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Réforme des retraites

Interview. "La grève c’est le combat de tous" : à l’Atelier Industriel Aéronautique, le mouvement continue

Dans le cadre du mouvement contre la réforme des retraites, nous nous sommes entretenus avec Bastien Laborde-Balen de la CGT Atelier Industriel Aéronautique Clermont-Ferrand. Il revient sur la mobilisation dans son usine, l’action symbolique des jets de bleus de travail qui a visibilisé leur grève, ainsi que sur la radicalité qui s’exprime dans le mouvement contre le gouvernement, fruit d’un ras-le-bol général.

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Révolution Permanente : pour commencer est-ce que tu pourrais nous parler de l’Atelier Industriel Aéronautique ainsi que de votre mobilisation depuis le 5 décembre ?

Bastien Laborde-Balen, CGT AIA : Alors notre établissement est un Atelier Industriel de l’Aéronautique. C’est un établissement industriel de l’Armée de l’Air qui est régi par l’Etat et le Ministère des Armées. Notre principale mission c’est de faire du maintien en conditions opérationnelles d’aéronefs, des avions de transport comme le Transall, des avions de chasse comme les Mirages 2000 et des hélicoptères comme les Gazelle, les Puma, etc. qui partent dans les forces une fois qu’on a fait nos interventions dessus, nos différents types de maintenance.

Dans notre établissement il y a 1200 personnels. Une majorité d’ouvriers d’Etat, des personnels qui ont un contrat avec l’Etat, régi par certaines règles bien spécifiques notamment parce qu’ils font un métier de production en étant reliés à l’Etat. Il y a également des fonctionnaires et, de plus en plus, des agents contractuels. Pour ce qui concerne la grève, on était partis sur la première journée initiée par la Confédération le 24 septembre. Ensuite, il y a la date du 5 qui est arrivée.

Révolution Permanente : vous avez fait 9 journées de grève ?

Bastien Laborde-Balen : Oui alors on s’est mobilisés sur les temps forts appelés par la CGT mais aussi sur des grèves de 2 ou 3 jours. Enchaîner plusieurs jours c’est difficile, on a besoin de retourner dans la grève, on a besoin de se retrouver, et on a aussi un impact sur la production quand on se retrouve dans la boîte. Donc on essaye de conjuguer les deux. Aujourd’hui on est à 9 journées et on compte bien continuer jusqu’au retrait. On a eu 60% de grévistes le 5 décembre et après on a eu des journées entre 20 et 45%, sachant qu’il y a également des personnes qui se mettent en congés pour venir en manif, ce qui nous permet de faire des gros cortèges de l’AIA de Clermont-Ferrand et ainsi de nous rendre visibles localement et nationalement.

Révolution Permanente : vous faites partie des fameux salariés qui ont un régime spécial. Est-ce que pour vous c’est une lutte pour le régime spécial ou une lutte plus générale contre le système par point ?

Bastien Laborde-Balen : C’est une lutte qui est globale. Dans notre établissement on a trois statuts, les ouvriers d’Etat, les fonctionnaires et les contractuels, mais ya également des sous-traitants qui sont des salariés de droit privé. Et la CGT elle s’occupe de tous les salariés, donc quand on appelle à la grève on appelle tout le monde, les sous-traitants y compris. Donc quand on évoque ce problème de réforme de retraite, on l’évoque vraiment pour tout le monde. La lutte aujourd’hui c’est de faire rentrer dans la tête de nos collègues que la grève c’est le combat de tous, que c’est un combat qui est utile, et que même si ya 60% de français qui soutiennent le mouvement il faut transformer ça en personnes qui vont dans la rue, qui font grève, qui sont dans la mobilisation.

Révolution Permanente : et du coup à propos de votre action de vendredi, quelle était l’idée derrière ? J’imagine que vous avez été inspirés par les avocats et les hospitaliers…

Bastien Laborde-Balen : Vendredi, on a proposé aux agents de se rassembler et de prendre leurs vêtements de travail, des bleus, des vestes longues, et de les jeter devant le directeur pour lui dire que la retraite on ne veut pas se retrouver à poil. Si on a été recruté au Ministère des Armées, c’est parce qu’on sait qu’on a un déroulement de carrière et qu’on a une retraite à la clé qui correspond à quelque chose. Changer les règles en cours de route c’est pas acceptable ! Donc voilà un peu l’objet de l’action.

