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Violences faites aux femmes

La politique répressive, sécuritaire et islamophobe de Darmanin et Schiappa s’attaque aux femmes

Du bilan du Grenelle contre les violences conjugales au projet de loi « confortant les principes républicains » jusqu’à la loi sécurité globale, la politique du gouvernement instrumentalise le combat féministe et s’attaque résolument aux droits de la majorité des femmes.

Cécile Manchette

25 novembre 2020

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Un an après, le bilan du gouvernement de « la honte »

Le 25 novembre dernier se clôturait le Grenelle contre les violences conjugales initié par Marlène Schiappa trois mois auparavant. Un Grenelle auquel avait été poussé le gouvernement suite à la multiplication des rassemblements pour dénoncer les féminicides, et au mouvement contre les violences sexistes et sexuelles. Les femmes mobilisées, souvent très jeunes, dénonçaient alors l’inactivité du gouvernement, et s’attaquaient au système judiciaire et policier en tant qu’institutions reproduisant les violences de genre.

Les annonces et les mesures qui étaient ressorties du Grenelle, au lendemain d’une journée de mobilisation massive le 23 novembre, avaient suscité de la déception et de la colère. Pourtant, les mesures ne pouvaient être satisfaisantes, venant de la part d’un gouvernement qui combat les violences sexistes et sexuelles sur un terrain individuel, les réduisant à un problème d’éducation des individus. Ainsi, si l’on colle à cette idéologie libérale des discriminations, la résolution des violences sexistes ne peut reposer que sur la responsabilisation et la volonté de « chaque citoyen », mais aussi, et principalement, sur la mise en place de mesures répressives, islamophobes et sécuritaires.

La politique du gouvernement via son Grenelle était alors une tentative pour canaliser la colère, la rediriger sur le terrain institutionnel, tout en tentant de convaincre la population que la seule réponse aux violences sexistes serait à trouver sur le terrain sécuritaire.

Le problème épineux étant que les gouvernements successifs suite à la crise économique de 2008, et de manière accélérée ces dernières années, n’ont fait qu’aggraver la situation sociale de millions de personnes, tout en alimentant notamment la haine raciste, sexiste et islamophobe contre toute une partie de la population. Ce sont ces inégalités sociales amplifiées, la pauvreté, l’aliénation, l’exploitation, étant en elles-mêmes des violences faites aux femmes, qui sont le terreau de l’explosion des violences sexistes et sexuelles, et que le gouvernement a donc maintenu et aggravé.

Une offensive sécuritaire, sexiste et islamophobe totalement assumée

Si la politique ministérielle pour l’égalité femmes hommes conduite par Marlène Schiappa au début du quinquennat Macron a toujours été une politique libérale, répressive et raciste, le remaniement ministériel a constitué un cap dans l’affirmation de cette politique. C’est ainsi que Marlène Schiappa a été nommée ministre déléguée au ministère de l’intérieur, chargée de la citoyenneté, Gérald Darmanin promu ministre de l’intérieur alors même qu’il est poursuivi pour viol, harcèlements et abus de confiance, et Dupont Moretti, aux positions résolument anti Metoo, ministre de la justice.

Sur le terrain de la lutte contre les violences faites aux femmes, le message était alors on ne peut plus clair. Le gouvernement en nommant un « complice à la justice » et un « violeur à l’intérieur » n’entend pas les chiffres et les cris qui dénoncent l’impunité des puissants, l’impunité policière, le caractère patriarcal de la justice et de la police dans les affaires de violences sexistes et sexuelles. Les questions féministes sont en réalité instrumentalisées pour renforcer l’appareil policier, le relégitimer, et pour justifier des politiques racistes et islamophobes.

C’est dans ce sens que le gouvernement pour prétendument lutter contre les violences faites aux femmes a investi dans la formation et la « sensibilisation » des policiers ou dans le déploiement de brigades de police ou de gendarmerie. A l’occasion du 25 novembre cette année, Marlène Schiappa a d’ailleurs salué la mise en place d’une permanence de gendarmes à l’entrée d’un carrefour où désormais les femmes sont invitées à venir porter plainte contre des violences.

De la même manière, alors que seules 18% des mains courantes aboutissent à une enquête et que 80% des affaires de violences sont classées sans suite, Marlène Schiappa a tenu hier, place Beauvau, a remercier et saluer les forces de police comme étant les principaux remparts contre les violences sexistes et sexuelles.

Ces mêmes forces de police qui ont réprimé les manifestantes lors de la manifestation pour le 8 mars dernier. Ces mêmes forces de police qui délogent actuellement des milliers de sans-papiers contraints de dormir dehors faute de papiers et de moyens.

