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Avancée en demi-teinte des droits reproductifs

La PMA pour toutes enfin adoptée, la ROPA écartée et les hommes trans laissés pour compte

L'Assemblée a adopté, ce jeudi, le premier article de la loi dite bioéthique et a ouvert l'accès à la PMA aux couples lesbiens et aux femmes célibataires, mais a rejeté à grand renfort de rhétorique LGBT-phobe plusieurs amendements, notamment la ROPA et l'accès à la PMA aux hommes trans.

Camille Lupo

30 juillet 2020

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Crédit photo : AFP / Maud Dupuy / Hans Lucas

Après une deuxième lecture plus tôt ce mois-ci, l’Assemblée a adopté ce jeudi les trois articles de la loi dite bioéthique : l’ouverture de la PMA aux couples de femmes et aux femmes célibataires, remboursée par la Sécurité Sociale.

Comme à l’ouverture du débat autour de ce projet de loi l’été dernier, le calendrier n’est pas anodin. Il s’agit pour Macron de faire passer pendant la période estivale, largement considérée comme une période de trêve sociale, une mesure qui divise son électorat. Grande promesse sociale de la campagne de Macron, la PMA est pour la macronie un jeu d’équilibriste : entre le risque d’aliéner un électorat issus de la droite traditionnelle et religieuse, et la volonté d’apaiser les tensions de la gauche de plus en plus hostile avec une mesure sociale.

Le projet de loi sur la PMA fait les frais des calculs électoraux de la macronie depuis le début du quinquennat. Après des échéances sans cesse repoussées et plusieurs effets d’annonces, sa deuxième lecture intervient dans un contexte tendu autour des questions de droits des femmes.

Avec le récent remaniement ministériel, le gouvernement Macron tentait déjà de se rapprocher d’un électorat de gauche en renouant avec la "grande cause du quinquennat" : celle des violences faites aux femmes. La nomination de Darmanin, accusé de viol, est venue perturber ce projet et a été l’élément déclencheur de plusieurs mobilisations féministes. Une fois de plus, le projet de loi bioéthique arrive à point nommé pour étouffer ces contestations et tenter de redorer le blason d’un gouvernement en crise.

Une avancée dans l’égalité des droits

Ce projet de loi, et l’ouverture de la PMA aux couples lesbiens et aux femmes célibataires, représente cependant une avancée non-négligeable pour les droits des femmes et des LGBT.

Malgré cela, il est important de rappeler qu’une égalité de droit n’est pas une égalité de fait : l’ouverture du droit à la PMA pour les femmes célibataires et les couples lesbiens ne garantit pas que ce droit soit accessible à toutes. Si la PMA sera remboursée par la Sécurité Sociale, elle ne sera surement pas pratiquée dans tous les hôpitaux de France et nécessitera probablement des déplacements.

Comme le déclarait J.F. Mattéi, président de l’Académie nationale de Médecine, lors de l’ouverture précédente du débat autour du projet de loi : « Je pense qu’un certain nombre de médecins évoqueront la clause de conscience ». Malgré le vote du premier article de ce projet de loi, l’homophobie demeure un obstacle et certains médecins peuvent faire usage, comme dans le cas de l’IVG, de la clause de conscience pour ne pas pratiquer la PMA.

Rejet de la ROPA et de l’accès à la PMA pour les hommes transgenres : les LGBT-phobes à l’offensive à l’Assemblée

L’accès au droit à la PMA ne garantit pas la possibilité concrète d’y avoir recours, ou à l’égalité de cet accès dans les faits. Après l’adoption de la première mesure, plusieurs zones d’ombres demeurent par rapport à l’égalité des couples lesbiens avec les couples hétérosexuels : le rejet notamment de la technique dite de la ROPA qui aurait permis le don d’ovocyte dans un couple de femmes. Les femmes en couples lesbien peuvent donc recevoir un don d’ovocyte de n’importe quelle femme… sauf de leur conjointe, comme le soulignent un couple de militantes pour la PMA sur leur compte twitter.

L’Assemblée a également rejeté l’amendement proposé par la commission qui aurait permis la recherche de donneur de sperme aux caractéristiques proches, notamment physiques. Cet amendement serait contraire à « l’esprit » du projet de loi, et sèmerait la « confusion » chez les enfants, comme le rapporte 20 Minutes.

On voit ici le retour d’une rhétorique homophobe d’opposer le prétendu bien-être d’enfants avec les droits et l’existence même de couples homosexuels, la même qui animait en première lecture du projet de loi le refus du même régime de filiation pour les couples hétérosexuels et homosexuels. Le certificat de naissance d’un enfant né par PMA d’un couple de femme devra en porter la mention : une mesure stigmatisante pour les couples lesbiens et leurs enfants.

La mesure qui aurait permis l’accès à la PMA aux hommes transgenres a également été refusée pour ces mêmes raisons homophobes et transphobes, alors que les personnes transgenres sont parmis les plus discriminées dans le domaine des droits reproductifs.

Les élus LR se sont plaint inlassablement dans l’hémicycle de la création « d’orphelins de pères » ou du risque d’une « marchandisation de la procréation », et ont obtenus l’assurance que seuls les “couples” de “deux” aient accès à la PMA. L’auteur de l’amendement, Xavier Breton (LR), s’inquiétait de voir un jour un « couple à trois » vouloir un enfant. On voit ici la crainte de ce que représentent les droits LGBT pour la droite et les réactionnaires : une attaque à l’institution capitaliste et patriarcale de la famille.

C’est ce que représente également le troisième article de la loi bioéthique qui permet la levée de l’anonymat d’un donneur tiers à la majorité d’un enfant conçu par PMA. Pendant que le choix du donneur ou de la donneuse de gamètes est toujours interdit pour celles qui ont recours à la PMA et que 9 donneurs sur 10 lui seraient défavorables selon 20 Minutes, la levée de l’anonymat permet ici de contenter les réactionnaires et leurs émois homophobes autour des « orphelins de pères ».

Alors que Jean Castex invite les députés à garder « l’équilibre » pour la suite des discussions autour de la loi bioéthique, nous ne voulons pas d’un équilibre qui soit le status quo d’un gouvernement qui dispense des droits aux femmes et aux LGBT comme des miettes dans l’espoir d’étouffer les tensions et les contestations sociales.

Le fait que ce projet de loi puisse être adopté constitue sans aucun doute une conquête pour les femmes, mais cette avancée est fragile. La défense et la conquête de nouveaux acquis pour les femmes et les LGBT ne se jouent pas derrière les portes de l’assemblée nationale. Il est nécessaire de lutter pour l’égalité des droits dans tous les domaines en construisant un mouvement de masse, radical et indépendant de l’Etat et des partis bourgeois, et d’ancrer nos mobilisations dans un combat contre l’imposition d’une vision hétéronormée, patriarcale et nucléaire de la famille.


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