Meeting Anasse Kazib 2022

« On ne devrait pas avoir à choisir entre manger et étudier, il faut un revenu étudiant » Philomène Rozan

Philomène Rozan

« On ne devrait pas avoir à choisir entre manger et étudier, il faut un revenu étudiant » Philomène Rozan

Philomène Rozan

Philomène Rozan, étudiante, membre du collectif féministe Du pain et des roses et de l’organisation de jeunesse révolutionnaire Le Poing levé, intervenait mercredi dernier lors du grand meeting de lancement de campagne d’Anasse Kazib. L’occasion de revenir sur la situation de la jeunesse et ses aspirations pour construire le monde d’après.

Je voudrais commencer en disant mon émotion d’être là ce soir et de voir autant de jeunes dans la salle, de voir depuis la rentrée l’écho qu’a eu la campagne dans la jeunesse, sur nos facs, nos lycées, ou chez nos collègues. Et si je dis ça c’est parce qu’on sort de presque deux ans de confinement, de fac fermées, de solitude. Après ces mois passés à faire la queue pour se nourrir, à vivre seul, interdit de sortie après 18h, se retrouver ici est presque salvateur.

Je suis heureuse de voir autant de jeunes ce soir aussi parce qu’après tout, ça n’a rien d’évident, que des centaines de jeunes puissent défendre la candidature d’un cheminot en 3/8 ... En tous cas c’est ce qu’aimerait nous faire croire les classes dominantes.

Elles qui aiment nous dépeindre comme une génération individualiste et dépolitisée, elles qui voudraient nous faire croire qu’on vit les « plus belles années de notre vie », elles veulent nous dire qu’on n’a rien à voir avec les travailleuses et les travailleurs. Elles veulent nous faire croire que les cheminots ne pensent qu’à leurs petits acquis et n’en n’ont rien à faire de notre sort.

Pourtant si on ouvre les yeux deux secondes sur la réalité on voit bien que ce n’est pas vrai, et qu’on a au contraire tout en commun.

Parce que la réalité de notre jeunesse actuellement, il faut savoir que c’est 15 % de chômage chez les 15-29 ans, à savoir le double de la moyenne européenne. Mais c’est aussi une vie faite d’alternances où tu n’as même pas le droit à un SMIC, de stages à rallonge où on n’est juste pas payé du tout. Mais c’est aussi des taffs chez ubereats, chronodrive, mcdo, carrefour, des taffs au black qu’on a à côtés de nos études pour tenir jusqu’à la fin du mois, actuellement c’est la moitié des étudiants sont obligés d’être salariés.

Je parle des étudiants, mais ça c’est dans l’optique ou on arrive à passer la porte de la fac. Parce qu’il y a toute une partie de la jeunesse qui est privée d’études, exclue de l’enseignement supérieur du fait de la sélection à l’université toujours plus importante, et qui a été accentuée par les politiques de destruction de l’université, comme ce à quoi on a eu droit avec Macron et Parcoursup.

Ces deux dernières années, la crise du Covid est venue amplifier un problème qui existait déjà mais surtout le révéler au grand jour : elle a rendu visible une précarité violente, celle des étudiants qui ne peuvent pas manger à leur faim dans une des plus grandes puissances mondiales.

Et face à cela qu’est-ce qu’on nous a donné ? Des miettes, des contrats jeunes, des soi-disant « repas à 1euros »…

A l’heure où un étudiant sur deux ne mange pas à sa faim, ce qu’on voudrait dire, dans cette campagne, c’est qu’on ne devrait pas avoir à choisir entre manger et étudier. On ne devrait pas sacrifier nos rêves pour un boulot de merde. Il ne devrait pas y avoir de jeunes obligés de finir au chômage ou au cimetière comme toutes ces personnes qui se sont suicidés pendant le confinement ou ces jeunes des quartiers populaires qui sont tués par la police. Nous ce qu’on veut dire c’est qu’on doit et qu’on peut remédier à cette situation. Par exemple, en exigeant que l’université soit ouverte à tous et toutes. Ou encore, exiger un revenu étudiant sur la base du smic pour pouvoir vivre dignement.

A l’heure des pandoras papers, des milles milliards d’euros planqués, des bénéfices si importants qu’on ne peut même pas se les représenter, on sait que cet argent existe, et qu’il pourrait permettre de financer un revenu étudiant, et tant d’autres choses. Pendant que les étudiants vivent dans des chambres CROUS sordides, sans chauffage ou dans des chambres de bonnes misérables à 800 euros par mois, il y a des tonnes de logements vides qu’on pourrait réquisitionner. Chaque jeune devrait pouvoir étudier, se loger, travailler dans des conditions dignes avec un revenu décent pour pouvoir se réaliser.

