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Migrants : ouvrir les universités. Etudiants d’ici, d’ailleurs, ni divisés ni instrumentalisés !

Guillaume Loic Le Ministère a donné ses consignes. La conférence des Présidents d’université relaie, en prenant soin à chaque communiqué de saluer l’action du Président de la République. Si bien qu’il semblerait que les portes des universités soient en train de s’ouvrir, et par en haut. Mais qu’en est-il vraiment ?

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Le PS et le gouvernement à la manœuvre

Les prises de position de directions d’université en faveur de l’accueil de jeunes migrants dans leurs établissements sont venues en salve, le 8 septembre. Hasard du calendrier ? Aucunement, puisque ce mardi là était le lendemain du discours à travers lequel François Hollande a annoncé du même coup l’accueil – chiffre misérable – de 24 000 réfugiés – terme bien réfléchi, qui sert à justifier le tri entre bons et mauvais migrants à l’entrée de l’Europe – et les nouveaux bombardements en Syrie.

Une dizaine de présidences d’universités ont alors embrayé en déclarant la main sur le cœur qu’il était de leur devoir de faire vivre cette « France, terre d’asile » en ouvrant leurs portes aux victimes des guerres au Moyen-Orient. Il s’agit, et là non plus il n’y a pas de hasard, de dirigeants réputés proches du parti socialiste, qui depuis quelques semaines tente de surfer sur la vague de solidarité qui traverse l’opinion. Sans succès lors d’un meeting le cinq septembre dernier. Mais la stratégie du premier secrétaire socialiste Jean-Christophe Cambadélis, rompu aux récupérations, ne s’est pas arrêtée à ce premier revers, et le PS a annoncé la création d’un réseau de « villes solidaires » à partir des mairies qu’il dirige – avec à peu près le même niveau d’hypocrisie que pour les universités.

Des déclarations d’intention qui sont loin de suffire

Après quatre mois d’expulsions et de traques des migrants de La Chapelle et d’Austerlitz, inutile de revenir longuement sur l’hypocrisie des déclarations officielles. Car le problème n’est pas uniquement là : ce qui choque, c’est de découvrir le vide des dispositifs réels derrière le flot des prises de position. À Nanterre, on se vante à travers les colonnes du Parisien d’accueillir d’ores et déjà… vingt réfugiés par an. À Montpellier 3 ou encore à Paul Sabatier à Toulouse, on se paie le luxe d’un article dans la presse sans rien de plus qu’une déclaration d’intention. Et à Paris 1, la plus grosse fac de France (37 000 étudiants), un communiqué en grande pompe annonçait la disposition de la présidence à recevoir… cent étudiants réfugiés !

Et, en termes de dispositifs pédagogiques, les uns parlent de donner aux personnes accueillies le statut d’auditeur libre, c’est-à-dire de ne pas leur ouvrir l’accès au diplôme, quand les autres insistent sur l’importance du bénévolat des étudiants et personnels pour accompagner les nouveaux arrivants. C’est à se demander si, à défaut de solidarité, on n’assisterait pas plutôt à un coup de bluff sur le dos des migrants. Si ces déclarations réaffirment une chose, c’est bien que la solidarité est un combat, pour obtenir les moyens d’un accueil digne et sans restrictions de toutes et tous les migrants sans distinction, pour en finir avec les OQTF et la répression. Les jeunes qui ont la chance d’être scolarisés ici ont en effet du pain pour la planche pour assurer l’entraide nécessaire à cet accueil, mais cela ne pourra se faire dans le cadre officiel étriqué et hypocrite que sont en train de dessiner les directions d’université.

Solidarité ou faire valoir impérialiste ?

Et cela d’autant plus que les contours de cette opération de communication orchestrée depuis l’Élysée sont au mieux obscurs, au pire explicitement mis au service de la politique impérialiste de l’État français. La présidence de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne en a donné ce mardi un exemple caricatural. Dans une lettre à l’ensemble de la communauté universitaire signée de Philippe Boutry lui-même, et à coups de grandes phrases sur le devoir de solidarité qui lui incombait, était annoncé un nouveau partenariat avec l’émirat du Qatar. Ce dernier va verser 600 000 euros pour assurer la formation de la centaine de jeunes – pas plus – évoquée plus haut. À travers cette opération, la Sorbonne prête donc son image à l’un des régimes du monde qui réserve le traitement le plus barbare aux travailleurs immigrés, africains ou philippins, qui sont exploités sur son sol. Une manière, pour la présidence de cette université, de prêter main-forte au partenariat stratégique que cherche à développer la bourgeoisie française avec plusieurs pays du Golfe, après avoir construit et inauguré en grande pompe la « Sorbonne Abu Dhabi » dans l’émirat voisin. Souvenons-nous qu’au mois de mai dernier, le Qatar achetait pas moins de 24 Rafale au grand patron Serge Dassault.

