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États-Unis

Le gouvernement Trump organise un raid national pour chasser les migrants des États-Unis

Ce dimanche 14 juillet, le gouvernement Trump démarrait un raid à l’échelle nationale pour expulser les migrants des États-Unis. L’opération, qui devait débuter il y a un mois, a été reportée à cause de la solidarité et les fortes mobilisations d’opposition qu’elle a suscitées. Celles-ci se continuent et pourraient saper l’un des piliers fondamentaux de la politique de Trump : l’anti-immigration.

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Crédits photo : Spencer Platt / Getty Images / AFP

La crise économique de 2008 et sa continuation sous une forme rampante jusqu’aujourd’hui – où les principales puissances peinent à retrouver les valeurs d’avant la récession – est à la base du tournant politique offensif opéré par l’administration Donald Trump. Devant la perte de vitesse de l’économie mondiale et l’affaiblissement de l’hégémonie nord-américaine, le pari des États-Unis a consisté à faire prévaloir ses intérêts non pas par la voie du consensus de plus en plus fragile, mais plutôt à travers la coercition. C’est pourquoi récemment on assiste à un retour sur le devant de la scène de l’impérialisme américain avec des éléments de guerre commerciale avec l’Europe et la Chine, l’étouffement économique de l’Iran ou l’ingérence au Venezuela via Guaido et plus récemment, la militarisation du Mexique et le renforcement des politiques anti-immigration.

L’offensive sur le Mexique

Le vendredi 7 juin, Donald Trump, et le ministre des Affaires étrangères du Mexique, Marcelo Ebrard, se sont mis d’accord pour éviter d’imposer des droits de douane sur les produits mexicains tel que menaçait l’administration américaine. En échange, le gouvernement dirigé par Andrés Manuel López Obrador (AMLO) devait durcir sa politique d’immigration sur trois points : d’abord, garantir que les migrants n’arrivent pas aux États-Unis pour demander l’asile ; ensuite resserrer la surveillance à la frontière sud ; et enfin combattre la corruption de leurs agents frontaliers. Ce compromis du gouvernement d’AMLO s’est immédiatement traduit par une militarisation des frontières nord et sud du pays, et par des chiffres record de détention et d’exportation : seulement en juin il y a eu 23 917 détentions.

Cette politique nord-américaine sur le territoire mexicain s’est ensuite continuée et approfondie récemment aux États-Uni,s à travers le raid national anti-migrants que l’administration Trump a déclenché ce dimanche 14 juillet. Ce jour-là, l’ICE (le service chargé de l’immigration et des douanes) a organisé des multiples raids dans les communautés de migrants des principales villes du pays : Los Angeles, San Francisco, New York, Chicago, Miami, Denver, Atlanta, Baltimore et Houston.

Alors même que cette opération démarrait, le vice-président Mike Pence visitait les centres de détention où 400 personnes ont été enfermées dans des cages à ciel ouvert sous la chaleur étouffante du Texas. La presse faisait état d’une odeur très forte : les 400 personnes n’avaient pas accès aux douches ni aux brosses à dents et nombre d’entre elles étaient en détention depuis plus de 40 jours. Le surpeuplement devient déjà une caractéristique de ces centres de détention, qui n’ont pas assez de place pour que chaque personne ait même son propre lit.

De son côté, ce même jour, alors que le déploiement de l’IEC et les images des centres de rétention terrifiaient les migrants habitant aux États-Unis, Donald Trump sortait un tweet raciste pour charger contre quelques congressistes démocrates : « Il est très intéressant de voir les membres « progressistes » du Congrès démocrate, originaires de pays où les gouvernements sont une catastrophe totale et complète, la pire, la plus corrompue et la plus inapte du monde (s’ils ont déjà fonctionné en tant que gouvernements), déclarer haut et fort envers le peuple des États-Unis, le plus grand et le plus puissant pays du monde, comment notre gouvernement devrait être géré » et il a ajouté : « Pourquoi ne reviennent-ils pas et aident-ils à réparer les lieux de crimes totalement détruits et infestés d’où ils sont venus […] Ensuite, ils peuvent revenir et nous montrent comment faire. Ces lieux ont désespérément besoin de votre aide. Je suis sûr que Nancy Pelosi serait très heureuse de prendre rapidement les dispositions nécessaires pour que vous puissiez voyager gratuitement ! »

