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Révolte en Amérique Latine

Guatemala. Manifestations massives contre le président Giammattei et son budget pour 2021

Le samedi 21 novembre, des manifestations massives ont éclaté au Guatemala suite au vote du budget 2021, qui privilégie les intérêts du secteur privé. Des manifestations qui ont terminé avec un Parlement guatémaltèque en flammes et qui se sont poursuivies le dimanche, jusqu’à faire reculer le Congrès.

Lucia Nedme

24 novembre 2020

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Plus de 10 000 personnes se sont rassemblées samedi matin, dans le centre historique de la capitale du Guatemala, devant le siège du gouvernement, pour affirmer leur rejet de l’administration de Giammattei et son budget de 2021.

Un budget qui représente le plus haut budget de l’histoire du pays atteignant les 99.700 quetzales (environ 11 milliards d’euros), qui serait financé par la dette publique, et servira à augmenter les moyens alloués au secteur privé sans contrepartie aucune pour la santé ou l’éducation. Ce dernier a été, par ailleurs, voté par le congrès sans que tous les 160 députés aient accès au document en entier et dans une seule session parlementaire.

La manifestation du samedi a été convoquée contre ce qu’au Guatemala on appelle le « pacte des corrompus » -une alliance capitaliste entre figures politiques et le secteur du privé ainsi que les mafias du trafic de drogue- qui a été au coeur du pouvoir du pays jusqu’à la démission du président Otto Perez Molina en 2015, suite à des accusations de corruption. Un pacte qui revient aujourd’hui au devant de la scène avec ce budget validé par le Congrès, qui non seulement ne répond pas aux besoins de la population mais facilite les négociations entre quelques représentants du pouvoir et le secteur privé.

C’est au cours de la journée du samedi que la manifestation se radicalise et s’en prend au Parlement pour se faire entendre, enflammant une partie de l’édifice. Une prise symbolique qui démontre un ras le bol généralisé de la population, notamment des jeunes, d’être gouvernés par des institutions totalement corrompues et vendues aux intérêts de la bourgeoisie. En effet, sur Franceinfo, un jeune prend la parole pour dénoncer tout ce qui se passe au Guatemala : “Le Guatemala pleure du sang. Le peuple en a assez d’être piétiné depuis plus de 200 ans”, montrant une radicalisation de la jeunesse et un rejet de l’avenir offert par le gouvernement, avec également des banderoles qui reprennaient la célèbre phrase « Je préfère mourir en tant que rebelle plutôt que vivre en tant qu’esclave ».

Cette mobilisation s’inscrit également dans un contexte de mécontentement généralisé contre le gouvernement de droite « Vamos » et la situation économique amplifiée par la pandémie et par les ouragans Eta et Iota qui ont provoqué 60 morts et des dizaines de disparus, détruisant les récoltes desquelles dépendent beaucoup de familles guatémaltèques. Tout cela dans un pays où 59,3% de la population -de presque 17 millions d’habitants- vit dans la pauvreté et où la malnutrition infantile impacte presque la moitié des enfants de moins de 5 ans.

Face à un mouvement déterminé à avancer, le gouvernement obligé de reculer

La mobilisation a continué le dimanche, en se radicalisant et en demandant la démission du président Giammattei, en réponse à la répression déployée contre la manifestants la veille où les forces de police avaient interpelé 20 personnes et jeté des gaz lacrymogènes qui ont atteint des enfants et qui a fini avec une cinquantaine de personnes hospitalisées.

Ce même jour, le président, totalement démuni, a publié un communiqué appelant au dialogue et assurant que «  les actions violentes de samedi étaient le fait de groupes minoritaires qui cherchent à imposer un coup d’Etat  »-. Tout en essayant de continuer à criminaliser les manifestants-, il ajoute que ce n’est « qu’à travers le dialogue et le rassemblement que notre pays pourra surmonter les défis qu’il affronte aujourd’hui ».

Face à la radicalité des mobilisations massives de ce week-end, le gouvernement n’a pas eu d’autre choix que de reculer. C’est ainsi que ce lundi matin, Allan Rodriguez, président du Congrès a annoncé la décision de faire marche arrière dans l’approbation du budget de 2021 pour “pour être en mesure de maintenir la gouvernance du pays et la paix sociale”. Un fait qui démontre finalement la fragilité du gouvernement et la crise politique qu’il traverse.

Crise politique au Guatemala : un spectre hante l’Amérique latine ?

Ces manifestations montrent que les institutions sont profondément questionnées. L’exécutif se trouve d’autant plus fragilisé par des disputes internes, avec un vice-président qui demande au président de présenter sa démission. Une illustration de la crise politique que traverse le régime et dont il aura du mal à se remettre.

Tout comme au Pérou ou au Chili, c’est la jeunesse qui est à l’avant-garde des luttes contre les mesures d’austérité imposées par des gouvernement néolibéraux totalement corrompus. Outre cette détermination de la part de la jeunesse, les peuples indigènes sont également au devant de ces mobilisations, un secteur majoritaire, très ignoré, et d’autant plus impacté par la crise économique et les catastrophes naturelles, comme celle qu’a connu la Bolivie.

Le Guatemala s’ajoute ainsi à toutes les explosions sociales qui émaillent aujourd’hui l’ensemble de l’Amérique Latine comme au Chili, en Colombie, en Equateur et au Pérou. Et même si ces mobilisations manquent encore d’une véritable organisation des travailleurs, elles illustrent le ras-le-bol d’une population qui relève la tête et refuse de se voir imposer les projets de la bourgeoisie.


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