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Augmentez les salaires !

Grève le 1er juillet à Roissy : "Une bataille ne se gagne pas en une journée, il faut se coordonner !"

Les salariés de l’aéroport de Roissy étaient à nouveau en grève ce vendredi 1er juillet, pour 300€ d’augmentation de salaire. Deuxième grosse journée de mobilisation dans l’aéroport le plus important de France.

Arthur Nicola

1er juillet 2022

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Les grèves ont deux visages : le visage officiel, vu à la télévision, des grévistes qui manifestent pour leurs salaires, qui dénoncent les baisses de salaires, et les conditions de travail de plus en plus difficiles, comme à Roissy Charles De Gaulle ce vendredi 1er juillet. Et il y a l’envers de la médaille : des salariés qui cumulent deux emplois pour joindre les deux bouts, des parents qui sont à découvert le 10 du mois et d’autres qui confient le cœur serré ne plus pouvoir emmener leur enfant au cinéma. Roissy Charles de Gaulle et les grévistes qui l’ont partiellement bloqué une deuxième fois en moins d’un mois ne manquent pas à la règle : si, de l’aveu général des salariés, l’aéroport était il y a quinze ans un synonyme d’emploi stable et de rémunération correcte, il est aujourd’hui synonyme de misère, de sous-effectifs et souffrance pour beaucoup de salariés.

« 300€ c’est un plein et un caddie »

Pour la deuxième journée en moins d’un mois, les salariés de l’aéroport parisien se sont donc mis en grève, pour obtenir une revalorisation des salaires de base de 300€ : une « nécessité » pour les uns, une « revendication légitime » pour les autres. Pour Manuel, pompier chez Aéroports de Paris et syndiqué chez Force Ouvrière, cette augmentation est « indispensable, du fait des pertes de salaires dues au Covid, aux mesures d’austérité salariales imposées à tous les salariés de la plateforme, et du fait de l’inflation, qui fait qu’aujourd’hui les salariés sont en difficulté, et parfois se demandent s’ils vont continuer à venir travailler pour de si bas salaires ». Il faut dire que pendant les deux années de Covid, les entreprises ont licencié à tour de bras : 7500 suppressions de poste chez Air France, 700 postes à AdP, et près de 30 000 postes qui étaient sur la sellette pendant la crise. En parallèle, des pertes de salaires dues au chômage partiel ou dues à des accords imposés par les entreprises comme chez AdP, où des salariés ont perdu entre 15% et 25% de leurs salaires.

Loïc, lui aussi chez Aéroports de Paris, contrôle la sécurité des agents sur les pistes et il n’en peut plus : « on en a assez des salaires bas et de se faire acheter par des primes de temps en temps parce qu’on gueule. 300€ c’est quoi ? un plein d’essence et un cadi ! C’est à peine assez pour finir le mois ». Tout semble dit.

« Il n’y a jamais eu autant de milliardaires, de profits, de bénéfices ! »

Face à la misère des salariés, l’opulence du patronat aéroportuaire dégoûte. Alors que ce dernier n’a cessé de demander aux salariés de se serrer la ceinture pendant le Covid, la reprise du trafic aérien, qui les a eux-mêmes surpris, leur permet aujourd’hui de verser à nouveau de généreuses dividendes à leurs actionnaires. « A Aéroport de Paris, on refait des bénéfices pour la première fois depuis trois ans, et on donnera 80% des bénéfices aux actionnaires » regrette Manuel. Chez tous les grévistes, la détestation patronale semble aller crescendo : « il n’y a jamais eu autant de milliardaires, de profits, de bénéfices, et nous on n’a jamais été autant dans la merde et dans la misère » dénonce, au micro, Mohammed, salarié dans un sous-traitant autrefois intégré à DHL.

Pour tous, la bataille dépasse une simple bataille salariale. Pour beaucoup de salariés, il s’agit d’une grève pour la « dignité » : pour les salariés de la sureté comme de la propreté, et pour beaucoup de sous-traitants qui vivent constamment les reprises d’entreprises et les dégradations de conditions de travail qui vont avec, la revendication de 300€ est devenue un point d’orgue, une « bataille pour la dignité », comme l’explique Mohammed.

