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« Féminisme » réactionnaire. Pour le 8 mars Schiappa veut enrôler des femmes dans la police

A l’occasion de la journée internationale pour la lutte des droits des femmes, Marlène Schiappa, invitée sur le plateau de BFMTV, n’a pas hésité à faire l’apologie de la police en appelant les femmes féministes à rejoindre les brigades pour œuvrer à la protection des femmes. Alors que le 8 mars est traditionnellement une journée de lutte, la ministre en a volontiers détourné le sens à coups de discours sécuritaire.

Margot Vallère

9 mars 2021

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Crédits photo : Charles Platiau / Pool / AFP

Ce lundi matin et à l’occasion du 8 mars, l’ex-secrétaire d’Etat à l’égalité femme homme Marlène Schiappa était à l’honneur sur le plateau de Jean Jacques Bourdin où elle s’est exprimée sur divers sujets. Devenue depuis juillet 2020 ministre déléguée chargée de la citoyenneté attachée au Ministère de l’Intérieur, cette dernière entend incarner le tournant sécuritaire et xénophobe du gouvernement tout en y apportant un cachet féministe. Elle s’était particulièrement bien exprimée aux côtés de Gérald Darmanin lors de la présentation de la « loi séparatisme » qui vise expressément la communauté musulmane et l’érige en ennemie de la République et de la cause féministe.

Dans son entretien d’une vingtaine de minutes, Marlène Schiappa sert un discours empreint du discours réactionnaire porté par le gouvernement depuis quelques mois, mais alors qu’on pourrait s’attendre à ce qu’elle s’exprime largement sur la question des femmes et de leur situation dans la crise sanitaire et économique, cette dernière n’aborde le sujet qu’au bout de six longues minutes de discours islamophobe et d’instrumentalisation de l’affaire des deux professeurs accusés d’islamophobie à Sciences Po Grenoble. Elle ne manque d’ailleurs pas de les ériger en victimes et d’établir le parallèle avec Samuel Paty.

A cette occasion, cette dernière nie l’existence même de l’islamophobie comme forme d’un racisme spécifique envers les musulmans et des musulmanes en annonçant ne plus utiliser ce terme car ce dernier serait « trop souvent instrumentalisé », préférant utiliser le terme de « racisme ». Si elle ne précise pas par qui, cette annonce est absolument révoltante dans un contexte où les attaques gouvernementales à l’encontre les musulman.e.s ou prétendu.e.s comme tel.les se multiplient à des fins sécuritaires et racistes. Elle-même s’y illustre particulièrement bien en ayant présenté la « loi séparatisme » visant expressément « l’islamisme radical » ou en ayant mené, à l’instar de nombreux membres du gouvernement, une lutte contre le port du voile dans l’espace public, l’interdiction des certificats de virginité et les mariages forcés. Autant de pratiques associées expressément à une culture exogène et musulmane.

Lorsque Marlène Schiappa aborde enfin la question du féminisme et de la journée de lutte pour les droits des femmes, c’est seulement pour adresser quelques mots de soutien à toutes les femmes qui se mobilisent aujourd’hui. Si elle reconnaît la situation difficile dans laquelle se trouvent des milliers de femmes que la crise a pu plonger dans la précarité, la ministre déléguée ne s’attarde pas longtemps sur le sort de la majorité des femmes travailleuses. Elle ne propose par ailleurs aucune nouvelle mesure quant à la situation des femmes mais préfère présenter son plan de féminisation du ministère de l’Intérieur qu’elle a préparé avec son acolyte Gérald Darmanin.

Car pour Marlène Schiappa qui sert, depuis le début du quinquennat Macron, de caution féministe à une politique qui s’est avérée de plus en plus répressive et xénophobe, le véritable enjeu du féminisme ne se trouve pour elle pas dans la rue aux côtés des travailleuses qui se battent pour leurs droits, mais bien dans les hautes sphères, aux côtés des patrons et des patronnes, qu’elle déplore trop peu nombreuses. Dans un entretien qu’elle a donné au magazine « Madame Figaro » datant du 6 mars, Marlène Schiappa annonce avoir choisi la date du 8 mars pour mettre l’accent sur l’empowerment des femmes car il s’agit selon elle d’un « enjeu important » et que « les métiers de force de l’ordre ont longtemps été réservés aux hommes ».

Elle a par ailleurs annoncé le lancement d’une campagne s’adressant aux femmes et particulièrement à celles qui, selon sa propre définition, se revendiqueraient du féminisme, en leur proposant de rejoindre la police ou la gendarmerie afin de poursuivre leur engagement contre les violences conjugales. Après avoir félicité la police de mener près de « 400 interventions par jour » pour protéger les femmes, elle invite toutes celles qui le souhaitent à rejoindre cette formation ainsi qu’à terme, l’équipe qui s’occupe de protéger les femmes sur le terrain. Pourtant, la police est bien loin d’être une institution à même de pouvoir régler les violences sexistes et sexuelles, et bien loin d’être une institution promouvant l’égalité entre les hommes et les femmes. Bien au contraire, c’est une institution qui reproduit en son sein les schémas raciste et sexiste de la société capitaliste. A contrario de Marlène Schiappa qui mobilise une rhétorique féministe à des fins racistes et réactionnaires, il s’agit pour les femmes de refuser de mettre leur émancipation entre les mains de la police, cette même police qui refuse bon nombre de plaintes pour violences sexistes et sexuelles, parfois en accompagnant ces refus de remarques sexistes ou encore cette même police qui a réprimé la manifestation nocturne du 8 mars l’année dernière.

En réalité, le « féminisme » néo-libéral de Marlène Schiappa s’inscrit dans une logique positiviste, répressive et xénophobe allant dans le sens de la politique du gouvernement Macron. En plus de se placer ouvertement du côté des dominants dans sa prétendue lutte contre le sexisme, que ce soit en imposant des quotas dans les principales institutions ou en encourageant les femmes à l’empowerment, elle s’adresse aux « cadres, aux dirigeants, aux entrepreneures, comme elle le rappelle dans son entretien à Madame Figaro, ->https://madame.lefigaro.fr/societe/marlene-schiappa-on-na-pas-a-sexcuser-de-diriger-010321-195408] elle encourage les femmes à rejoindre la police pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles.

A l’inverse du féminisme raciste et réactionnaire que nous sert le gouvernement, il est primordial, dans une période où le gouvernement multiplie les déclarations et les projets de lois ouvertement islamophobes et sécuritaires, de s’opposer à ces projets, de dénoncer cette instrumentalisation du féminisme à des fins racistes et xénophobes. Il est également primordial de rappeler que la libération des femmes viendra des femmes elles-mêmes, et non de ce gouvernement et de la classe dominante.


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