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Toulouse

Meeting syndical à Toulouse : la CGT31 se range derrière la NUPES, le NPA suit

À la veille du premier tour des législatives, la CGT31 a organisé un meeting syndical avec la FSU, le NPA et la NUPES pour appeler à voter pour la coalition politique dirigée par Mélenchon. Si cet appel au vote NUPES marque un changement dans le discours de la CGT et un rapprochement entre sa direction et la nouvelle coalition politique, il place définitivement le NPA dans le rôle de caution radicale de la construction d’une nouvelle gauche de gouvernement.

Pepe Balanyà

10 juin 2022

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Ce 7 juin, à l’initiative de la CGT, se tenait un meeting syndical à la Bourse du Travail avec la FSU ainsi qu’avec le NPA et la NUPES pour l’augmentation des salaires et des pensions. Divisé en deux parties, le meeting a d’abord donné la parole à des militants syndicaux d’EDF, de Pôle Emploi, de Capgemini, de la Santé, de la Fonction Publique Territoriale et de l’Éducation Nationale dans l’objectif de faire connaître leurs luttes.

Comme l’expliquait la CGT au début du meeting, depuis novembre 2021, la région a connu plus d’une soixantaine de mobilisations dans les lieux de travail. En effet, on a vu émerger à l’échelle nationale des grèves défensives pour les salaires dans le cadre d’une inflation galopante. Ce phénomène a touché principalement des secteurs du privé, avec des bas salaires et peu habitués à faire grève, comme Décathlon, Leroy Merlin ou encore la sous-traitance aéronautique à Toulouse comme Mecachrome, les Atelier de la Haute Garonne, Daher, Satys, Thales, etc. Malgré la courte durée de ces conflits, leur suivi souvent majoritaire, leur composition jeune ainsi que leur nouveauté semblent dessiner les contours d’un « réveil ouvrier » qui pourrait être le symptôme d’un processus plus profond qu’il faudrait élargir et renforcer.

À l’occasion de ce meeting, la tribune était majoritairement composée par des militants du secteur public, ne représentant malheureusement pas les nouveaux visages de ce « réveil ouvrier » dont la région toulousaine a fourni plusieurs exemples, notamment dans un secteur aussi stratégique que celui de l’aéronautique. Or, réunir les différents représentants de ces conflits nouveaux dans la sous-traitance aéronautique aurait été un pas en avant vers la construction de l’unité entre le secteur publique et privé ainsi que vers la coordination et le renforcement du secteur aéronautique consciemment divisé entre des centaines d’entreprises par le patronat, qui se heurte précisément à cet obstacle dans sa lutte pour les salaires.

Parmi les représentants de ces nouveaux conflits, deux délégués de la CGT Mecachrome étaient présents dans la salle, mais n’avaient pas été invités à la tribune. Une situation qui illustre l’importance toute relative finalement accordée lors de cette échéance revendicative pour les salaires aux combats récents, à partir desquels il est possible de tracer une ligne pour l’action. Ce meeting se voulait plutôt, comme l’ont exprimé les délégués de la CGT Mecachrome avec raison, « un appel du pied mal déguisé à appeler à voter pour l’union de la gauche ».

La NUPES, un espoir pour les salariés ?

Pour la deuxième partie, la tribune a rassemblé Sylvain Cantaloube pour le NPA, Frédéric Borras (lui-même ancien militant du NPA parti rejoindre le Front de Gauche dès 2012) pour la NUPES et Cédric Caubère, secrétaire de l’Union Départementale de la CGT31, qui a conclu par un appel à voter et faire voter la NUPES. Dans quel objectif ?

Comme l’expliquait Cédric Caubère, il s’agit « de faire rimer campagne électorale avec augmentation des salaires » pour mobiliser massivement dans les urnes et « construire un rapport de forces ». Le NPA a poursuivi dans la même ligne : « On appelle à voter sans réserve pour une grande majorité des candidats de la NUPES » dans l’objectif de construire « un point d’appui contre Macron ».