Unir les salariés derrière une même revendication : 300€ pour tous et toutes

La revendication des 300€ résonne dans toutes les interventions des grévistes, qui ont collectivement décidé de cette revendication unique pour rassembler tous les salariés. Il faut dire que face aux grévistes, Roissy apparaît comme un monstre tentaculaire : 90 000 salariés avant le Covid, 800 entreprises, et autant de patrons. D’où l’idée d’avancer une seule et même revendication. Cette revendication semble porter en partie ses fruits : Nordine, délégué syndical chez Transdev Aéropiste se réjouit de voir «  de nouvelles têtes et de nouvelles entreprises mobilisées  », comparativement à la première journée du 9 juin.

De nombreux autres secteurs de salariés mobilisés pour leurs salaires sont venus soutenir les grévistes. C’est le cas de Laura, cheminote au triage du Bourget (93), pour qui «  cette grève est exemplaire pour une simple raison : les patrons ont une devise, c’est diviser pour mieux régner, et à Roissy ils ont fait tout le contraire : s’unir pour gagner ». Cette revendication de 300€ semble par ailleurs faire son chemin dans d’autres secteurs, comme celle de la chimie : Paul, raffineurs chez Total confie de son côté que si les grève de Total qui a eu lieu le 24 juin dernier a repris la revendication des 300€, c’est grâce à Roissy : « vous semez des graines les camarades » explique-t-il au micro. Des étudiants eux aussi venus de Paris, avec le collectif étudiant Le Poing Levé : « c’était important de venir les soutenir parce que pour nous c’est une démonstration de la marche à suivre dans la lutte dans la jeunesse. Chez les étudiants, on est un sur deux à devoir travailler pour payer nos études à avoir des jobs ultra précaire où on gagne le SMIC ou moins que ça, et c’est exemple à suivre  » explique Alexis, étudiant à l’université Paris 8.

Une journée de grève qui en appelle d’autres

« Une victoire ne se gagne pas en une bataille, il faut so’rganiser à la base et se coordonner » nous dit, sourire aux lèvres, Nordine. Les syndicalistes sont conscients qu’avec seulement 1 vol sur 6 annulés sur Roissy ce 1er juillet contre 1 sur 4 le 9 juin, la grève n’a pas rassemblé autant que voulue. « On a pas baissé mais on a pas augmenté non plus » explique le syndicaliste, pour qui le patronat a mené, depuis un mois déjà, un travail de division entreprise par entreprise. En effet, dans certaines d’entre elles, des négociations salariales ont été remises à l’ordre du jour, en proposant, des primes ou des intéressements. Dans le secteur de la sureté aéroportuaire, qui était particulièrement mobilisé le 9 juin et qui avait continué le mouvement de grève au-delà de celle-ci, de l’aveu de certains grévistes, des syndicats comme Force Ouvrière ont mené une campagne active contre la grève. Autant de difficultés auxquelles les grévistes vont devoir faire face. Une nouvelle journée de grève devrait avoir lieu le 14 juillet, et une intersyndicale devrait se tenir lundi prochain.

Certains secteurs devraient cependant continuer la grève demain, dans certaines entreprises de la sureté et du « passage », c’est-à-dire les salariés qui accompagnent les passagers au travers des différents contrôles. Si la solution pour obtenir les 300€ sera évidemment d’unir encore plus de salariés dans le mouvement, c’est aussi en dépassant les frontières de Roissy que pourrait se trouver la solution : alors que la SNCF, la RATP, de nombreux aéroports français, mais aussi des services de transports en commun sont régulièrement en grève depuis plusieurs semaines, la réunion de tous les grévistes du secteur des transports est plus que jamais à l’ordre du jour, selon Laura « Aujourd’hui, en tant que cheminots on est appelés à faire grève le 6 juillet, dans 5 jours, alors qu’on aurait pu taper tous ensemble aujourd’hui ! dénonce la cheminote. C’est une honte que les directions syndicales n’arrivent pas à nous appeler à la grève avec un plan de bataille, donc c’est un travail qu’on va devoir faire à la base. L’inflation ne va pas s’arrêter, et cela va être de pire en pire. A la rentrée il va falloir qu’on tape tous ensemble, qu’on se coordonne à la base : travailleurs des raffineries, de Roissy, cheminots, etc. »


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Arthur Nicola

Journaliste pour Révolution Permanente.
Suivi des grèves, des luttes contre les licenciements et les plans sociaux et des occupations d’usine.
Twitter : @ArthurNicola_

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