Le projet affiché par le Président de Paris 1 va d’ailleurs un peu plus loin dans ce service rendu à l’impérialisme français et à ses alliés réactionnaires. « En ouvrant ses portes dans ses grands domaines de formation et de recherche, nous explique Philippe Boutry, l’université entend préparer les cadres dont le Moyen-Orient aura besoin pour sa reconstruction et son développement à venir ». Voilà donc l’objectif de cette « solidarité » officielle : former la ressource humaine qui pourra ensuite servir de relais sur le terrain à la diplomatie française, dans un Moyen-Orient soumis à une forte instabilité et où cette dernière a joué un rôle clé pour stopper la dynamique des printemps arabes. En cela, la direction de la Sorbonne ne fait que décliner de manière un peu plus pittoresque la ligne générale de la Conférence des présidents d’université qui, dans sa déclaration du 8 septembre dernier, inscrivait déjà le geste des universités envers les migrants dans la continuité de la « lutte contre le terrorisme, l’intégrisme et la radicalisation ».

Mensonges et divisions : les racistes s’en mêlent

Mais à défaut d’apporter une solution à l’urgence imposée par les besoins des migrants, cette opération de communication a servi de prétexte à un déferlement xénophobe et haineux bien réel de la part de l’extrême droite universitaire. Des milieux qui, toujours aussi puants, cherchent à se redéployer en cette rentrée. En quelques heures, l’UNI puis le Collectif Marianne de Paris 1 (derrière lequel se cachent les jeunes du FN) ont sorti des communiqués dans lesquels ils s’insurgent de cet accord… non pas pour son hypocrisie mais parce que celui-ci laisserait de côté les étudiants-bien-de-chez-nous. Sautant sur l’occasion et sur un solide fond d’islamophobie – comme si leur catholicisme traditionnel n’était pas tout aussi réactionnaire – ils cherchent à opposer étudiants d’ici et d’ailleurs en mettant en avant le problème bien réel des « sans fac », ces milliers de jeunes et moins jeunes qui se trouvent refusés par les universités en cette rentrée pour cause de restrictions budgétaires.

Xénophobes, ces courants de la « droite étudiante » sont aussi profondément anti-populaires, et n’ont de cesse de prôner la mise en place de frais d’inscription à l’entrée des universités ou encore la mise en place de processus sélectifs dès l’entrée en licence. Ce faisant, ils promeuvent une fac toujours plus inaccessible aux enfants des classes populaires, et notamment immigrés, la sélection pseudo-méritocratique ayant systématiquement comme conséquence de n’ouvrir les portes des universités qu’aux jeunes issus des familles à fort capital culturel dominant, scolarisés dans les meilleurs lycées, n’ayant pas besoin de travailler à côté des études ou encore habitant à proximité de leur lieu d’étude.

Imposer l’ouverture de nos universités et la scolarisation de toutes et tous dans la filière de leur choix

C’est pourquoi la division qu’ils veulent imposer entre étudiants de France et migrants doit être combattue. L’inscription de chaque étudiant, qu’il ou elle soit d’ici ou d’ailleurs, dans la filière de son choix, est un bien précieux et doit redevenir un acquis. L’accès à nos universités doit être gratuit et universel. C’est en ce sens que la mobilisation des « sans facs » qui commence à se développer ces dernières semaines, et le combat de solidarité que nous menons aux côtés des migrants, posent en dernière instance une seule et même question : celle du droit de toutes et tous à étudier.

Ce droit, s’il commence par l’ouverture des portes mêmes des universités, ne s’y arrête pas. Ouvrir nos facs, c’est aussi les arracher des mains des classes dominantes, qui s’en servent pour leurs opérations publicitaires comme c’est le cas en ce moment avec les déclarations de bonnes intentions hypocrites envers les migrants, ainsi que pour diffuser au quotidien auprès de la jeunesse un « savoir » visant à justifier l’ordre dominant. L’université dont nous avons besoin, c’est un lieu où, quel que soit notre pays d’origine, nous pourrons réfléchir aux solutions pour en finir avec les guerres et la misère semée par la minorité capitaliste. Ce grand combat commence maintenant, avec une tâche immédiate : la solidarité étudiante concrète, efficace, et indépendante, envers toutes et tous les migrants.


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