Si cet appel marque un changement dans le discours de la CGT et un rapprochement politique entre sa direction et la coalition dirigée par Mélenchon, du moins dans le cadre des élections législatives, pour le NPA cet appel au vote NUPES marque une capitulation : un abandon de son indépendance envers la gauche sociale-libérale et la gauche de gestion des affaires du capitalisme, positionnant le parti de Poutou comme une caution radicale de la construction d’une nouvelle gauche de gouvernement.

En effet, après avoir évoqué lors du meeting les trahisons de la gauche institutionnelle comme celle de Mitterrand, le NPA a encensé la coalition de Mélenchon avec EELV et le PS, en expliquant que « quand Macron nous promet du sang et des larmes c’est évident qu’une partie de députés de la NUPES est une aide énorme pour nous ». Le militant du NPA a même pris le soin de dépeindre les candidats de la NUPES comme « des gens comme nous, qui viennent d’en bas », une perche dont s’est saisi Frédéric Borras pour donner des garanties face à ce revival de la gauche plurielle. Et cela dans un moment où la clarification à droite de la coalition politique se confirme même avant son arrivée au pouvoir, alors que le parachutage des politiciens professionnels de la NUPES a déjà poussé des figures ouvrières comme Xavier Mathieu et Cédric Brun à se retirer et a ouvert des critiques dans les quartiers populaires.

Si le NPA avait déjà porté des listes communes sur la base du programme de LFI en Occitanie aux dernières élections régionales et remis en cause son indépendance à l’égard de la gauche dite sociale-libérale lors des négociations échouées avec l’UP, la participation active à la campagne de la NUPES l’engage de facto dans la stratégie électoraliste d’une coalition intégrant des partis pro-patronaux comme EELV ou le PS, qui vise comme objectif politique principal la cohabitation avec Macron.

Alliance avec le réformisme, le PS et EELV, ou programme intransigeant avec le patronat ?

À rebours de cette stratégie, Clément Berger, secrétaire du syndicat CGT Mecachrome, est intervenu depuis la salle pour lire un communiqué de sa section syndicale. « J’ai comme mandat de mettre les pieds dans le plat », a-t-il commencé. Il a mis en avant les leçons de la grève récente de ce sous-traitant aéronautique, dont les salariés ont mené une grève de douze jours pour des augmentations de salaires. Cette grève, suivie par une importante majorité des ouvriers comme l’a expliqué Clément, a été organisée démocratiquement avec des Assemblées Générales, pour que la grève appartienne aux grévistes et pas uniquement aux syndiqués. Les grévistes ont cherché à tisser des liens de solidarité avec d’autres entreprises, se sont dotés d’une caisse de grève contrôlée par une commission de grévistes, et ont cherché à entrer en contact avec les autres sites du groupe, où la CGT n’est pas implantée pour élargir la grève. Si la grève n’a pas obtenu complètement ses revendications à cause de la division qui règne dans ce secteur, comme l’explique Clément, le récit de cette grève chargée de leçons (qui revenait sur sa préparation, ses points forts et ses faiblesses) était déjà en lui-même un outil de lutte.

« Loin des débouchés électoraux, a poursuivi le syndicaliste de Mecachrome, ce qui doit guider notre action c’est qu’on agisse pour satisfaire nos besoins immédiats, mais aussi à long terme nous devons construire notre indépendance de classe, sur la base de nos revendications en mettant à la tête de notre mouvement les plus précaires, exploités et opprimés d’entre nous. Pour cela notre grève a été et est porteuse d’espoir ». Le tout dans l’objectif de pour pouvoir construire un « vrai mouvement social pour mettre à bas le capitalisme et la catastrophe écologique qu’il provoque ».