Le tweet de Trump visait clairement un groupe de nouveaux membres du congrès, dont Alexandria Ocasio Cortez (AOC), Rashida Tlaib, Ilhan Omar et Ayanna Presley. Omar, originaire de Somalie, est un immigrant de première génération. Presley est un afro-américain né à Cincinnati. Les parents d’AOC (née à New York) ont émigré de Porto Rico, une colonie américaine ; tandis que la famille de Tlaib (née à Detroit) vient de Palestine, d’où elle a été obligée à fuir à cause des conditions imposées par l’occupation américano-israélienne. De la même manière que les millions de personnes qui sont actuellement poursuivies par l’IEC et qui ont dû fuir des conditions qui sont l’effet direct de l’ingérence des États-Unis : des coups d’État parrainés et soutenus par Washington pour protéger les entreprises et les profits américains ou bien le pillage opéré via le FMI.

L’attaque de Tump faite à ce secteur des Démocrates n’exprime pas cependant une divergence profonde entre la politique anti-immigration des deux partis de l’impérialisme américain. Le parti démocrate est aussi une machine à déportation. L’administration Obama a créé l’infrastructure nécessaire aux déportations en cours d’exécution par Trump. De même ces derniers mois, la plupart des démocrates, y compris l’aile gauche de Bernie Sanders, ont voté en faveur de la barrière frontalière avec le Mexique et ont appuyé l’ingérence au Venezuela via Guaido sous le prétexte de l’aide humanitaire, tel que l’a défendu AOC.

De même alors que de nombreux politiciens du Parti démocrate ont prétendu créer des « villes sanctuaires » dans des endroits comme New York, le non-sens de cette étiquette est devenu plus clair que jamais ce week-end. Comme le rapporte le New York Daily News, « New York est une ville sanctuaire et la police de New York a demandé à ses agents de ne pas aider ICE à effectuer des raids sur la déportation, mais dans une lettre apparue ce vendredi, le chef du syndicat des sergents de la police de New York a encouragé leurs membres à ‘’se tenir côte à côte’’ avec les agents fédéraux [IEC] pour les aider à ‘’rentrer chez eux en toute sécurité avec ses familles’’ ». Ainsi, le département de police de New York (NYPD) collabore avec ICE et ni le maire démocrate Bill De Blasio ni aucun autre membre du parti démocrate ne font rien à ce sujet.

Pourtant, malgré la connivence du parti démocrate et l’ambiguïté de son aile gauche, avec Bernie Sanders en tête, l’opposition par la rue à cette politique impérialiste nauséabonde et xénophobe de l’administration Trump n’a pas manqué. Ces dernières semaines, de puissantes expressions de solidarité ont été exprimées. Des centaines de juifs se sont mobilisés sous le slogan « Plus jamais ça, c’est maintenant » qui identifie clairement les centres de détention comme des camps de concentration. Des milliers de personnes ont aussi manifesté dans tout le pays, comme samedi à Chicago, qui a attiré des milliers de personnes dans les rues. De même des centaines d’ateliers « Connais tes droits », des réseaux de solidarité ont été organisés dans tout le pays et de petits groupes de défense des immigrés se préparent pour aider les migrants en détention. Et, ce qui est peut-être le plus encourageant, nous avons vu les travailleurs de Wayfair (entreprise de fabrication de meubles) en grève contre la vente de meubles destinés aux camps de concentration.

Le période de lutte qui s’est en train de s’ouvrir contre la politique anti-immigration et la recrudescence de l’impérialisme américaine, peut non seulement accélérer l’usure de la stabilité du gouvernement Trump, mais aussi poser les bases – tel que l’ont montré les travailleurs de Wayfair – pour l’unification d’une classe travailleuse américaine, dont la proportion issue de l’immigration est importante, et qui peut lier la lutte contre sa propre exploitation à l’internationalisme et donc à la lutte contre l’impérialisme américain qui soumet les travailleurs ailleurs dans le monde en les obligeant à quitter leurs pays pour survivre.


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