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Autoritarisme sanitaire

Italie. Un pass sanitaire imposé à tous les travailleurs sous peine de suspension de salaire

Ce vendredi en Italie consacre une offensive importante contre le monde du travail alors qu’un pass sanitaire pour tous les travailleurs rentre en vigueur. Sur fond d’appels à la mobilisation, la contestation commence à s’organiser

Esther Tolosa

15 octobre 2021

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Photo : AFP

Un pass sanitaire XXL en Italie

Si ce vendredi 15 octobre sonne en France comme une nouvelle offensive du gouvernement pour faire payer la crise aux travailleurs avec la fin du remboursement des tests COVID (antigéniques ou PCR), en Italie, l’autoritarisme sanitaire aussi est en marche, avec l’instauration d’un pass sanitaire pour tous les travailleurs. La mesure est d’ampleur et constitue une attaque sans précédent contre le monde du travail, puisque contrairement à la France ce sont bien l’intégralité des travailleurs qui sont concernés par l’obligation vaccinale.

Le « green pass » italien mis en place début août, à peu près à la même époque que le pass sanitaire français, était jusqu’ici exigé dans les bars, restaurants, et évènements culturels et salles de sports, en décidant de l’imposer à l’ensemble des travailleurs le gouvernement italien consacre un nouveau pas de géant dans sa gestion autoritaire de la pandémie.

Désormais, comme l’indique le Courrier International qui cite le quotidien Italien Corriere Della Sera : « Ceux qui n’ont pas le Green Pass ne pourront pas travailler, ce qui sera considéré comme une absence injustifiée, et leur salaire sera suspendu, mais sans arriver à des sanctions disciplinaires. Cependant, si l’on omet volontairement de déclarer ne pas avoir de certificat et qu’on vient au travail quand même, une sanction disciplinaire peut être envisagée, en plus d’une sanction administrative pouvant aller de 600 à 1 500 euros. ».

Alors que 85% des italiens de plus de 12 ans ont reçu au moins une dose (ce qui, contrairement à la France, suffit en Italie pour obtenir un « green pass » »), c’est tout de même 3,3 millions de travailleurs qui risquent de se voir refuser l’accès à leur lieu de travail selon BFM, à moins qu’ils ne fassent un test toutes les 48 heures.

Une mesure d’autant plus scandaleuse qu’en Italie les test COVID sont déjà payants depuis un certain temps et coûtent entre 15 et 50 euros suivant les régions pour le test antigénique, et jusqu’à 100 euros pour les PCR d’après Ledauphine. Dès lors, à la discrimination vaccinale se cumule une discrimination sociale et salariale. Car, si la généralisation de la vaccination est assurément l’une des clefs de résolution de la situation épidémique, le gouvernement Italien choisit de faire une sorte de chantage au vaccin qui va toucher en premier-chef les travailleurs et les classes populaires. Un nouveau moyen coercitif pour le gouvernement Italien qui semble déterminé à garder les mêmes outils liberticides qu’au début de la crise et à maintenir un cadre pour une gestion autoritaire de l’épidémie.

Vers des mobilisations importantes contre l’autoritarisme sanitaire et l’offensive contre le monde du travail ?

Si sans surprise la confédération du patronat, la Confindustria, soutient totalement le gouvernement dans sa démarche, de forte protestations ont émergé dans la population face à cette obligation vaccinale à peine voilée. Si la manifestation « anti-pass » de la semaine dernière a été polarisée par une attaque des membre de Forza Nuova, un groupe fasciste, contre le siège de la principale conféderation syndicale du pays, une partie des travailleurs du pays semble déterminée à s’emparer de la lutte contre la gestion autoritaire de la crise sanitaire par le gouvernement. En ce sens il est primordial que le mouvement ouvrier italien, se positionne et s’empare de la lutte face à ce qui constitue une offensive gargantuesque contre le monde du travail. Dans cette perspective le refus de la CGIL, principale confédération syndicale italienne, de mener cette lutte est très critiquable et doit être dénoncé pour ne pas laisser l’extrême-droite instrumentaliser la colère et en profiter pour la tourner contre le mouvement ouvrier.

D’autant plus que la mobilisation pourrait s’avérer d’ampleur. Ce vendredi 15 octobre, la présidente de la région de Vénétie prévoyait le « chaos » pour l’économie Italienne fortement menacée par des grèves et blocages. En prévision de ce tumulte, particulièrement chez dockers, le gouvernement italien avait reculé et offert la gratuité des tests des dockers pour les calmer. Mais cela n’a pas suffi et les dockers ont quand même annoncé des débrayages massifs ce matin dans plusieurs ports centraux d’Italie.

Et notamment dans le port de Trieste (un port important du Nord-est du pays), dont 40% des travailleurs ne seraient pas vaccinés selon les chiffres de BFM, où les dockers ont menacé de bloquer totalement son activité si le gouvernement ne recule pas. Aussi, on apprenait ce matin dans LeMonde, que plus de 300 dockers ont tenu un piquet de grève à l’entrée du port de Gênes ce matin.

Au-delà de ce secteur, des débrayages et blocages sont également annoncés dans le secteur du transport routier. Pour causse, Ivano Russo, directeur général de Confetra, la Confédération générale italienne des transports et de la logistique, une organisation patronale, a indiqué à l’AFP que sur un total de 900.000 chauffeurs routiers, courriers et employés d’entrepôts, "entre 25 et 30%" ne possèdent pas de pass sanitaire.

En réponse aux offensives autoritaires et répressives du gouvernement, on voit donc naître un début de contestation sociale en Italie, et des prémisses de réponse notamment avec les méthodes du mouvement ouvrier. Alors que de larges secteurs de la population ont vu leurs revenus réduits ou même supprimés pendant cette période du Covid, quand des millions de travailleurs du pays ont perdu leur emploi sur l’autel des profits du patronat et de la complicité gouvernementale, cette nouvelle attaque est celle de trop.

En avril dernier Massimo Civitanie expliquait déjà dans une interview à Révolution Permenante que la gestion catastrophique de la crise a entraîné en Italie une forte montée des tensions sociales : « Depuis le début de la crise sanitaire, la classe ouvrière s’est - de manière souvent inattendue - mobilisée pour se défendre elle-même […]. Les ouvriers en particulier dans le Nord de l’Italie se sont mobilisés. Il y a eu, il y a deux semaines, des grèves spontanées qui ont impliqué des centaines d’usines de métallurgie en particulier des aciéries mais aussi des usines du secteur automobile, comme FCA (FIAT Chrysler Automobiles) par exemple avec, le 25 mars, un mouvement plus important et généralisé, en Lombardie et dans la région de Rome ».

Aujourd’hui avec l’imposition du pass sanitaire à tous les travailleurs, on peut s’attendre à de nouvelles mobilisations et il est donc aujourd’hui plus central que jamais de penser un véritable plan de bataille pour refuser les mesures répressives et exiger de véritables moyens pour les services publics sans que ce soit aux travailleurs et à la jeunesse de payer le prix de la crise.


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