Une grève - il y en aurait des dizaines d’autres dans la période - porteuse d’espoir mais surtout d’exemples, riches d’éléments pour l’action à généraliser. C’est à partir des résultats des grèves qui ont eu lieu ces derniers mois, notamment dans la région, de leurs forces et de leurs limites, que les membres des syndicats devraient discuter pour chercher les voies de la construction d’un vaste mouvement d’ensemble capable d’arracher l’augmentation des salaires et leur indexation sur la hausse des prix. Pour l’instant, les grèves actuelles font face à plusieurs obstacles : elles sont isolées entreprise par entreprise et souvent limitées par le calendrier des négociations annuelles obligatoires avec le patron. Ces obstacles sont renforcés, d’une part, par l’absence de plan un tant soit peu général des directions syndicales et, d’autre part, par l’illusion que le vote pour des députés de gauche (qui permettraient la formation d’un hypothétique gouvernement) pourrait changer les choses. Dans ce sens, alors que les combats sont au rendez-vous et que la situation économique s’aggrave, il est regrettable que le seul meeting unitaire pour les salaires qui a eu lieu sur la ville ait été organisé dans l’objectif d’appeler au vote NUPES.

L’agitation électoraliste de Mélenchon qui se propose de faire « économiser les jours de grève et les kilomètres de manifestation » et le programme de la NUPES qui propose d’augmenter les salaires par l’organisation d’une « conférence sociale générale » par branche enferment la dynamique de grève naissante soit dans l’illusion du vote, soit dans l’illusion du dialogue social. D’une certaine manière, l’appel de structures CGT au vote pour la NUPES est en ce sens cohérent : la passivité face à la nécessité de coordonner les grèves qui émergent, les étendre, les armer de mots d’ordre communs, trouve son pendant dans le fait de remettre son destin entre les mains de « l’union de la gauche ».

Ce sont bien deux stratégies qui s’affrontent. Celle de la NUPES, rejointe par la CGT31 et le NPA qui travaille à une telle union depuis les régionales, estime qu’il est possible de renégocier un compromis entre le travail et le capital, sur la question des salaires ou encore de l’écologie, en votant pour un gouvernement de gauche quitte à réhabiliter les organisations les pus traîtres et libérales comme le PS ou EELV. Dans cette stratégie, les luttes ouvrières sont un supplément d’âme, qui peut être mobilisé pour servir de masse pour le vote, mais n’a pas de rôle spécifique à jouer. Alors que la région toulousaine est un bastion électoral mélenchoniste, et que ses candidats sont quasi-assurés d’obtenir plusieurs circonscriptions, Clément de Mecachrome dénonce cette stratégie : « le PS, PCF, LFI et EELV ne sont pas venus nous voir », « il y a eu juste un thread sur twitter en appelant à notre caisse de grève à laquelle ils n’ont pas participé non plus ». Et de continuer : « pour la nouvelle union de la gauche ça fait peu de soutien pour une lutte ouvrière ». On pourrait en dire autant du NPA qui, au-delà de se revendiquer de l’anticapitalisme et la lutte de classes, n’a pas mobilisé ses forces pour faire avancer ce conflit chargé de leçons pour le mouvement ouvrier.

À l’inverse de cette stratégie, en accord avec la déclaration des militants du syndicat CGT Mecachrome, nous estimons qu’il n’y a d’issue positive pour les revendications ouvrières que dans la lutte contre les capitalistes, dans les grèves. Ce sont les travailleuses et les travailleurs en lutte, pas les élus, qui ont la situation entre leurs mains. Cela implique de maintenir l’indépendance des organisations ouvrières vis-à-vis des partis bourgeois et de la gauche qui met en avant le dialogue social avec le gouvernement et le patronat. Toutes les organisations ouvrières devraient se fixer comme devoir de soutenir les grèves en cours, de les renforcer, de travailler à leur élargissement et à leur coordination. Contre l’unité par en haut à des fins électoralistes, c’est cette unité des secteurs en grève, divisés actuellement par le calendrier des NAO, que nous défendons. Cela passera notamment par l’élaboration d’un programme de lutte commun pour augmenter massivement les salaires et pour qu’ils suivent la hausse des prix, mais aussi par la construction d’une organisation révolutionnaire qui défende et porte cette stratégie au sein du mouvement ouvrier et des différents mouvements sociaux.


      
    
  
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