L’idée c’était de se rendre visibles, de montrer que la grève ça peut être créatif et avec une vidéo de 10 secondes on peut faire passer un message. Et cette vidéo c’est pas juste des personnels qui se sont retrouvés 1 minute devant la direction, c’est des gens qui luttent depuis un moment. Il y a des gens qu’on voyait jamais dans les mobilisations qui nous ont rejoints, qui ont trouvé ça super et qui vont continuer de venir avec nous dans les rassemblements et piquets de grève, parce que c’est des moments importants entre grévistes de se retrouver devant la boîte pour dire à tous ceux qui rentrent qu’on est là, qu’on continue le combat et qu’ils doivent être avec nous la prochaine.

Révolution Permanente : une des forces de l’action ça a été de rendre visible la grève d’ouvriers de l’industrie, les bleus de travail qu’on a peu vus dans le mouvement, même si on a pu croiser les ouvriers de PSA Poissy en manifestation par exemple. Comment tu perçois cette nécessité de mettre en grève des secteurs de l’industrie qui sont un peu à l’écart du mouvement, notamment parce qu’ils sont souvent dans le privé où la mobilisation est plus difficile ?

Bastien Laborde-Balen : Déjà l’industrie dans ce pays elle est en berne. Moi je travaille dans le Puy-de-Dôme donc je pourrais vous parler de la SEITA, dernière industrie de manufacture de tabac en métropole qui n’est plus. On pourrait parler également de Luxfer, qui en ce moment connaît une lutte exemplaire, les salariés sont entrain d’occuper l’usine pour empêcher que les huissiers ne saisissent leur outil de travail - alors qu’ils ont présenté un projet de SCOP à Bruno le Maire et que celui-ci a mis tous les droits de véto qu’ils pouvaient sur ce projet. L’industrie aujourd’hui elle a ce combat-là d’exister.

Et je pense qu’il faut aussi permettre à nos collègues sous-traitants du domaine privé de dire : il y a le problème pour exister, mais il y a aussi le problème des retraites. Parce qu’à tutoyer les huiles toute la journée, à avoir des TMS [Troubles Musculo-Squelettiques] aux mains toute la journée quand on pose des rivets etc., ça crée des problèmes et un régime universel de retraites tel qu’il est pensé par Macron ne répond pas à ces problèmes. Si c’est pour mettre dans le même sac les égoutiers de Paris et les employés de bureau, il y a un problème de justice sociale qui se pose.

Révolution Permanente : Tu parlais de Luxfer et de « créativité », il y a aussi pas mal de radicalité quand on voit l’occupation de l’entreprise. Aujourd’hui la CGT Energie a encore fait une action de coupure de courant, les cheminots et la RATP sont rentrés dans les locaux de la CFDT, est-ce qu’on voit une nouvelle radicalité ouvrière s’exprimer dans cette grève ?

Bastien Laborde-Balen : De manière historique, la radicalité on a le droit de la refuser comme le fait la Confédération, mais ça reste une composante de la lutte. Ce que font les élecs et tous ceux qui vont solliciter les adhérents CFDT et ceux qui négocient sur le dos de ceux qui font 40 jours de grève, ça fait partie de la lutte. Quand on utilise le terme « violence » c’est dérangeant. Pour le voir il suffit de mettre en perspective ce qu’il se passe en manifestation et des camarades qui appuient sur un bouton… C’est pas le même genre de violence. Toutes ces choses là ça fait partie d’un ras-le-bol général. Ya le ras-le-bol des politiques, dans notre circonscription ya des députés qu’on voit plus du tout. Derrière on a nos collègues qui ne pensent pas comme nous, et qu’on essaye de solliciter en allant les voir. Il faut travailler sur tous les points, mais on comprend qu’ils y en aient qui aient envie de passer à des modes d’action un peu différents…

Révolution Permanente : Et en ce qui concerne les perspectives sur l’AIA ?

Bastien Laborde-Balen : La perspective est simple : on travaille dans les ateliers et les bureaux pour faire connaître nos actions, pour faire connaître le but, la finalité, et leur dire que jeudi on doit se rassembler au sein de l’entreprise, on va faire une nouvelle action. Le soir ya une marche aux flambeaux dans Clermont-Ferrand. Et puis vendredi une journée de grève avec tous nos camarades, nos collègues des autres entreprises qui sont contre ce projet-là.


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