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« Droit de retrait » à la SNCF : les cheminots refusent de vivre un nouveau Brétigny

L’accident ferroviaire de mercredi dans les Ardennes rappelle celui de Brétigny qui avait fait 7 morts et 70 blessés en 2013. Ce vendredi les cheminots ont donc refusé le travail et exercé massivement leur droit de retrait, pour dénoncer les conditions de travail qui les mettent en danger ainsi que les usagers. Pendant ce temps le gouvernement et la direction de la SNCF déclarent que « aucun voyageur n’était en danger », alors que 70 personnes étaient à bord du train accidenté.

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Crédits photo : PHOTO L’UNION - Aurélien Laudy

Mercredi dernier, une importante collision a eu lieu en Champagne-Ardenne, où un train a percuté un camion au croisement avec un passage à niveau à Saint-Pierre-sur-Vence. Le choc a été important, causant une dizaine de blessés. Mais le pire a été évité grâce au conducteur, qui a mis en sécurité les 70 passagers du train, alors qu’il avait été blessé par l’accident. Le problème principal est bien là, suite aux suppressions de postes à la SNCF, ce conducteur était le seul cheminot à bord du train. Que se serait-il passé si l’accident l’avait blessé au point de l’empêcher de déclencher la procédure pour interrompre le trafic et mettre en sécurité les passagers, alors que sa radio a été détruite par le choc ?

Suite à cet événement, de nombreux cheminots ont déclenché leur droit de retrait ce vendredi, aussi appelés « dépôt de sac », très massifs chez les conducteurs et les contrôleurs. Cet arrêt de travail a provoqué de nombreuses perturbations du trafic ferroviaire dans toute la France, le but étant d’alerter sur des conditions de travail qui se dégradent et mettent en danger la sécurité des travailleurs et des usagers.

Cette situation a vite déclenché la réaction du gouvernement et de la direction de la SNCF, qui ont tout fait pour banaliser l’accident et décrédibiliser les cheminots lanceurs d’alerte. Le directeur général de la SNCF, Franck Lacroix, a ainsi déclaré lors d’une conférence de presse que « aucun voyageur n’a été en situation de danger », ce qui relève au mieux du mensonge, au pire de l’incompétence, ou l’inverse. Avant de déclarer « on est bien dans le cas d’une grève sans préavis qui n’est pas acceptable », au sujet des cheminots ayant exercé leur droit de retrait – qui est une procédure prévue par le Code du Travail permettant aux salariés de cesser le travail lorsque leur santé physique ou psychologique est mise en danger, de même que celle des usagers.

Alors que le cheminot qui conduisait le train, blessé à la jambe à cause du choc et seul agent à bord, a sauvé la vie de 70 personnes en marchant 1.5km aller-retour (sa radio ayant été détruite par l’accident) pour déclencher la procédure d’arrêt du trafic dans les temps avant qu’un train n’arrive sur les mêmes rails que les rames accidentées, devrait être considéré comme un héros, le gouvernement, la direction de la SNCF, et les grands médias ont passé la journée à banaliser l’accident et à mettre la perturbation du trafic sur le dos des cheminots.

Pourtant, c’est bien la mise à mal des conditions de travail des travailleurs du rail, depuis des dizaines d’années à travers différentes réformes menées par la direction de l’entreprise et les gouvernements successifs – le Pacte ferroviaire de 2018 étant la dernière en date – qui a mené à l’exercice massif de ces droits de retraits par les salariés de la SNCF. En l’occurrence le train circulait comme c’est de plus en plus le cas à la SNCF en EAS (Équipement Agent Seul). Le conducteur, seul agent à bord, était donc obligé de gérer à lui seul la sécurité des circulations, la communication, les passagers, les secours, l’évacuation, etc. Il est évident pour tout le monde que la situation aurait été gérée avec plus d’efficacité et de sécurité s’il avait été accompagné au moins d’un contrôleur, avant tout formé lui aussi à la sécurité.

Un cheminot, conducteur de train, racontait ainsi à Révolution Permanente ce matin : « forcément le conducteur quand il est seul et doit aller protéger un obstacle, il doit dire une annonce, qu’il doit chercher dans le mémento, c’est des pages en plus à appliquer. Il faut d’abord verrouiller les portes, veiller à ce que personne ne descende, faire l’annonce qui te protège légalement. Une fois que tu as fait cette annonce, tu as perdu des précieuses secondes, parce que si tu dois faire une couverture d’obstacle toi-même avec tes agrès [mettre en place des signalisations empêchant la circulation d’autres trains sur la voie, NDLR], c’est pas une histoire de minutes, c’est une histoire de secondes. Cette perte de temps à gérer les usagers et leur sécurité, cette gestion qui aurait du être prise en charge par un contrôleur, est prise en charge par le conducteur et lui fait perdre de vue ce qui devrait être son métier : la sécurité ferroviaire. » C’est la raison pour laquelle la mise en place de l’EAS est combattue depuis le début par plusieurs organisations syndicales. Et il s’en est fallu de peu pour que ce mercredi, en Champagne-Ardenne, la preuve soit faite de la dangerosité de la mesure.

Habitués aux « grèves carrées » encadrées par les directions syndicales, avec des préavis de 48h qui permettaient de trouver des remplaçants aux grévistes, la direction de la SNCF et le gouvernement ont été désarçonnés par l’arrêt de travail massif des cheminots ce vendredi. C’est pourquoi le secrétaire d’Etat chargé des Transports, Jean-Baptiste Djebbari, a tenté de nier la responsabilité des réformes de privatisation de l’entreprise publique dans l’accident de mercredi, afin de monter les usagers contre les cheminots qui ont relevé la tête pour dénoncer leurs conditions de travail, et de délégitimer ainsi l’usage du droit de retrait par les salariés en dénonçant une « grève surprise hors de tout cadre légal » au micro de Jean-Jacques Bourdin sur RMC. « Grève illégale », « prise d’otage des usagers », autant d’éléments de langage pour tenter d’empêcher l’opinion publique de soutenir les cheminots, qui relèvent la tête et se battent pour leur sécurité et celle des usagers. La direction de la SNCF n’a d’ailleurs pas tardé à menacer directement les cheminots de « poursuites judiciaires » s’ils refusaient de reprendre le travail, en leur adressant personnellement des courriers de mise en demeure.

Mais cette réaction cache mal la fébrilité de la direction de l’entreprise, et surtout du gouvernement. Après la crise des Gilets Jaunes, il sait que chaque goutte peut être la goutte de trop qui fait déborder le vase. Surtout, alors qu’il s’apprête à faire passer une attaque historique contre le monde du travail avec la contre-réforme des retraites, il veut jouer la division entre les cheminots et les usagers, le public et le privé, les jeunes et les vieux, afin de se prémunir contre un mouvement d’ensemble à l’image de la grève reconductible qu’il s’agit de construire à partir du 5 décembre prochain.


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