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En expulsant les familles de Guernica, le gouvernement argentin réprime pour les riches

29 octobre, le gouvernement argentin ordonne une violente répression pour expulser un terrain occupé dans la province de Buenos Aires où 1400 familles vivaient dans la précarité. Après cela, un tourbillon de dénonciations et de fausses accusations contre l’extrême gauche a éclaté, mais ni les militants ni les familles n’ont baissé les bras. Au contraire, ils ont continué à manifester aux cris de « des terres pour vivre » !

Carla Biguliak

7 novembre 2020

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Le 29 octobre dernier, au lendemain de la décision du gouvernement argentin de mettre fin unilatéralement aux négociations avec les familles qui occupaient les terres, 4 000 policiers ont participé à une vaste opération de répression avec des balles en caoutchouc, des bulldozers, des gaz et des matraques, pour expulser les 1 400 familles sans toit installées depuis juillet dernier dans de petites habitations de fortune et qui demandaient leur droit élémentaire d’avoir un logement.
Le terrain en question, d’une superficie de 100 hectares, était complètement vide et inutilisé depuis 50 ans. Son propriétaire présumé est un ancien fonctionnaire du dictateur Videla qui a repris le terrain de manière irrégulière et illégale pendant la dernière dictature et qui a maintenant l’intention d’y construire un immense quartier privé avec des lacs artificiels et des terrains de hockey et de rugby, dans un pays où la pauvreté touche déjà près de la moitié de la population.

La répression qui a démasqué le kirchnerisme

La responsabilité du gouvernement kirchneriste dans cette mesure anti-populaire est indéniable : la répression a été ordonnée par le gouverneur de la province de Buenos Aires, Axel Kicillof, ancien ministre de l’Économie de Cristina Kirchner, considérée comme l’une des plus à « gauche » du kirchnerisme, et par le ministre de la Sécurité de la province, Sergio Berni, responsable de la disparition et de la mort de Facundo Castro et célèbre pour avoir tenté de semer de fausses pistes afin de criminaliser les manifestants : notamment avec le cas du gendarme qui s’est jeté sur une voiture pour simuler un accident en 2014. Les deux fonctionnaires ont été défendus par l’actuel président Alberto Fernández, qui affirme avoir été informé de chaque décision prise concernant le terrain de Guernica.
La répression sauvage à Guernica a été ordonnée le jour même où le budget d’ajustement a été voté, qui prévoit une forte réduction pour 2021. Entre autres choses, le kirchnerisme a obtenu l’approbation d’un budget qui implique le paiement d’intérêts sur la dette de 1,5 % du PIB, l’équivalent de ce qu’il faut pour construire 160 000 logements. De l’argent public dépensé pour remplir les poches des créanciers impérialistes. Mais ce n’est pas une coïncidence : avec la répression, le gouvernement a scellé le pacte avec le FMI, démontrant ainsi son engagement à respecter les exigences du Fond pour renégocier l’accord. De fait, une chose et l’autre vont de pair : les plans qui seront convenus avec le FMI ne peuvent être appliqués qu’avec une brutale répression envers ceux qui sortent pour se battre afin de ne pas subir le chômage, la pauvreté et la précarisation de la vie.

Cela met à nu la véritable ligne politique du gouvernement kirchneriste, qui a pris ses fonctions il y a moins d’un an en prétendant que sa politique ferait passer « les derniers d’abord », cherchant à se différencier de l’ancien président libéral Macri. Après avoir reculé sur l’impôt sur les grandes fortunes qu’il avait promis, le kirchnerisme montre maintenant, aux yeux de tous, qu’il défendra toujours la bourgeoisie en se positionnant en faveur des grands patrons, des spéculateurs immobiliers et des propriétaires de quartiers privés, qui sont les véritables usurpateurs de terres.

Et bien que la responsabilité du gouvernement argentin soit totale, les fonctionnaires kirchneristes ont essayé de minimiser les faits, en disant que la répression a été menée « avec précaution » et sont même allés jusqu’à accuser ceux qui sont allés soutenir les familles le jour de la répression, en prétendant que lorsque la police est arrivée, il n’y avait plus de familles, mais seulement des militants d’extrême gauche, et que ce sont ces « trotskistes » qui ont lancé les gaz lacrymogènes et brûlé les maisons. Absolument toutes les images réfutent cette accusation totalement dénuée de sens.

