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Elections régionales

Régionales. Les LGBTI ont déjà perdu

Cet article a été écrit initialement avant les attentats du 13 novembre à Paris et à Saint-Denis. Aussitôt la plupart des partis ont suspendu leurs campagnes électorales, pour la reprendre ensuite au milieu du tournant droitier et sécuritaire du gouvernement Hollande-Valls. Avec l’intensification des frappes en Syrie, l’état d’urgence permanent, les perquisitions et les gardes-à-vue de manifestants dimanche 29 novembre, on dirait que les questions de genre sont passées au second plan dans les Régionales. Effectivement, il y avait relativement peu de présent-e-s lors du débat organisé avec les principaux candidats le 30 novembre au Centre LGBT Paris-IdF. Et pourtant, elles sont toujours présentes de manière latente, comme par exemple dans le discours homonationaliste qui cherche à justifier les guerres de l’impérialisme français au nom du droit des LGBT.

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Vous vous apprêtez à voter lors des prochaines les élections régionales qui auront lieu entre le 6 et 13 décembre 2015 ? Révolution Permanente vous propose de passer en revue les différents programmes des listes qui se présentent du point de vue de la question LGBTI. Nous avons fait le choix de nous concentrer sur les listes électorales en Ile de France et sur le programme des principaux partis politiques, ou de ceux qui parlent directement des questions de genre.

#jaichoisilhomophobie

La droite s’est rarement présentée comme une alternative pour les personnes LGBTI et, lors de ces élections, ce n’est pas l’exception. Valérie Pécresse dirige la liste #jaichoisivalérie avec Les Républicains, l’UDI et le Modem. Alors qu’en 2012 elle disait vouloir « démarier » les couples homosexuels si la droite revennait au pouvoir, elle changera de position un an plus tard, affirmant que l’abrogation de la Loi Taubira ne serait pas « humainement réaliste ». Pourtant, plusieurs choses laissent à penser que Pécresse n’a pas véritablement changé d’avis sur l’égalité des droits. Elle n’a pas hésité à se rendre au meeting de La Manif pour tous aux côtés des candidats du FN et de Débout la France, où elle a harangué les foules homophobes. De la même manière, on trouve plusieurs coordinateurs de La Manif pour tous dans ses listes électorales en Ile de France, ou sur les listes de Les Républicains en région. A Lyon, Anne Lorne de Sens Commun, se trouve sur les listes de Laurent Wauquiez dans les Rhône-Alpes-Auvergne. Enfin, comme l’a aussi constaté Yagg, on pouvait lire dans les tracts électoraux distribués ces dernières semaines qu’une des mesures défendues par Pécresse pour « en finir avec le clientélisme et l’opacité », serait de ne plus reconduire « plusieurs dizaines de milliers d’euros pour promouvoir la théorie du genre ».

Néanmoins, l’aile la plus radicale du mouvement homophobe n’est pas dupe de la stratégie électorale des Républicains, puisque Fabien Bouglé, conseiller municipal pour l’association ultra-conservatrice « Versailles Familles Avenir », a dénoncé la manœuvre de se montrer proche de LMPT (La Manif Pour Tous) pour gagner les voix d’un électorat réactionnaire.

Malheureusement pour nous, on n’a pas pu trouver de proposition explicite sur l’égalité des droits pour les personnes LGBTI dans le programme de Wallerand de Saint-Just, tête de liste du Front National, catholique traditionaliste, et trésorier du parti d’extrême-droite en IdF. Peut-être c’est parce que, en tant que trésorier national du FN, il doit gérer les scandales à répétition du parti des « mains propres ». Sinon, on pourrait presque croire que le FN, dont certaines têtes de liste se sont aussi rendus au meeting de La Manif pour tous, se soucie peu des droits des LGBTI, malgré ce que peut dire Jean-Marie Le Pen sur « la mafia des hétérophobes du FN ». Mais, après tout, d’après les déclarations de Marion Maréchal-Le Pen qui se présente en PACA, le programme du FN n’a rien de fondamentalement différent avec celui de LR, car il s’agit aussi de supprimer les subventions pour les associations LGBTI.

Du pinkwashing pour le Parti Socialiste

Le Parti Socialiste est représenté en Ile de France par la liste « Une Ile de France humaine » avec Claude Bartolone en tête, et dont un des volets de son programme s’intitule « Egalité républicaine ». Une des premières promesses concerne la mise en place d’une « Prime à la lutte contre les discriminations » pour les entreprises qui signent un accord avec la région, prime qui correspond à une « clause de prévention et de lutte contre les discriminations dans les procédures de marchés publics régionaux ». Pourtant, la mise en place de cette prime n’a rien de contraignant, puisqu’elle ne fait que verser de l’argent à des entreprise qui auraient mis en place un volet « prévention et lutte contre les discriminations », dont la nature n’est pas spécifiée, et non pas à sanctionner par des amendes des entreprises où les salarié-e-s seraient victimes de LGBTI-phobies.

Ailleurs dans le programme on trouve qu’il y aura aussi la mise en place d’un « délégué égalité » qui aura pour fonction d’orienter et accompagner « les candidats ou les salariés qui se sentent victimes de discriminations ». S’il s’agit d’une mesure juste, elle reste largement insuffisante, d’autant plus que les discriminations en entreprise sont légion et souvent, quand elles ne sont pas organisées par la hiérarchie elle-même, elles sont cachées. Les entreprises sont un lieu où, pour reprendre Marx, « le capitaliste formule en législateur privé et d’après son bon plaisir son pouvoir autocratique sur ses bras dans son code de fabrique », c’est-à-dire que c’est toujours un lieu où le droit est appliqué selon la volonté patronale. Dernièrement, une entreprise de textile a été condamnée par le Conseil des Prud’hommes en raison d’un licenciement abusif contre une salariée trans. Malheureusement, l’entreprise n’a pas été condamnée à proprement parler pour « transphobie » parce que ce motif n’existe pas dans la législation française. S’il y a une responsabilité politique à ce que les salarié-e-s LGBTI ne soient pas protégés dans les entreprises en France, c’est bien celle des partis qui se sont succédés au pouvoir les dernières années et qui ont fait peu ou rien pour que cela ne change.

