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Échec du néo-réformisme

Européennes. Comment comprendre l’échec de La France Insoumise ?

« Echec », le mot est désormais repris et assumé par les députés et portes paroles de La France Insoumise. La liste LFI menée par Manon Aubry a obtenu 6,31 % des suffrages exprimés. En rapport aux élections présidentielles de 2017, le parti de Jean-Luc Mélenchon divise par 3 son score. Quid donc de l’analyse de cet échec.

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Crédits photo : Geoffroy VAN DER HASSELT / AFP

Avec un peu plus de 6 % des suffrages exprimés, la liste de la France Insoumise a essuyé une importante défaite aux élections européennes. En 5ᵉ position, la formation de Jean-Luc Mélenchon a échoué à se positionner comme la principale force d’opposition de gauche à Macron devancée par Europe Ecologie Les Verts menée par Yannick Jadot. Plus encore, c’est que même dans ses propres fiefs, à Marseille, La France insoumise n’a pas su convaincre : la liste menée par Manon Aubry n’a récolté que 8,23 % des suffrages exprimées, ce qui n’est pas très loin de son score national.

La désertion des électeurs LFI

L’échec de la France Insoumise est d’abord l’expression d’un désaveu important de la part de ses sympathisants comme de ses électeurs du premier tour de la présidentielle. Ainsi, selon un sondage, seulement 40% des sympathisants de LFI se sont rendus aux urnes dimanche. Parmi les électeurs de La France Insoumise de 2017, seul 47 % ont fait le déplacement aux urnes. A titre de comparaison, 62 % des électeurs de Fillon au premier tour de la présidentielle a participé mais reportant son vote sur une autre liste avec un vote massif pour LREM. 

Ainsi, le niveau de participation des sympathisants LFI comme de sa propre base électorale est à un niveau extrêmement faible au regard notamment des autres formations politiques. Plus encore, parmi les électeurs de La France insoumise au premier tour de la présidentielle, seul 36 % ont reconfirmé leur choix aux européennes. C’est aussi un report de voix non négligeable qui s’est effectué d’autres listes de gauche ou se réclamant de gauche. 17% d’entre eux ont choisi un bulletin EELV, 13% ont voté communiste, 7% ont voté pour le PS.

Un désaveu particulièrement important dans la jeunesse

Aux présidentielles comme législatives de 2017, c’était La France Insoumise qui avait séduit les électeurs de moins de 24 ans (30 %). Pour les européennes, les jeunes se sont massivement transférés vers la liste EELV menée par Yannick Jadot. « L’électorat de La France insoumise s’est rétréci vers son noyau dur. Les classes populaires semblent moins séduites et la liste réalise ses meilleurs scores avec les professions intermédiaires et employés », commente Fédérico Vacas de l’Ipsos. La jeunesse qui avait été moteur notamment en 2017 s’est donc reporté vers EELV, présent cette année aux élections européennes, dans le sillage des mobilisations sur la question écologique.

La cause : le caractère spécifique des élections européennes ?

Si certains à La France Insoumise rétorquent que ce revers est lié à la nature des élections européennes, cela ne peut tout expliquer. En effet, si en 2014 seul 46% des électeurs du Front de Gauche de 2012 avaient revoté pour Mélenchon, le contexte politique-social est somme toute totalement différent, avec un PS qui n’est plus que l’ombre de lui-même, et le mouvement La France Insoumise qui fort de son score de 2017 pouvait prétendre à être l’opposition politique à Macron, ou encore une conjoncture politique et sociale plus que favorable, avec un Macron aux pieds d’argile, et les Gilets jaunes, plus long mouvement social de l’histoire.

Ainsi, ces élections européennes ont vu une importante partie des sympathisants insoumis et des électeurs de Mélenchon du premier tour tourner le dos massivement à LFI, comme pour donner un signal politique.

LFI, un échec prévisible ?

Si l’ampleur de l’échec n’était pas annoncée d’avance, le naufrage de la France Insoumise était tout de même écrit. La France Insoumise a fait les frais de ses ambiguïtés stratégiques, politiques et programmatiques menant à une ligne politique floue et inaudible combinée à des faiblesses stratégiques structurante du mouvement, ainsi que de son intervention politique dans le mouvement des Gilets jaunes.

Cette illisibilité est le résultat, comme le développait Juan Chingo dans l’article « Le retour de la lutte des classes et les faiblesses de la France Insoumise », d’une navigation permanente entre deux options : le populisme de gauche d’une part et le retour à la tactique traditionnelle de l’alliance des gauches d’autre part.

La première option était celle privilégiée par Jean-Luc Mélenchon à la fondation de la France Insoumise, en 2016, qui cherchait à dépasser les référents traditionnels de la gauche en opposant un sujet politique – le « nous », ceux « d’en bas » – à un « eux » tout aussi flou « l’oligarchie ». Cette stratégie populiste – qui a pour corollaire l’abandon de toute référence à l’appartenance de classe – s’appuie sur la construction mythologique du « peuple », un sujet hétérogène sous la bannière duquel la France Insoumise cherchait à rassembler l’ensemble des secteurs populaires.

Si cette stratégie a été payante en 2017, elle n’a pas permis à la FI, en dehors de cette campagne présidentielle, de capitaliser sur le rejet de Macron. Depuis juin 2018, si officiellement, la France Insoumise continue à maintenir sa ligne populiste, la formation a commencé à opérer un tournant au travers notamment de l’alliance des ex-socialistes Maurel et Lienemann, commençant à poser les bases d’un retour à la vieille gauche. Un cartel des gauches qui, en termes d’électorat, représentait l’alliance sociale entre l’ensemble du salariat et une fraction de la classe moyenne, et qui a permis à la gauche institutionnelle d’arriver au pouvoir en 1981 ou en 2012.

Cette oscillation s’est traduite notamment par l’appel de Mélenchon à constituer une « fédération populaire », par le choix de Manon Aubry comme tête de liste – avec un profil et un discours compatible avec la gauche plus traditionnelle (à l’inverse d’un François Ruffin par exemple) -, mais également par l’évolution du discours sur l’Union Européenne, devenu bien plus modéré avec le temps. Ainsi, le discours synthétisé par « L’Union européenne, on la change ou on la quitte » en 2017, s’est peu à peu transformé en cette déclaration de Manon Aubry : « Le plan B, c’est d’instaurer un rapport de force pour renégocier les traités ».

Dès lors l’échec des européennes pourrait ouvrir une bataille fratricide entre les tenants des deux lignes. C’est d’ailleurs ce que reflètent les dernières prises de position de la députée insoumise Clémentine Autain appuyant l’abandon de la stratégie populiste au lendemain du scrutin, qui met en cause un « problème de ligne et de profil politique » qui a « pris trop de distance avec un discours de gauche ».

Le scrutin des Européennes vient également mettre en exergue une France Insoumise percutée par la radicalité d’un mouvement qui dure depuis plus de six mois, et sur lequel elle n’a pas su capitaliser, en plus de son orientation politique au sein du mouvement des Gilets jaunes. Les résultats électoraux de ce dimanche ont ainsi constitué une traduction des faiblesses stratégiques.

Ces résultats nationaux sont par ailleurs le reflet d’une dynamique européenne, qui a vu une percée des Verts et une débâcle généralisée des formations néoréformistes, telles que Syriza en Grèce (loin derrière la droite conservatrice) ou encore Podemos en Espagne (qui a dans le même temps perdu la mairie de Barcelone).


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