 

De cette manière, Guernica devient un laboratoire qui montre qui est qui face à la crise. D’une part, le gouvernement, ses forces de répression, la droite et les médias, contre les familles sans abri. Le Frente de Todos [nom de la coalition emmenée par Alberto Fernández] a dévoilé le fossé entre ses promesses de campagne et son rôle dans le gouvernement. La bureaucratie syndicale qui fait partie de cet espace, a été comme toujours absente, complice du pouvoir. Face à eux, l’extrême gauche et certaines organisations sociales qui refuse d’accepter un pays de misère alors que les partis des capitalistes livrent le pays au FMI et aux grands hommes d’affaires.
 

La récupération des terres en Argentine, une lutte historique

La récupération des terres vides est une méthode historique dans la formation des quartiers populaires en Argentine, qui répond précisément au problème historique du manque de logements que ni les plus de 20 ans de gouvernements péronistes (y compris l’actuel) ni le précédent mandat de Macri ne se sont souciés de résoudre. Aujourd’hui, elle s’est intensifiée en raison de la crise économique, sociale, qui s’est aggravée avec l’arrivée de la pandémie, et plusieurs médias parlent d’une « vague d’occupations ».

Dans la ville de Neuquén, par exemple, il y a plus de 48 agglomérations, avec des milliers de foyers sans accès à l’eau potable, au gaz naturel ou aux services d’égouts et avec d’énormes problèmes de logement dus à la précarité de leur construction ou à la surpopulation.

Une grande partie de ces terres occupées se trouvent dans la province de Buenos Aires. Les dernières données du recensement montrent que 37 % du déficit national de logements se situe sur le territoire de Buenos Aires. 71 % des ménages en situation de précarité se trouvent dans les 24 municipalités du Grand Buenos Aires.
Selon une jeune habitante d’un terrain occupé dans la ville de La Plata, interviewée par notre média frère La Izquierda Diario, « ce sont des terrains publics que les gens prennent parce que l’État ne les attribue pas, ne les met pas en condition, ne répond pas aux besoins des voisins des quartiers périphériques. Nous sommes jugés, discriminés à cause des préjugés contre les pauvres et de la xénophobie. Ils ne montrent pas les histoires des voisins qui sont dans cette situation, ils ne connaissent pas les besoins, les expériences, ne savent pas ce qui se passe derrière une personne qui décide de se joindre ou de s’impliquer dans une occupation de terres. Ils ne savent pas qu’il y a des femmes enceintes qui n’ont pas d’endroit pour vivre, qu’il y a des gens dans la rue qui avant payaient un loyer, mais qui aujourd’hui ne peuvent plus le faire. Des besoins humains fondamentaux que l’État ne satisfait pas, et c’est une situation qui ne change pas et dont on ne s’occupe pas. Il y a toujours eu des occupations de terres, il y a toujours eu des besoins, mais c’est quelque chose qui s’est beaucoup aggravé ces derniers temps. »

Mais face à cette répression et à l’attaque constante du gouvernement et des grands médias, les familles de Guernica, et en particulier les femmes organisées dans des commissions de femmes qui avancent le slogan “Pas une de plus sans toit”, continuent à mener une lutte exemplaire contre la répression gouvernementale et à exiger l’accès au logement.

Dès le premier instant, le PTS-Front de Gauche Unité — notre parti frère en Argentine — a soutenu les familles et promu l’unité et la solidarité la plus large pour leur lutte, défendant que par le biais d’assemblées les occupants eux-mêmes soient les sujets de leur lutte (contre toutes les méthodes bureaucratiques des organisations qui cherchaient à se substituer à leur lutte) apportant des dons dans les jours les plus difficiles dans le froid et sous la pluie, luttant pour l’unité de tous les travailleurs occupés et sans emploi, des étudiants, du mouvement des femmes, des organisations des droits de l’homme. Car ce n’est que dans l’unité dans la lutte de tous les secteurs exploités et opprimés qu’il y aura un moyen pour que cette crise ne soit pas un nouveau pillage historique contre les grandes majorités.


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