8 mars et après

Féminisme 100% révolutionnaire

Jane Mitchell

Féminisme 100% révolutionnaire

Jane Mitchell

Les femmes d’abord, sous le coup de l’oppression, mais aussi en première ligne contre la domination sexiste et contre le capitalisme patriarcal et racial.

Les femmes d’abord, toujours, et malheureusement pour elles.

Les plus pauvres parmi les 3,5 milliards des pauvres de la planète, les plus nombreuses parmi les refugiés en fuite, les plus concernées par le trafic d’êtres humains et le travail forcé – elles représentent 99% des victimes dans l’industrie du sexe, et 58% dans d’autres secteurs, selon l’OIT.

Les travailleurs les plus exploités et précarisés sont des travailleuses.

Partout opprimées et discriminées, toujours privés de leur droits - à commencer par l’IVG, comme en Argentine où 300 femmes meurent tous les ans dans des avortements clandestins - elles risquent souvent leur vie sous les coups de la violence machiste. Il y a eu, en France, depuis janvier, 30 féminicides, et quand bien même le terme n’existe pas dans le Code pénal.

Depuis quelque temps, néanmoins, les femmes sont les protagonistes d’une énorme mobilisation mondiale féministe, lancée par le réseau Ni una menos qui a appelé, encore une fois cette année, pour la troisième fois depuis 2017, à la grève internationale pour marquer la journée du 8 mars.

C’est notamment l’urgence de se révolter contre les violences faites aux femmes qui a déclenché cette nouvelle vague féministe venue du Sud qui a surgi en Argentine, en 2016, après le viol et le meurtre de Lucía Pérez, une jeune fille de 16 ans.

Depuis que le mouvement féministe a regagné le devant de la scène et que les femmes, partout – de l’Algérie au Brésil, en passant par l’Etat espagnol, la Pologne, la Turquie et la France – se sont montrées en première ligne dans les luttes, de nouveaux acquis et de nouveaux défis ont fait surface. Parmi les acquis, la conscience que la cause féministe demande plus que l’égalité des sexes ou des salaires et ne se résout ni résume par la somme des droits des femmes, que les féministes se doivent néanmoins de continuer à arracher et à défendre contre les constantes attaques du patriarcat. Parmi les défis, la vocation à étendre le combat féministe pour le transformer en le fer-de-lance du combat contre toutes les inégalités et les injustices existantes.
Un autre féminisme est possible, en somme. Mais lequel ?

« We want Bread, and Roses too ! ». C’est le slogan traditionnellement associé à la grève héroïque des ouvriers textiles de Lawrence, Massachussetts en 1912 ; une grève de neuf semaines dirigée par le syndicat des Industrial Workers of the World et menée majoritairement par des femmes, dont la plus part immigrées.

Les conditions de cette grève victorieuse d’il y a plus d’un siècle étaient tout à fait particulières : Lawrence était une ville « d’étrangers » et « d’étrangères ». 65% de la population résidait aux États Unis depuis moins de dix ans et ses habitants, qui travaillaient dans les usines textiles locales, étaient originaires de 51 pays. Des multiples langues s’y croisaient et s’y mélangeaient au point où, pendant la mobilisation ouvrière, les réunions nécessitaient des traductions constantes entre une trentaine d’idiomes. Après la proclamation d’une loi qui réduisait l’horaire de travail pour les femmes et les enfants de 56 à 54 heures par semaine, les travailleur.e.s de Lawrence voyaient leur salaire baisser en proportion. Inacceptable, dirent-ils et elles tou.te.s. Ensemble, ils et elles entamèrent la grève réclamant « du pain et des roses aussi ». Du pain et des roses aussi, donc, pour signifier la volonté de se battre pour de meilleures conditions matérielles mais également pour la dignité et pour la liberté.

Un féminisme du pain et des roses traduit alors, hier comme aujourd’hui, la conviction que les femmes peuvent et doivent exiger plus.

Il exprime l’ambition féministe à ne pas se contenter de l’émancipation des femmes dans un monde aliéné par l’exploitation et abruti par la domination raciste. Il dit, en même temps, la détermination d’une nouvelle génération des femmes à lutter pour une transformation radicale de la société contre le capitalisme patriarcal, racial et impérialiste et ses conséquences qui condamnent la majorité de l’humanité à une vie sans moyens et sans joie. Un féminisme sans compromis, sans raccourcis et 100% révolutionnaire.

Si l’insurrection féministe, qui depuis quelque temps n’a pas cessé de parcourir à nouveau et de secouer la planète, saura se montrer à la hauteur d’une telle conscience révolutionnaire, elle gagnera du pain, des roses et plein d’autres choses. Avec le courant international Pan y Rosas, nous entendons contribuer à relever ce défi.

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