Des personnes migrantes que le « féminisme » du gouvernement stigmatise et pointe comme étant des « ennemis intérieurs », quand ce ne sont pas des « barbares », pour le « citoyen français » menaçant son travail, sa sécurité et principalement celle des femmes. En effet, Schiappa n’aura pas manqué d’être aussi à la tête de la mesure visant à expulser les étrangers jugés coupables de violences sexuelles, tout comme elle est aujourd’hui à la tête du projet de loi « confortant les principes républicains » qui comprend tout un arsenal juridique visant à stigmatiser, réprimer, et exclure les personnes musulmanes ou assimilées comme telles.

Rien donc à l’horizon que de l’argent pour les forces de police, des mesures répressives et pénales inefficaces, des lois islamophobes et une ligne téléphonique (en voie de privatisation !) assortie aussi de la sortie de dessins animés éducatifs. Or, ce sont bien les femmes qui se mobilisent dans la rue, celles qui pointent le caractère structurel du patriarcat, la responsabilité et le rôle que jouent les institutions pour maintenir et reproduire les violences patriarcales, qui ont raison.

Plus encore, les violences que subissent les femmes, dont les féminicides sont l’une des expressions les plus extrêmes, sont le résultat de tout un système patriarcal sur lequel s’appuie le fonctionnement de la société capitaliste. Si, comme nous l’estimons au collectif Du Pain et des Roses, tel est le cas, c’est aux racines des violences sexistes et capitalistes que nous devons nous attaquer. C’est en ce sens que, plutôt que de donner de l’argent aux forces de police, nous revendiquons pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles, des moyens matériels pour les femmes pour sortir d’une situation de violences, un investissement massif dans les services publics, la garantie d’un emploi, d’un logement et d’un revenu pour toutes ou encore l’accès gratuit à des soins physiques et psychologiques.

Des attaques anti-démocratiques pour étouffer nos contestations à venir

Mais pour obtenir de telles mesures, cela nécessite de s’affronter à un gouvernement qui, face à une situation de crise économique, sanitaire, sociale et politique d’ampleur, a l’intention de sauver les grandes entreprises et leurs profits, et d’écraser toute contestation de ses politiques économiques, sécuritaires, racistes qui sont toutes profondément antagoniques avec l’intérêt de la majorité des femmes, et plus particulièrement des plus précaires d’entre nous.

Parce que les raisons de se mobiliser aujourd’hui et demain ne vont pas manquer quand le gouvernement et le patronat ont pour projet des plans de licenciements massifs qui vont plonger des milliers de personnes dans la précarité dont de nombreuses femmes, ou encore un projet de loi contre les séparatismes dont le contenu va mettre en danger les droits, la santé et les conditions matérielles d’existence de femmes musulmanes toujours plus stigmatisées.

Si le gouvernement est capable de concéder des avancées en termes de droits, comme cela a pu être le cas dernièrement avec le mariage pour tous, les droits conquis sur le terrain législatif sont toujours précaires, insuffisants pour garantir pleinement l’émancipation de tous et toutes, et jamais conquis. Il n’y a qu’à voir aujourd’hui les violences sexistes qui persistent dans tous les aspects de nos vies malgré les lois, le comportement timoré si ce n’est hostile de l’exécutif face à la question de l’allongement du délai légal pour l’avortement, mais aussi le recul historique que le gouvernement prépare avec sa loi de sécurité globale en ce qui concerne le droit de filmer les violences policières, de manifester ou bien encore la liberté de la presse.

Construire une réponse unitaire face à l’offensive contre nos droits démocratiques !

En septembre, nous avons été à l’initiative avec Du Pain et des Roses d’une tribune contre l’islamophobie et la loi « confortant les principes républicains », anciennement nommée « loi contre les séparatismes ». Ce projet de loi, mené par Darmanin et Schiappa, vise à instaurer un régime d’exception pour une partie de la population, c’est-à-dire les personnes musulmanes ou supposées comme telles. Mais, à l’image de ce à quoi on a pu assister avec l’état d’urgence, l’instauration de régimes d’exception à l’encontre d’une partie de la population peut être ensuite étendue par le gouvernement, quand cela l’arrange, à tous ceux qui le dérangent.

La loi sécurité globale a ce même projet de renforcer l’impunité policière, et de s’attaquer via les restrictions à la liberté de manifester et à celle de la presse, à celles et ceux qui contestent ses politiques, dans le sens où ce ne sont pas n’importe quelle manifestation, ni n’importe quel organe de presse qui seront visés par la répression.

Dans la même logique que la tribune initiée contre l’islamophobie, nous exigeons le retrait « pur et simple » de la loi sécurité globale, comme celui du projet de loi « confortant les principes républicains », et appelons à ce que toutes les organisations féministes, anti-racistes, les organisations de la jeunesse et du mouvement ouvrier prennent position et construisent un front unitaire contre ces projets qui sont autant d’attaques à l’encontre de la majorité des femmes. C’est un combat indispensable qui, nous pensons, doit se faire sans négociations, en toute indépendance du gouvernement et de ses institutions, et ce pour l’avenir des femmes, de la jeunesse et de nos futures luttes.


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