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Témoignage

Grève des infirmiers anesthésistes : « Hier, nous étions des héros, aujourd’hui nous sommes méprisés »

Depuis 3 semaines désormais, les infirmiers anesthésistes ont débuté un mouvement de grève national pour la reconnaissance de leur métier et de meilleures conditions de travail. Nous avons interviewé Éric Tricot, infirmier anesthésiste en Île-de-France et syndicaliste à Sud Santé AP-HP.

Petra Lou

17 novembre 2021

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Depuis trois semaines, les infirmiers anesthésistes ont débuté une grève nationale, l’île de France a débuté une semaine plus tard. « Dès qu’ils ont su que l’Île-de-France raccrochait les wagons du mouvement, ça a été un soulagement car deux semaines de grève peut être très difficile, financièrement notamment » nous explique l’infirmier.

« Pour être infirmier anesthésiste, il faut avoir travaillé deux ans, après une formation longue, puis retourner deux ans à l’école. Sans compter les deux ans de formation professionnelle, en réalité, c’est un Bac+5. Aujourd’hui notre travail n’est pas reconnu à la hauteur de notre niveau de formation, avec une différence entre un niveau et un grade master. C’est de la sémantique mais ça nous empêche d’avoir une reconnaissance sur le plan financier. » témoigne Eric Tricot.

Avec la crise covid, le corps soignant et hospitalier en général a été en première ligne. Hier érigés en héros, aujourd’hui méprisés, l’infirmier anesthésiste témoigne d’une situation alarmante, notamment avec des déserts médicaux de plus en plus présents : « Les hôpitaux sont en sous-effectif, et maintenant on fait face à une logique comptable : emploi et salaire sont devenus une logique d’ajustement économique ; l’hôpital est devenu une entreprise ». Il ajoute : « Avec le covid, il y a un corps de métier qui a été mis en avant car très demandé par les soins, c’est l’infirmier anesthésiste, par les multiples casquettes et rôles qu’il était capable d’assurer : bloc opératoire, pédiatrie, réanimation, pharma, urgences, gériatrie.... car grâce à son cursus il répond à toutes les formations. C’est usant mais c’est prenant ! C’est un corps de métier très sollicité plus que du raisonnable parce qu’il a fallu faire face à l’afflux de victimes qu’il y avait. »

Un autre élément qui a suscité la colère des infirmiers anesthésistes, appelés aussi les « IADE », c’est le Ségur. Car celui-ci n’a, distribué que des miettes, voire rien du tout.

« Au-delà de ces réunions qui n’ont abouti à rien du tout, même si 183 euros par mois en plus, on va pas cracher dessus, ça reste ridicule. Alors que l’Allemagne est pointée du doigt de sa gestion sanitaire, nous on est moins payés que les infirmiers là bas ! Dans un contexte sociétal où le pouvoir d’achat ne cesse de baisser, les loyers augmentent, en Île-de-France, les personnels n’habitent quasiment jamais sur Paris, mais en banlieue parisienne, donc on rajoute une heure de transports, ce qui rajoute toujours plus à l’épuisement, à des situations de burn out … Les infirmiers anesthésistes sont essorés, pressurisés, par ces conditions de travail déplorables. Il y a encore des métiers qui n’ont pas été reconnu dans le Ségur, dont les infirmiers anesthésistes. C’est le cas avec Véran, Buzyn avant et puis même depuis Bachelot ! Le Ségur est arrivé et ça a accouché de rien du tout : le gouvernement ne veut pas nous reconnaître en pratique avancée, ne veut pas nous donner la reconnaissance de notre autonomie, comme si on ne prenait pas le patient dans l’intégralité. C’est une méconnaissance totale de notre métier ! »

Pour ces raisons, le personnel IADE a décidé de sortir dans la rue. Pour cette raison, ils appellent à une manifestation nationale le jeudi 25 novembre, malgré les difficultés imposées par les services minimum et les réquisitions : « 95% du personnel est en grève en Île-de-France. Pour être sûrs qu’on puisse avoir une expression de rue la plus complète le 25 novembre, on a exigé des directions et chirurgiens qu’il y ait un bloc mort ou effectif comme le weekend, à savoir 2 IADE contre presque 23 le weekend. »

Pour conclure, Éric Tricot raconte, exaspéré, que cette situation est le résultat de toutes les coupes budgétaires menées par les gouvernements successifs : « Ça fait 30 ans que les gouvernements coupent les budgets et détruisent les services publics de santé parce que l’hôpital est devenu une entreprise comptable, on vous donne une enveloppe, vous devez faire avec, et sinon on vous donne une amende. […] Il y a eu les canicules, les grippes, … d’années en années l’enveloppe budgétaire ne fait que baisser et donc de fait les gens sont de plus en plus démotivés. Le covid a été la cerise sur le gâteau. Résultat, énormément de personnel a quitté le navire »

Quant à l’obligation vaccinale, sa position est très claire : « Je suis pour la vaccination, car j’en ai marre d’enterrer des patients. Mais je m’oppose fermement à la politique de Macron. » Encore une fois, si les hospitaliers étaient érigés hier en héros, ils sont aujourd’hui méprisés, voire criminalisés. S’il faut exiger le vaccin pour tous, avec la levée des brevets, la politique liberticide de Macron est inacceptable. Et plus que jamais, parce que le tout-vaccinal a des limites, il faut immédiatement exiger des moyens massifs pour la santé publique.


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