Enfin, le denier aspect du programme du PS pour les régionales concernant l’égalité des droits est un vague « Vivre ensemble », où la Région promet mettre en place « une semaine d’éducation et de lutte contre le racisme, l’antisémitisme, le sexisme et l’homophobie », et où pendant laquelle « le devoir de mémoire sera promu ». De la même manière, des « ambassadeurs républicains » seraient formés dans les lycées et un guide des droits et recours en matière de discriminations serait à disposition de tous les citoyens.

Comme nous le disions ailleurs, non seulement les promesses du PS dans la lutte contre les discriminations en milieu scolaire (lycées et universités) n’ont jamais été à la hauteur des enjeux, mais elles ont rarement été suivie d’actes. On entend souvent dire, de la part de ministres, d’élus, ou autres représentants de l’Etat, que les institutions s’engagent à « élaborer et mettre en œuvre des politiques de lutte contre la discrimination et l’exclusion ». Pourtant, la lutte contre l’oppression selon le genre ou selon l’orientation sexuelle ne peut pas être menée par un parti qui n’a pas hésité à reculer sur ses promesses de campagne en matière d’égalité des droits (droit à la Procréation Médicalement Assistée, droit de vote des étrangers...). Mais, surtout, espérer qu’une majorité « de gauche » dans les régions ou dans les mairies sera un avantage dans la lutte contre les discriminations c’est penser qu’on doit attendre l’alternance et éventuellement des subventions, et non pas s’organiser dans nos lieux de travail et d’étude pour lutter contre les discriminations.

A « gauche de la gauche » : l’absence d’une véritable perspective

La liste Nos vies d’abord, avec Éric Coqueret du Parti de gauche, Pierre Laurent du PCF et Clémentine Autain de Ensemble affirme que « les politiques en matière d’égalité, de prévention et de lutte contre les discriminations sont trop souvent minorées ». Si l’on trouve dans la liste de propositions des mesures correctes et qui sont absentes dans le programme du Parti Socialiste comme « la défense et le maintien des centres IVG menacés », ou un contrôle accru des contrôles abusifs dans les transports, on retrouve aussi des mesures semblables à celles défendues par Bartolone, comme « conditionner l’octroi de marchés publics au respect de critères d’égalité salariale » entre homme/femme, ou la mise en place d’une « vice-présidence à l’égalité femmes/hommes ».

Maintenir les subventions ou la mise en place d’une charte anti-discrimination défendue par Coquerel restent des mesures insuffisantes qui se limitent à une action dans le cadre des institutions en dans une posture passive vis-à-vis des pouvoirs publics. De manière générale, la stratégie du Front de Gauche sur ces questions s’est donnée à voir en octobre, lorsque des députés du Parti Socialiste ont déposé un projet de loi sur le changement d’état civil fortement critiqué par les associations trans. A ce moment-là, le Parti de Gauche appelait « tous les parlementaires progressistes à amender profondément le texte à toutes les étapes de son examen ». L’amendement de textes parlementaires ou l’illusion que c’est par une « opposition de gauche » ou une « nouvelle majorité » que la donne changera pour les personnes LGBTI sont des impasses pour un mouvement LGBTI à reconstruire sur des bases militantes et indépendantes de l’Etat et du gouvernement.

Il y aurait, semble-t-il, malgré tout, une petite liste qui se voudrait une exception dans le jeu électoral. Il s’agit de la liste FLUO (Fédération libertaire unitaire ouverte), constituée avec Cannabis sans frontières ou le Parti Pirate, qui dit, entre autres choses, vouloir rassembler « celles et ceux qui sont harcelé(e)s » et représenter les « minorités sexuelles ». C’est lorsqu’il a été écarté des listes pour les élections régionales que Sylvain De Smet, ancien secrétaire départemental des Verts et élu depuis 2010 au conseil régional d’Ile-de-France sous la bannière EELV avec qui il a dirigé la région avec le PS, a cherché à créer la liste FLUO. Une liste pour les « oubliés des politiques » selon de Smet. On passera sur le paradoxe de présenter aux régionales une liste « libertaire ». Mais à part les déclarations faites à des médias assez curieux pour s’intéresser à la « liste des drogués, des putes et des exclus », on reste finalement sur notre faim si on regarde le programme des libertaires de FLUO. On y trouve effectivement la « lutte contre les discriminations institutionnelles et sociétales » dans le programme, mais il y a peu d’éléments concrets lorsqu’il s’agit des moyens de mettre en place celle-ci. On a du mal également de ne pas voir derrière cette liste un « coup de com’ » de la part d’un conseiller régional dont rien ne garantit l’autonomie vis-à-vis des partis du régime…

Il y a donc, finalement, peu d’alternatives pour les classes populaires, les jeunes et les LGBTI lors de ces élections régionales. Les principaux partis pro-patronaux cherchent à faire feu de tout bois, d’autant plus que, depuis les attentats, il semblerait que le Parti Socialiste ait adopté le programme du Front National en matière de sécurité intérieure. Face aux discriminations et aux violences, c’est bien sur nos propres forces qu’il va falloir compter !


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