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Hôpitaux en colère

“Jediscolère” dans la santé : “L’important c’est le rapport de force qu’on construit tous ensemble”

Ce troisième jeudi colère a été à nouveau suivi dans plusieurs hôpitaux, qui travaillent à étendre la mobilisation pour faire du 16 juin une journée forte d’opposition au gouvernement, au-delà de l’hôpital public. Des travailleurs de la RATP, ex-grévistes contre la réforme des retraites, sont venus à la rencontre des hospitaliers d'Avicenne à Bobigny.

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Le lendemain du retour d’Agnès Buzyn, ex-ministre de la santé, et de son interview au Figaro dans laquelle elle fait l’éloge de la gestion de la crise par le gouvernement qui selon elle aurait été « remarquable », les hospitaliers descendaient une nouvelle fois dans la rue. Limités aux abords de leur hôpital et à leur temps de pause, ils ont rappelé que la seule chose « remarquable » a été l’engagement des soignants pendant la pandémie et qui se poursuit encore aujourd’hui, malgré les conditions de travail extrêmement difficiles et le manque de matériels, de lits, de personnels.

Des rassemblements étaient appelés devant plusieurs hôpitaux, principalement en région parisienne, à Saint-Denis, Bobigny, à Paris à Robert Debré, la Pitié Salpêtrière et Tenon, mais aussi dans la région bordelaise à Haut-Levêque ou encore à Libourne et Besançon. À chaque fois, ce sont entre plusieurs dizaines comme à Bobigny, et plusieurs centaines de soignants et de soutiens comme à Robert Debré, à Saint-Denis ou à la Salpêtrière, qui ont organisé des « casserolades » pour faire du bruit pour l’hôpital public.

Ce jeudi colère du 28 mai était aussi celui du discours du gouvernement sur la « phase 2 » du déconfinement. Le premier ministre a annoncé les nouvelles mesures d’assouplissement motivées par une évolution positive de la courbe épidémique. Si l’éventualité de nouvelles vagues épidémiques inquiètent tout le monde, cela inquiète tout particulièrement les soignants qui craignent de ne pouvoir faire face.

Pour que l’après ne ressemble pas à l’avant

En île-de-France, l’un des trois départements qui reste toujours classé orange jusqu’à nouvel ordre, les hospitaliers ont insisté parallèlement au discours du gouvernement sur le fait que « la vague épidémique n’est pas terminée » comme l’a rappelé un soignant de la Salpêtrière. « Beaucoup de services sont encore sous tension » ajoute-t-il. À la Salpêtrière, hors de question de ne pas participer aux « Jediscolère » eux qui ont été au cœur du Covid et aussi au centre de la communication gouvernementale pendant la crise.

Dans les interventions qui se succèdent sur les parvis des hôpitaux mobilisés ce jeudi ce qui rassemble les soignants est la détermination « pour que l’après ne ressemble pas à l’avant » comme on peut lire sur une banderole déployée à côté du CH de Libourne.

Pour que l’après ne ressemble pas à l’avant, les hospitaliers gardent le cap sur leurs revendications : une augmentation des salaires d’au minimum + 300 euros par mois pour toutes et tous, une embauche massive de personnels, la réouverture de lits, ou encore la titularisation de tous les CDD et contractuels. Ils pointent aussi du doigt les mesures d’économie sur la masse salariale, la dévalorisation des travailleurs de la santé, et la faiblesse de l’investissement dans le secteur de la santé publique, quand le gouvernement n’hésite pas à donner des dizaines de milliards d’euros aux grands groupes alors même que beaucoup préparent d’ores et déjà des plans de restructuration et de licenciements.

De plus, comme l’ont expliqué les hospitalières de l’hôpital Casanova à Saint-Denis, la situation sanitaire du 93 est très difficile, avec un taux de mortalité lié au Covid-19 plus important que la moyenne et un manque de moyens criant, à tel point qu’il n’est pas rare que certaines infirmières soient contraintes d’utiliser du vieux matériel pour pouvoir faire face.

Les agentes de services hospitaliers de l'hôpital Casanova de Saint Denis, qui sont en première ligne face à cette pandémie, réclament des embauches massives et une augmentation de salaire pour tou.te.s !

Publiée par Du Pain Et Des Roses sur Jeudi 28 mai 2020

Tous unis contre la répression et pour les services publics

A cette déconsidération particulière des services publics et à la mauvaise gestion du gouvernement, s’ajoute ces dernières semaines une répression policière et judiciaire devant les hôpitaux lors des rassemblements de soutien, comme devant l’hôpital Robert Debré le jeudi 21 mai dernier où plusieurs personnes ont été interpellées et ce jeudi où il y avait une forte présence policière qui visait à empêcher que le rassemblement ne se transforme en manifestation.

