Comme au temps de la dictature

Grèce. Vio.Me. attaquée en temps de pandémie

Benjamin Russ

Grèce. Vio.Me. attaquée en temps de pandémie

Benjamin Russ

L’Etat grec profite du confinement pour s’attaquer Vio.Me, emblématique usine sous gestion ouvrière de Thessalonique, en Grèce, qui fabrique des produits détergents, en coupant l’électricité. Un cadeau en période de crise pour les anciens propriétaires.

crédit photo : O Phil des contrastes

Depuis deux semaines, ils n’ont plus de courant. Le 30 mars, à 6h30 du matin, l’entreprise d’électricité publique DIE, avec l’appui de deux équipes de la police anti-émeute grecque, a coupé l’électricité de la coopérative autogérée Vio.Me. Au milieu d’une pandémie, ces faits illustrent les intérêts défendus et représentés par l’Etat.
En effet, les anciens propriétaires de l’usine, la famille Filippou, veulent vendre le site au plus offrant depuis plusieurs années. En travers de leur route, les travailleuses et les travailleurs de l’usine. Ils ont barricadé les accès à l’usine et se battent tant juridiquement que politiquement contre la vente du site.

Au cours de la crise financière de 2008, la société-mère qui détient Vio.Me. (Viomichaniki Metalleftiki), la Filkeram AG est passé dans le rouge et a dû fermer. Cela ne signifiait rien d’autre que le chômage pour des centaines de travailleurs. Trente d’entre eux ont refusé la fermeture. Ils ont occupé l’usine qui, à l’origine, produisait du matériel de construction, ont reconverti la production et produisent maintenant depuis 2013, par eux-mêmes, du savon et des produits d’entretien selon des critères écologiques. Les produits sont vendus au prix de production, qu’ils calculent d’après une planification de la production pour assurer la rémunération des travailleurs de l’usine. Un combat remarquable dans une région industrielle autrefois effervescente qui ne produit aujourd’hui presque plus rien. Partout où l’on porte le regard, de vieux bâtiments d’usine, vides, et des entreprises fermées. Vio.Me., en revanche, continue de produire.

Dans un communiqué publié sur leur site, les travailleurs de la coopérative écrivent : « Ils ont coupé l’électricité sous prétexte que nous sommes illégaux. Voici le crime que nous avons commis ces dernières semaines, depuis le début de la pandémie : nous produisons des savons pour les envoyer au camp de réfugiés de Moria, sur l’île de Lesbos, à des gens qui n’ont pas la possibilité de se les procurer. Nous fabriquons des produits nettoyants pour les envoyer dans les prisons que l’État laisse à la merci de la pandémie. Et bien sûr, nous avons continué à produire du savon pour le mettre à la disposition des familles qui n’ont pas le droit d’être protégées contre le virus, puisqu’elles s’entassent sur les lieux de travail pour générer les profits de ceux qui détiennent le pouvoir. »

Pour redémarrer la production de savon, l’alimentation électrique est essentielle. Bien que la police se soit retirée, la situation reste tendue. Plusieurs cycles de négociations pour la vente du terrain ont eu lieu, en vain. A l’approche de la crise économique, les propriétaires sont de plus en plus nerveux et ont fait monter la pression, avec l’aide de l’exécutif, contre les travailleurs. Dans une interview, Makis Anagnostou, membre de la coopérative et représentant du syndicat de l’entreprise souligne combien en « plein cœur de la crise les attaques contre les droits des travailleurs s’accroissent et cette intervention au petit matin rappelle les interventions du temps de la dictature militaire. » Pour reprendre l’activité, les travailleurs ont aujourd’hui besoin de générateurs, pour pallier la coupure de courant. Ils comptent les obtenir en organisant des collectes de dons.

Saboter une production auto-gérée de produits d’entretien « verts », en pleine crise sanitaire et écologique pour défendre la fortune des propriétaires est un crime de l’Etat bourgeois contre notre classe. L’attaque de l’Etat et de ses exécutants est une attaque contre la solidarité prolétarienne. Les produits de Vio.Me. sont essentiels pour les habitants de la région et cette entreprise récupérée par les travailleurs nous montre que nous sommes en capacité de produire selon nos besoins.

Notre solidarité va tout entière aux travailleurs en lutte de Vio.Me. Nous appuyons leur revendication du rétablissement immédiat du courant par la compagnie publique avec un compteur électrique à leur nom portant le numéro d’identification fiscale SE.VIOME et la légalisation complète de l’usine pour lever les obstacles à la production. En ce sens, comme le revendiquent les ouvriers, la famille Filippou, qui a soutenu ouvertement l’action de l’exécutif grec et n’agit que dans son intérêt propre, doit être expropriée et le site remis aux travailleurs.

[Trad. Charles Bonvalet.]

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