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Mise au pas de la jeunesse

Le gouvernement va lancer l’expérimentation du SNU obligatoire : préparons la riposte !

Dans un entretien avec la FSU, la secrétaire d’État à la jeunesse et au SNU a réaffirmé la volonté du gouvernement de commencer à rendre obligatoire le SNU dès 2024 pour les élèves de seconde de six départements. Derrière, l’objectif est de le généraliser à l’horizon 2026.

Alexis Taïeb

27 février 2023

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Après un recul tactique de la part du gouvernement, qui avait décidé de reporter les annonces concernant le SNU par crainte de provoquer un embrasement de la jeunesse, Sarah El Haïry, secrétaire d’État à la jeunesse et au SNU, a relancé les hostilités sur son service civico-militaire lors d’un entretien avec la FSU.

Ainsi, dans un communiqué du SNES-FSU, on apprenait ce dimanche que, dès 2024, le SNU commencerait à être obligatoire pour les élèves de seconde de six départements. Les lycéens du Cher, des Hautes Alpes, des Vosges, du Finistère, de la Dordogne et du Var sont les (mal)heureux élus. D’après un article de Politis, cette obligation concernerait également les élèves de premières en CAP.

Dès janvier prochain, des stages de deux semaines seront donc obligatoires pour les élèves de seconde de ces départements. Pire, ces stages seront organisés pendant le temps scolaire. Mais ce n’est pas tout : ces départements sont seulement « expérimentateurs », et dès l’année suivante, ce sont vingt départements qui seront concernés par l’obligation, pour enfin à arriver une généralisation totale pour l’année 2026. A terme, ce sont donc 800 000 élèves qui se verront obligés de réaliser ce fameux stage visant à mettre au pas la jeunesse.

Entre autres, on apprend également que le gouvernement a prévu de saisir le Conseil supérieur des programmes pour repenser le contenu des cours d’éducation morale et civique (EMC) afin de les réarticuler avec le « cadrage pédagogique » du SNU, conçu dorénavant comme « l’aboutissement du parcours citoyen ». C’est-à-dire, comme le pointe le SNES, soumettre « dans les faits cette discipline scolaire à la logique d’une instruction militaire ».

On apprend également qu’en cas d’absence, le gouvernement « n’enverra pas les gendarmes » mais organisera des « séjour de rattrapage » pendant les vacances. Au-delà de cette blague qui passe très mal, alors que la répression policière est devenue systématique sur les blocus lycéens, la secrétaire d’État confie également qu’aucune disposition de type « objection de conscience » n’est envisagée pour éviter de réaliser le stage car « ce n’est pas un service militaire ». Encore une bonne blague.

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Le Service National Universel : une instruction militaire obligatoire pour mater la jeunesse

Si le gouvernement tente de justifier de mille manières son opération, en nous vendant par exemple que parmi les objectifs figurent la mixité sociale, l’inclusion des jeunes en situation de handicap et la sensibilisation à la crise climatique, ou encore en dédiant une émission au SNU sur Skyrock, personne n’est dupe. Il n’y a qu’à regarder les images qui circulent sur les réseaux sociaux de ces stages. On y voit par exemple comment, à Besançon, des élèves de Bourgogne et de région parisienne sont en rang et au garde-à-vous devant une rectrice de l’académie.

Dans d’autres vidéos, on voit des élèves punis en pleine nuit qui doivent faire des pompes, tandis que l’on apprenait il y a quelques mois que des élèves avaient fini aux urgences lors de stages. Le gouvernement peut faire tout son possible pour rendre séduisant son projet, celui-ci est très clair : il est là pour rendre la jeunesse docile, pour lui inculquer des valeurs réactionnaires d’obéissance sur un mode militaire très marqué.

C’est ce que pointe Bénédicte Chéron, maîtresse de conférences (ICP) et spécialiste des questions qui touchent aux relations entre armées et sociétés, dans un thread twitter : « Le type de rapport à l’autorité qu’incarne une revue des troupes au garde-à-vous ne peut être justifié que par une finalité très particulière, en l’occurrence l’hypothèse du combat, qui engage la vie et la mort (du combattant, de son ennemi, des populations autour). Le glissement induit par ces revues de troupes SNU engage une conception du rapport des individus (mineurs) avec l’autorité de l’Etat qui devrait a minima inciter à la prudence et faire lever quelques sourcils ».

Si l’on ajoute à cela les propos tenus par un conseiller de l’exécutif il y a quelques semaines, qui expliquait que « ce n’est pas vraiment le moment de donner aux jeunes l’impression qu’on relance le service militaire », on voit bien que le gouvernement lui-même est clair sur la signification de ce stage et sur la contestation qu’il pourrait provoquer dans la période. Pour le moment, la date des annonces officielles reste encore inconnue et un proche de l’Élysée, contacté par Politis, a expliqué à nouveau qu’ « Il y a la peur d’une coagulation des colères », quand un autre confie : « Décrire le nouveau SNU pourrait précipiter la jeunesse dans la rue ».

Pas besoin d’attendre 2024, il faut se mobiliser maintenant contre le SNU et le monde qu’il nous promet

De la crise climatique au retour de la guerre en Europe en passant par la sélection et la précarité, voilà l’horizon que nous dessine le gouvernement. Et c’est la colère que cet avenir pourrait provoquer que le SNU cherche à éteindre en envoyant des jeunes de seconde faire des stages avec des militaires pour leur inculquer la discipline et l’amour de la patrie. La volonté même de généraliser le SNU est une promesse d’un avenir fait de guerres, de crise climatique, de sélection et de précarité.

Au lieu d’investir dans des moyens alloués à l’école, les milliards abondent donc dans le SNU, qui sera de surcroit dispensé pendant les temps scolaires, de même qu’ils abondent vers l’armée et la police. Un même projet réactionnaire.

Alors que le gouvernement essaye d’étaler dans le temps son attaque pour mieux faire passer la pilule et essayer de nous diviser, nous avons tout intérêt à ne pas rentrer dans son jeu et à ne pas séparer les combats les uns des autres. Dans les faits, la colère qui s’exprime contre la réforme des retraites va d’ores et déjà bien au-delà des retraites. Aussi, nous avons tout intérêt à élargir nos revendications et à faire de la réforme des retraites un combat bien plus large, qui incorpore ces multiples autres questions. Comme nous l’écrivions dans un autre article : « la fébrilité du gouvernement montre qu’il est possible d’arracher bien plus que le simple retrait de la réforme. En effet, derrière les retraites se pose une question bien plus large, celle de savoir dans quel monde nous voulons vivre. »

A lire également : Mobilisation dans les lycées : la réforme des retraites peut servir de catalyseur à une profonde colère


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