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Droit à l'avortement

Droits des femmes. Après les restrictions au Texas, le droit à l’avortement menacé aux États-Unis

Mercredi 1er décembre, la Cour Suprême examinait la loi adoptée en 2018 par le Mississipi qui interdit les avortements au bout de 15 semaines de grossesse. Cette Cour profondément remaniée par le mandat Trump devrait rendre son jugement au printemps prochain, et devra trancher une loi concernant les droits fondamentaux des femmes qui pourraient revenir près de 50 ans en arrière.

Petra Lou

8 décembre 2021

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Crédits photo : Saul Loeb/AFP

Pendant près de deux heures, neuf juges de la Cour Suprême, instance profondément remaniée par Trump où siègent désormais six conservateurs, ont examiné la loi du Mississipi qui interdit l’usage de l’avortement après 15 semaines de grossesse. Si, contrairement à d’autres législations adoptées ces dernières années comme au Texas, celle-ci ne violerait pas le cadre légal fixé par la Cour Suprême, celle-ci semble prête à revoir sa copie, et profiter de l’occasion pour revenir 50 ans en arrière.

« Mettre l’arrêt Roe v. Wade aux oubliettes de l’Histoire » : une multitude de soutiens réactionnaires pour remettre en question un droit fondamental

Aux États-Unis, faute de loi fédérale, existe l’arrêt historique « Roz v. Wade » datant de 1973, légalisant l’avortement, avec la précision de 1992 qu’il serait possible tant que le foetus ne serait pas « viable », soit vers 22 à 24 semaines de grossesse. Si les tribunaux fédéraux ont dans un premier temps bloqué la proposition de loi de l’État du Mississippi, ses autorités ont adressé un recours à la Cour Suprême, lui demandant tout bonnement de retirer l’arrêt de 1973. En acceptant de revoir sa copie, et d’interroger la définition de « viabilité », la Cour Suprême ouvre la voie à une remise en question de ce droit élémentaire dans la principale puissance impérialiste au monde.

« Il y a 49 ans, la Cour a privilégié une intuition politique à un raisonnement légal solide pour atteindre une conclusion infondée constitutionnellement et il est temps de corriger cette erreur » explique la très réactionnaire procureure générale du Mississippi Lynn Fitch dans le Washington Post. Une déclaration soutenue par tous les échelons du Parti républicain, ainsi que, sans surprise, par l’Église catholique et de nombreuses associations anti-avortement, dont certaines ont dépensé des millions de dollars en campagnes publicitaires avant l’audience : « Nous sommes sur le point d’entrer dans une nouvelle ère, où la Cour suprême va renvoyer l’arrêt Roe v. Wade aux oubliettes de l’Histoire, dont il n’aurait jamais dû sortir » s’est exprimé l’ancien vice-président Mike Pence, un ultraconservateur chrétien, la veille de l’audience. Une influence qui s’était déjà fait sentir lorsque la Cour Suprême avait refusé de bloquer l’entrée en vigueur de la loi texane interdisant d’avorter dès six semaines de grossesse.

Si la loi proposée par le Mississippi semble être un « moindre mal » au regard de la législation en France dont le délai légal est fixé à douze semaines, elle cache en réalité un combat réactionnaire qui veut remettre en question le droit fondamental des femmes à disposer de leur corps. Entre autres, remettre en question l’arrêt Roe v. Wade pour lequel l’Église Catholique, les associations faussement auto appelées « pro-vie » et tous les échelons du Parti républicain sont en branle-bas de combat.

Un droit remis en cause déjà difficile d’accès avant les restrictions

Si une dizaine d’États a déjà mis en place des restrictions particulièrement sévères, la décision de la Cour Suprême de juin pourra permettre de pulvériser le cadre légal, et la moitié du pays pourrait ainsi, à très court terme, mettre un terme à l’IVG. Cela constituerait un retour en arrière particulièrement scandaleux en termes de droits des femmes dans la première puissance mondiale. En effet, si le critère de « viabilité du foetus » est abandonné, cela permettra aux États d’interdire l’IVG à n’importe quel stade de la grossesse. Selon le planning familial, Planned Parenthood, 36 millions de femmes en âge de procréer seraient privées d’accès à l’avortement.

Aujourd’hui, les conséquences de cette loi font que pour se faire avorter, toutes les texanes ne sont pas logées à la même enseigne. Les plus riches pourront se déplacer d’un État à l’autre sans problème alors que les restrictions sont plus fortes pour le reste de la population. En premier lieu, ce sont les femmes migrantes en situation irrégulière qui sont en danger. Les contrôles d’identité aux frontières leur font risquer l’arrestation et l’expulsion du territoire. Ensuite, ce sont les classes populaires, principalement issues des populations noires et sud-américaines, qui sont touchées dans leur ensemble. Ces lois obligent donc les plus précaires à se mettre dans des situations de danger en ayant recours à des avortements illégaux.

Contre cette offensive, la seule solution c’est l’organisation !

Non seulement il s’agit d’une démonstration concrète de la fragilité du droit des femmes à disposer de leurs corps et de leurs projets de vie, mais aussi de l’anti-démocratie qui réside au cœur même des institutions américaines. Les droits des exploités et des opprimés sont laissés aux mains de membres non-élus de la Cour Suprême qui disposent de mandats à vie. De la même façon, il est significatif que depuis janvier 2021, les États les plus virulents contre le droit à l’avortement soit aussi ceux qui mènent le plus d’attaques contre les personnes transgenres.

Face à ce processus qui menace de supprimer nos droits démocratiques les plus élémentaires, Révolution Permanente et le collectif Du Pain et des Roses expriment leur solidarité envers les femmes et les LGBTI aux États-Unis. Pour gagner et défendre le droit de disposer de nos corps et de nos vies, nous devons nous organiser et lutter massivement dans la rue !


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