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Université

IEP de Grenoble : un rapport condamne l’UNEF et blanchit les profs aux propos islamophobes

Le rapport de l’IGESR (Inspection Générale de l’Education, du Sport et de la Recherche), missionné par Frédérique Vidal, réduit les propos islamophobes des professeurs de l’IUT de Grenoble à un « jeu de provocation » et exige des sanctions à l’égard des militants de l’UNEF.

Alexis Taïeb

19 mai 2021

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Source photo : AFP

Une polémique alimentée par les politiques réactionnaires

En février dernier, au sein de l’IEP de Sciences-Po Grenoble, Vincent Tournier, professeur tenant un cours sur l’islam, exigeait que plus aucun étudiants syndicalistes ne mettent « les pieds dans son cours » après que ces derniers, ayant eu écho de propos islamophobes d’un autre professeur, aient lancé un appel à témoignages dans le cadre d’une enquête sur l’islamophobie.

Dans le cadre de la préparation d’un séminaire intitulé « semaine de l’égalité » organisé par l’IEP et les étudiants, un professeur avait pris position contre l’évocation de l’islamophobie. Secondé par un autre professeur venu à sa rescousse, cette polémique avait été l’occasion de déclarations scandaleuses des deux hommes, affirmant par exemple que l’islamophobie serait « une notion fourre-tout et inventée de toute pièce comme arme idéologique dans une guerre mondiale menée par des "Fou de Dieu" (au sens littéral) contre les peuples "impies", notion qui semble avoir envahi de nombreux cerveaux », mais également que l’un d’eux n’avait « personnellement aucune sympathie pour l’islam en tant que religion ».

Vincent Tournier, par le prisme d’une rhétorique réactionnaire avait assimilé la dénonciation de l’islamophobie à de l’islamisme. Ainsi : « associer l’IEP de Grenoble au combat mené par des islamistes, en France et dans le monde, et de surcroît au moment où le gouvernement vient de dissoudre le CCIF, mais vous devenez fous ou quoi ? ». Quelques temps après ces événements, des militants avaient dénoncé et affiché le nom des professeurs en question sur les murs de l’IEP. Une action relayée sur les réseaux sociaux de l’UNEF.

Entre temps, malgré la suppression par l’UNEF de sa publication, une campagne réactionnaire avait eu le temps d’éclater sur les réseaux sociaux. L’UNI, la Cocarde, la député LREM Aurore Bergé, ou encore Marine Le Pen en profitaient pour exiger en chœur la dissolution de l’UNEF. C’est dans la continuité de ces événements que l’Inspection Générale de l’Education, du Sport et de la Recherche (IGESR), missionnée par Frédérique Vidal est revenu sur l’affaire dans un rapport. Celui-ci prend fait et cause pour la version de l’institution et contre les syndicats étudiants, cautionnant ainsi ouvertement les propos islamophobes.

Un rapport complaisant avec l’islamophobie

Dans le rapport la polémique est réduite à une « controverse » entre professeurs « qui tourne à un règlement de comptes orchestré par une organisation étudiante ». Pour l’administration, l’enquête menée et les témoignages recueillis ne permettent pas « d’accréditer les rumeurs d’islamophobie de M. A et M. B ».

En revanche, le rapport n’hésite pas à exiger des sanctions à l’égard des militants syndiqués au sujet d’une précédente affaire de violences sexuelles ou sexistes, que ces derniers avaient dénoncé sur les réseaux sociaux : « Pour la mission, des mesures disciplinaires doivent désormais être prises sans attendre car les graves accusations diffusées par des membres de l’US sur les réseaux sociaux à l’encontre de certains étudiants de l’Institut sont d’une violence inouïe et relèvent du harcèlement ».

Enfin, le rapport tranche et stipule qu’au vue des « circonstances très particulières de l’espèce, la mission estime qu’il serait inopportun de prononcer une sanction disciplinaire à son encontre. La mission recommande donc que M.A fasse l’objet d’un dernier rappel solennel et ferme à ses obligations de fonctionnaire par la directrice de l’IEP ».

Ainsi, suivant la même logique scandaleuse, le rapport demande la condamnation des étudiants de l’UNEF : « ces accusations sur les réseaux sociaux à l’encontre de deux professeurs de l’établissement et, pour ce qui concerne les élus étudiants de l’US, par méls adressés à la direction de l’établissement, que le juge pénal pourrait qualifier de délits de diffamation et d’injure (publiques lorsqu’elles sont diffusées sur les réseaux sociaux, privées lorsqu’elles sont adressées par mél à des personnels de l’établissement) et, s’agissant de M.B, de harcèlement moral de la part des élus étudiants de l’US, justifient un signalement au procureur de la République par la directrice de l’IEP, sur le fondement de l’article 40 du code de procédure pénale ». Il ajoute ensuite que : « portant atteinte à l’honneur et à la réputation de deux enseignants de l’Institut, elles sont de nature à porter atteinte à l’ordre, au bon fonctionnement et à la réputation de l’établissement et constituent, à ce titre, des fautes disciplinaires qu’il appartient à l’administration de sanctionner, les procédures disciplinaire et pénale étant indépendantes l’une de l’autre ».

Le rapport conclut comme ceci : « Selon la mission, cette crise est le résultat d’une accumulation de maladresses, d’erreurs d’appréciation, de réactions à contretemps […] Mais elle souligne surtout de très grandes fragilités de l’établissement – qui demeurent malgré les progrès accomplis dans sa gestion pendant la période 2015-2018 –, dans son mode de management, dans son organisation, dans ses modalités de fonctionnement, dans sa communication, dans sa gestion de la vie étudiante  ». Seulement, si cette affaire révèle des problèmes structurels au sein de l’établissement, ils sont loin d’être ceux pointés par le rapport : le problème étant que des professeurs tenant de tels propos ne sont pas condamnés, et que leurs propos soient relégués à un « jeu de provocation », alors même qu’ils sont ouvertement islamophobes. D’autant plus que ce rapport s’inscrit dans la ligne politique islamophobe du gouvernement, ce dernier étant lui même favorable à la dissolution de l’UNEF. Il vient donc jouer le jeu du gouvernement, et normaliser les propos comme ceux tenus par les deux professeurs dans le champ politique et médiatique.

A l’encontre de cette logique, et alors que le monde traverse une crise sanitaire et économique historique, il est temps de construire la riposte contre ce gouvernement méprisant qui préfère parler d’islamogauchisme quand des centaines de personnes meurent chaque jour à cause du Covid-19. A ce titre, nous envoyons tout notre soutien aux militants de l’Unef Grenoble qui font face à une offensive réactionnaire. De plus, il est essentiel de combattre toutes les lois sécuritaires et islamophobes du gouvernement, à l’instar de la loi séparatisme et de la loi sécurité globale, qui viennent attaquer les droits démocratiques de tout notre camp social.


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