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REPRESSION

Droit à l’IVG en Pologne. Le gouvernement dans l’impasse accélère de la répression

Au fil de ces déjà 35 jours du mouvement historique contre la restriction du droit à l'avortement, la répression n'a cessé de s'accentuer pour aujourd'hui atteindre une violence, sur le terrain policier mais aussi judiciaire, qui traduit le niveau de tension sociale dans le pays.

Olive Ruton

1er décembre 2020

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Cela fait plus d’un mois qu’a éclaté en Pologne le mouvement historique déclenché par la loi votée au Tribunal constitutionnel restreignant le droit à l’avortement en l’interdisant même lorsque le fœtus est atteint de malformations graves. En maintenant 35 jours, la contestation n’en a pas pris un seul de repos, avec des manifestations, des piquets, des blocages, et des actions quotidiennes. Et ce, malgré la suspension de la loi décidée par le gouvernement après les immenses manifestations qui avaient secoué le pays et en particulier la capitale, en espérant que le mouvement tasse pour faire entrer en vigueur la loi dans le calme. Mais pas si facile d’endormir les centaines de milliers de femmes polonaises et tous ceux qui se battent à leurs cotés contre la restriction de l’avortement, mais aussi bien plus largement, contre le gouvernement ultra-réactionnaire et l’ensemble de sa politique : ni la proposition d’un compromis minimal ni le temps n’y ont pour l’instant suffit.

Dans un climat déjà tendu par la montée du Coronavirus et des mesures strictes qui en découlent, et celle de la crise économique à l’instar des autres pays européens, le gouvernement se trouve dans une position très délicate. Il se trouve pris en étau entre les secteurs les plus conservateurs qui exigent la mise en vigueur immédiate de la loi, et l’opposition à sa gauche alliée au poids de la mobilisation, fermement opposée à la loi. Et aux immenses manifestations du début du mouvement, sur un ton festif et marquées par un relatif pacifisme entre les dizaines de milliers de manifestants et les forces de police, succèdent aujourd’hui des marches plus réduites, plus radicales, et qui connaissent une répression accrue et croissante.

Ainsi, les scènes de plus en plus violentes se sont multipliées ces dernières semaines. Gazages, spray au poivre, violences, présence de policiers en civils incognito jusqu’à ce qu’ils tabassent les manifestants... un saut répressif est allé de pair avec l’installation du mouvement dans le temps et le manque de propositions pour y mettre fin sur le terrain institutionnel. Des violences qui ont atteint leur paroxysme samedi, jour particulier du mouvement puisqu’il était aussi le jour du 102eme anniversaire de l’obtention du droit de vote des femmes en Pologne, avec d’immenses cordons de CRS, des passages à tabac, etc. Une journée particulièrement forte en termes de répression, dans la rue mais aussi sur les lieux d’étude par exemple. A l’université technologique de Varsovie, envahie par la police on a ainsi pu voir les policiers arrêter les jeunes et les frapper avec des bâtons. Une répression aussi violente qu’elle essaie de casser le mouvement par l’intimidation.

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Ainsi, à l’arrestation d’une journaliste qui a largement révolté – après qu’elle ait pourtant montré sa carte de presse – pour « outrage à dépositaire des forces de l’ordre » en raison d’un flash d’appareil photo de trop près, a succédé le contrôle violent et gazage rapproché d’une députée, elle aussi identifiée par les policiers. Depuis une dizaine de jours, la police franchi pas après pas les limites de la manifestations précédente, choquant sur son passage la population, et nourrissant la tension sociale, mais aussi politique. En effet, au Parlement la semaine dernière, la députée Monika Wielichowska a ainsi, sa carte d’identité brisée à l’appui, attesté et dénoncé les violences de la police pendant les contrôles en marge des manifestations, se voyant répondre par Kaczyński qu’elle avait "du sang sur les mains" et portait la responsabilité des contaminations au Covid en manifestant.

A cela s’ajoute aujourd’hui la répression judiciaire, avec l’ouverture d’une enquête contre la direction du mouvement, et ce sur trois chefs d’accusation. Premièrement, les insultes à l’encontre de personnes en raison de leur religion, faisant référence à des actions dans ou devant des églises (un « crime » qui lorsqu’il est reconnu comme tel est passible de trois ans de prisons). Ensuite, et ce concernant des propos qu’aurait tenu Marta Lempart l’une des têtes du mouvement, le 26 octobre, «  pour savoir si elle « a appelé à des actions illégales et exprimé son approbation pour avoir commis des crimes contre l’église catholique ». Enfin, et pas des moindres, la dernière accusation est celle de « mise en danger de la santé publique », en ayant organisé des manifestations de masse en temps de pandémie, un motif passible cette fois de huit dans de prison.

La répression féroce qui s’abat aujourd’hui sur ce mouvement historique est la directe conséquence de l’ampleur de celui-ci et de la peur qu’il exerce sur le gouvernement qu’il met dos au mur, ne lui laissant aucune possibilité de manœuvre. Loin de se laisser démonter, les manifestants, réunis dans la rue bien au-delà de la question de l’avortement, contre le gouvernement du PIS et sa politique réactionnaire, paraissent que plus déterminés à en découdre.


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