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Droit à l'avortement

États Unis. Pour les élections de mi-mandat, Biden cherche à coopter le mouvement pour le droit à l’IVG

Aux États Unis, la fin de la protection constitutionnelle du droit à l’avortement, le 24 juin dernier, a entraîné des mobilisations dans tout le pays. La question du rétablissement du droit à l’avortement est un enjeu important des élections de mi-mandat dont entendent bien profiter les démocrates. Pourtant, ces derniers n'ont jamais tenté de graver le droit à l’avortement dans la loi lorsqu’ils le pouvaient par le passé.

Mathias Lecourbe

14 octobre 2022

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Une manifestation pour le droit à l’avortement dans l’Etat du Michigan. Crédits Photo : Afp / Kowalsky

Aux Etats-Unis, les élections de mi-mandat approchent à grand pas et doivent se tenir dans moins d’un mois, le 8 novembre prochain. Ces élections qui renouvellent la composition des deux chambres du Congrès au milieu d’un mandat présidentiel sont un moment déterminant de la vie politique américaine. C’est d’autant plus le cas cette année, car ce scrutin fait suite au revirement de la jurisprudence historique de la Cour Suprême qui a choisi de ne plus protéger le droit à l’avortement au niveau fédéral. Le président démocrate Joe Biden avait immédiatement réagi à l’annonce de la décision en juin dernier en affirmant que « cet automne, Roe est dans les urnes [NDT : Roe désigne le droit à l’avortement, qui était protégé par la jurisprudence Roe v. Wade] ».

Le décision de la Cour Suprême avait fait énormément réagir dans un pays où près des deux tiers de la population est en faveur du droit à l’avortement. Des manifestations avaient éclaté aux quatre coins des États Unis, dans lesquelles la jeunesse était à l’avant-garde. Aujourd’hui, des mobilisations ont encore régulièrement lieu, en particulier dans les États qui reviennent sur le droit à l’avortement comme le Michigan, mais aussi dans les États démocrates, dans lesquels ce droit n’est pas remis en cause, où la jeunesse continue à manifester et à s’organiser en solidarité avec les autres États. Le 6 octobre dernier par exemple des milliers d’étudiants et de membres du personnel de l’université publique de New York ont manifesté pour les droits reproductifs.

Le parti démocrate entend bien tirer parti des mobilisations et du sentiment d’indignation très fort dans le pays du fait d’avoir perdu un droit aussi important pour la vie de millions de femmes et de personnes pouvant tomber enceintes. Le président Biden a tenu le 4 octobre dernier une rencontre à la maison blanche pour marquer les 100 jours depuis la décision de la Cour Suprême. Il a insisté sur l’horreur de la situation et a présenté le bilan des conséquences du revirement de jurisprudence : plus de douze États ont interdit l’avortement, affectant déjà 30 millions de femmes états-uniennes en âge de procréer. Des constats terribles qu’il dresse avant tout dans le but de mobiliser son électorat en l’invitant à faire barrage dans les urnes à la droite conservatrice.

En effet la jurisprudence Roe v. Wade protégeait le droit à l’avortement dans l’ensemble des États-Unis depuis 1973. Il s’agissait d’une protection constitutionnelle obligeant les États à garantir le droit à l’avortement pour le premier trimestre de grossesse, qui était toutefois profondément précaire puisqu’il suffisait qu’une majorité de juges de la Cour Suprême changent d’avis. Or les démocrates ont été au pouvoir à plusieurs reprises depuis 1973 et auraient très bien pu choisir de protéger plus fortement le droit à l’avortement par l’adoption d’une loi fédérale. Comme le rappelait une jeune féministe prenant la parole dans une manifestation à Detroit au mois de mai 2022, alors que des rumeurs circulaient déjà concernant un possible revirement de jurisprudence :

« Carter a eu une super-majorité permettant de contourner un veto de 1977 à 1979, et a conservé une majorité démocrate à la Chambre des Représentants et au Sénat de 1979 à 1981. Clinton a eu une majorité démocrate au Sénat et au Parlement de 1993 à 1995. Obama aussi a eu une super-majorité en 2009, et Biden a déjà à l’heure actuelle une majorité dans les deux chambres. Depuis 1973, les démocrates ont eu quatre mandats présidentiels et quatre opportunités de légaliser ou décriminaliser l’avortement. Comment puis-je faire confiance aux démocrates ? ».

Elle a par ailleurs rappelé qu’en 2007 déjà, Barack Obama disait que la première chose qu’il ferait en tant que président serait de signer un texte législatif légalisant l’avortement.

La polarisation autour du droit à l’avortement et la précarité de ce droit sont loin d’être des problèmes nouveaux aux États Unis, et en repoussant sans cesse son inscription dans la loi pour un prochain mandat les démocrates sont des responsables de premier plan de la situation actuelle. Comment leur faire confiance alors qu’ils agitent la légalisation de l’avortement comme une carotte électorale depuis déjà 50 ans ?

Dans cette situation les travailleurs américains ne peuvent compter que sur elles-mêmes et eux-mêmes et non sur leurs politiciens bourgeois. Seule une mobilisation massive permettra de faire plier les élus démocrates pour les contraindre à consacrer le droit à l’avortement dans la loi alors qu’ils préféreraient garder cette carte pour les prochaines élections, comme ils l’ont fait pendant 50 ans.

Alors qu’à l’heure actuelle les démocrates encouragent des mobilisations pour l’avortement à des fins électorales, il faut au contraire chercher à construire ces mobilisations en indépendance totale du Parti Démocrate et des autres partis bourgeois, en cherchant à mobiliser aux côtés de la jeunesse, le mouvement ouvrier car ce sont les travailleuses et les travailleurs qui seront le plus durement impacté.e.s par les attaques sur le droit à l’avortement, mais aussi parce que ce sont des travailleurs et des travailleuses par exemple de la santé, de l’éducation, des services sociaux qui seront exposées si elles refusent d’appliquer les lois réprimant l’avortement, et enfin parce que les grèves sont le moyen de pression le plus efficace face à l’État et au patronat.


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