Dans tous les hôpitaux les rapports se tendent avec les directions, et à l’hôpital Avicenne la situation s’est aggravée depuis que la direction a fait appel à des huissiers pour les dissuader de se rassembler et de déambuler dans l’hôpital et aux alentours. Un soignant et syndicaliste FO de la Pitié Salpêtrière interpelle à ce sujet directement Martin Hirsch : « On est indigné qu’après les louanges que vous faites à la télévision aux hospitaliers, on les menace aujourd’hui de retenue sur salaire immédiate dès lors qu’ils font valoir leurs revendications et leurs conditions de travail. Nous il nous menace, les personnels d’Avicenne ont été menacés par leur direction s’ils continuent à être devant l’hôpital, ils ont fait venir les huissiers. Est-ce que c’est normal ? ». Ivre de colère il rappelle ce qui a été la réalité du quotidien des soignants pendant plus de deux mois : « malgré le manque de personnel on a fait face à la pandémie en faisant jusqu’à 72 heures supplémentaires en une semaine ! ».

A Avicenne les soignants ne décolèrent pas non du mépris dont ils font l’objet. Deux ex-grévistes contre la réforme des retraites et travailleurs à la RATP sont venus leur apporter leur soutien. Ahmed Berrahal connaît bien les huissiers, ceux-là même qui venaient tous les matins sur son piquet de grève à Flandres pendant la bataille contre la réforme des retraites. « Grâce à ces huissiers qui sont ici, on passe en conseil de discipline » raconte-t-il. Agacé de cette répression à l’encontre des soignants, qui touche l’ensemble des secteurs qui se mobilisent il poursuit : « On était en première de la grève contre la réforme des retraites, vous êtes en première ligne du Covid 19, on voit comment ils vous remercient si ce n’est pas à coups de matraques et de lacrymogènes, on vous ramène les huissiers de justice pour prendre des noms. Je ne vois pas ce qui a de mal de nos jours à manifester pour avoir plus de lits, et soigner réellement les personnes. C’est une honte ! ». Ahmed a également rappelé leurs intérêts communs en tant que travailleurs du service public : « On a défendu nos retraites tous ensemble que ce soit le privé, le public on est là pour se battre pour de meilleures conditions ».

En parallèle du Ségur de la santé, construire la mobilisation pour le 16 juin

Les soignants comme les soutiens avaient aujourd’hui un peu plus qu’hier un objectif en tête : la date du 16 juin. Pour ces soignants mobilisés dans les différents hôpitaux de Paris à Bordeaux en passant par Libourne, ces rassemblements les mardis et les jeudis sont une manière de maintenir la pression et de construire la mobilisation en vue du 16 juin.

Les soignants de l’hôpital Pont-Levêque de Lassac ont ainsi pris le relai après le rassemblement réussi, avec plusieurs centaines de personnes, du CHU Pellegrin de Bordeaux ce mardi qui a été un moment important de « convergence des colères ».

« Le 16 juin doit être l’affaire tous » abonde dans le même sens un syndicaliste de la CGT lors du rassemblement de la Pitié-Salpêtrière. « On ne va pas laisser ça là, on va continuer, ce n’est que le début avant le 16 juin où tous les hôpitaux vont défiler ensemble » surenchérit un collègue et camarade qui reprend le micro.

Du côté de tous ces soignants règne une atmosphère de défiance vis-à-vis du Ségur de la santé. Comme le souligne un hospitalier et syndicaliste à Sud à l’hôpital Avicenne « depuis lundi le Ségur de la santé a commencé et il est hors de question que ce ne soit que des costumes cravates et des gens bien-pensant qui pensent pour nous, on a aussi notre mot à dire et à ce jour on est toujours mis de côté ». En effet, Sud Santé Sociaux dénonce que jusqu’à présent les représentants syndicaux conviés au Ségur soient très limités dans leurs droits de parole et en début de semaine ils n’avaient toujours pas pu s’exprimer. Une situation qui prouve que ce « grenelle », mise en scène du « dialogue social », sert avant tout au gouvernement pour avancer sur son propre « cap » qui n’aura rien dans le fond de bien différent du « monde d’avant ».

Comme un soignant de l’hôpital Saint-Anne l’a expliqué au pied de l’église Sainte-Geneviève à côté de Robert Debré : « Le gouvernement a revendiqué la loi ma santé 2022 et a expliqué que le problème c’est qu’il ne l’aurait pas appliqué assez vite. Cette loi c’est la fermeture de 300 hôpitaux de proximité », entre autres choses. De la même manière, le gouvernement compte poursuivre la privatisation de l’hôpital public. A contrario « on doit exiger la fin du privé dans la santé publique ! » s’exclame un soignant au rassemblement de Robert Debré. Un « cap » donc qui est incompatible avec celui des soignants et de leurs revendications.

« Ce qui est important c’est le rapport de force qu’on construit, la mobilisation tous ensemble avec les usagers pour infléchir le rapport. On aura ce qu’on saura prendre ! » conclut un hospitalier toujours lors du rassemblement de l’hôpital Robert Debré dans le 19ème arrondissement de Paris où un comité de soutien d’usagers s’est mis en place dans la semaine. Reste à amplifier la mobilisation, mettre sur pied des comités de soutien, s’organiser localement tous corps de métiers de l’hôpital confondus, syndiqués et non syndiqués, construire des liens avec les autres secteurs du public et du privé, et garder le cap jusqu’au 16 juin !


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