leur être accordée dans la défense des minorités de genre et sexuelle. Seul un mouvement d’ensemble composé des travailleurs et travailleuses de l’éducation, de la santé mais aussi des secteurs non-directement concernés par la loi devrait lutter pour les droits des enfants trans à avoir une enfance sans violences et oppressions.


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