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Mouvement anti-raciste

Etats-Unis. Nouvelles émeutes suite au tournant répressif de Trump

Deux mois après la mort de Georges Floyd et à cent jours des élections présidentielles, le mouvement historique contre le racisme renoue avec le caractère émeutier des premières semaines pour faire face à l’offensive répressive de Trump.

Ariane Anemoyannis

27 juillet 2020

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CRÉDIT PHOTO / ASSOCIATED PRESS

Face à la police fédérale, le mouvement se maintient et se radicalise

À deux mois de l’anniversaire de la mort par asphyxie de George Floyd, le mouvement ne faiblit pas. Au contraire, il connaît ces derniers jours un rebond important, qui éloigne les espoirs d’accalmie pour le gouvernement de Trump, déjà largement fragilisé.

C’est à Portland que se concentre cette nouvelle phase du mouvement, où la police fédérale a investi les rues pour réprimer les manifestants. En commençant par une ville à majorité blanche mais avec une importante communauté militante, Trump cherchait à briser le mouvement en divisant les secteurs de la gauche anticapitaliste traditionnelle et ceux issus directement de la lutte anti-raciste. C’est en effet cette alliance qui avait mené au caractère multiethnique, massif et hégémonique du mouvement, comme en ont attesté les grèves de solidarité des dockers de la côte Ouest ou celles des chauffeurs de bus.

Mais au contraire, la stratégie coercitive de Trump a davantage ravivé la colère et resserré les rangs des manifestants, indignant plus largement que les franges initiales (déjà historiquement massives). Désormais c’est partout dans le pays que se lèvent des barricades et où s’affrontent manifestants et forces de répression. De fait, la menace de Trump à propos des 75 000 policiers fédéraux qu’il se dit prêt à déployer dans le pays ne semble pas avoir résigné les manifestants. A Los Angeles, Seattle où encore Richmond, les manifestations se sont fait massives et les émeutes ont repris après des semaines de pacification. Face aux balles en caoutchouc et aux gaz lacrymogènes, de plus en plus de manifestants s’équipent et se protègent pour pouvoir résister à la répression. Il est fait même allusion à Hong-Kong et à ses méthodes d’auto-défense, et dans les villes américaines se déploient des rangées de parapluies pour contrer les grenades.

Sur le plan des revendications, les manifestants continuent de remettre en cause le rôle systémique de la police en exigeant pour certains son définancement total ou son démantèlement. Des maires africains-américain ont ainsi proposé un plan de réforme de la police, écartant d’entrée ces perspectives comme l’avait fait le candidat Biden]

À cent jours des élections présidentielles, la carte de la répression ne semble pas fonctionner pour un Trump particulièrement fragilisé

Le regain de mobilisation vient déstabiliser encore davantage Trump à cent jours des élections présidentielles, largement polarisées par la crise sanitaire, économique et anti-raciste. De fait, si Trump parvient à maintenir certains des secteurs les plus radicalisés de sa base électorale, qui multiplient attentats contre les manifestants à l’instar du meurtre d’un militant Black Lives Matter la semaine dernière, le Président peine à rassembler autour de lui. Des électeurs aux éminentes figures du Parti Républicain, les défections s’enchainent. Colin Powell, ancien secrétaire d’Etat et chef d’état major des armée, est ainsi la première figure Républicaine à prêter allégeance à un candidat démocrate. Une claque pour le résident de la Maison Blanche qui a voulu faire de la stratégie de Nixon "Law and Order" (loi et ordre) son mot d’ordre rassembleur, espérant faire une démonstration autour du déploiement national de la police fédérale.

Mais au-delà de la gestion coercitive du mouvement anti-raciste qui a choqué jusque dans ses rangs les plus fidèles, c’est la politique à l’égard de l’épidémie de Covid-19 qui fait décrocher Trump dans les sondages. De fait, les personnes les plus à risques (les plus de 65 ans) qui ont subi de plein fouet l’impréparation du gouvernement et la fragilité du système de santé représentent une part non négligeable de l’électorat républicain. Ainsi, le discours anti-protection qu’avait mis en avant Trump pendant les premiers mois de l’épidémie n’a pas séduit autant que prévu, en atteste le meeting raté à Tulsa le mois dernier. C’est en ce sens que le Président a du revenir sur ses positions conspirationnistes pour instaurer le masque obligatoire dans les lieux publics, admettant que l’épidémie allait "sûrement, malheureusement, empirer".

De plus, la crise économique qui frappe très gravement aux Etats-Unis fragilise un électorat composé de secteurs très précaires qui sont aujourd’hui en première ligne de la récession et du chômage de masse. De fait, les antagonismes de classe que révèle la séquence de crise multidimensionnelle rendent difficile le maintien d’une unité artificielle entre des secteurs patronaux pro-Trump et des franges prolétarisées et marginalisées de la population qu’il avait réussi à séduire par un discours populiste.

La dynamique émeutière du mouvement est donc une réponse de taille face au gouvernement. Le tournant répressif qu’opère ce dernier comme dernière carte à jouer avant les Présidentielles semble grandement compromise. Et si Biden semble bénéficier de la dégringolade de Trump dans les sondages, le regain de mobilisation doit être un appui pour ouvrir des perspectives plus ambitieuses et solides qu’une issue électorale au profit d’un candidat raciste et pro-patronal.


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