Et face à la crise sanitaire, économique, à toutes ces violences qui ont été pointées du doigt pendant le quinquennat, il faut dire que les perspectives qu’on voit se dessiner pour ces élections sont cauchemardesques. Qu’est-ce qu’on nous propose ? D’un côté, Zemmour et son projet de grand remplacement, avec une radicalisation sans précédent des idées politiques réactionnaires, et qui s’étend à l’ensemble du champ politique, des Républicains à Le Pen, en passant par Macron ou le PS de Hollande qui lui ont déroulé un tapis rouge ces dernières années.

En face, il n’y a aucune alternative qui tienne la route. Ce qu’on nous propose pour faire affronter l’extrême droite, c’est une gauche qui s’est adaptée au tournant sécuritaire et autoritaire, à la politique islamophobe du gouvernement, une gauche qui manifeste aux côtés de la police. C’est le PCF, le PS, Yannick Jadot, qui ont manifesté aux côtés de Zemmour, de Darmanin, de Bardella, en soutien à la répression dans les quartiers, dans nos manifs.

Et après ça, parce qu’il y a une forte abstention dans la jeunesse, on voudrait faire croire qu’on ne s’intéresse pas à la politique… Mais c’est surtout qu’on n’en veut pas, de cette gauche-là ! Depuis des années on a montré toute notre colère, toute notre radicalité. Dans plein de mouvements, la question qu’on a posée, au fond, c’est celle du monde dans lequel on veut vivre. On a refusé la passivité et on a été nombreuses et nombreux à vouloir construire nous-mêmes le monde d’après. Notre monde d’après, c’est les centaines d’étudiants engagés dans les banques alimentaires pour aider leurs camarades de promo à remplir leur assiette. C’est les dizaines de milliers de personnes marchant pour les droits LGBT dans des pride radicale. C’est les marches climat et les actions contre la destruction de la planète par le capitalisme. Notre monde d’après, c’est les 100 000 personnes devant le Tribunal de Paris le 2 juin 2021 pour exiger Justice pour Floyd et pour Adama !

Et puis ces dernières années on a vu arriver une nouvelle vague féministe qui a façonné la génération dont je fais partie, une jeunesse qui relève la tête contre les violences sexistes et sexuelles, dans tous les endroits de notre vie.
Avec notre collectif féministe Du pain et des roses, on s’est battues contre toutes les violences faites aux femmes tout en refusant l’instrumentalisation du gouvernement qui profite de l’oppression patriarcale pour renforcer les dispositifs policiers en pénalisant le “harcèlement de rue” tout en laissant un violeur au ministère de l’Intérieur. Un gouvernement qui, sous couvert de féminisme, stigmatise les femmes musulmanes, et fait passer des lois xénophobes.

A l’inverse, nous on défend le féminisme des opprimés et des exploités. Parce qu’on ne pense pas que l’émancipation c’est pouvoir diriger le CAC 40 !

Notre féminisme, c’est celui qui s’organise dans le monde du travail et qui s’affronte non seulement aux violences sexuelles mais aussi à la brutalité patronale : celle des jeunes travailleuses de McDo, des Ibis Batignolles mais aussi de Chronodrive, où notre camarade Rozenn a été licenciée pour avoir osé briser l’omerta dans son entreprise.

Notre féminisme, c’est celui des femmes qui se battent aux côtés des grévistes de ONET en 2017 et que je suis extrêmement fière de pouvoir compter parmi nous ce soir. Des femmes qui se sont battues pour leur conditions de travail, mais aussi pour la dignité, en dormant dans les gares, en s’affrontant à la police et qu’on a été nombreuses à soutenir chaque jour sur leurs piquets de grève. C’est un honneur qu’elles soient là ce soir, elles ont gagné en décembre 2017 et leur combat vit encore aujourd’hui. C’est celui qu’on veut porter dans la candidature d’Anasse.

Parce que la jeunesse du Poing Levé et de Révolution Permanente c’est aussi celle qui lie son combat à celui des travailleurs et des précaires. Et qui comprend que notre destin est lié à celui de ceux qui font tourner la société. C’est pour ça qu’on a été de tous les grands mouvements de la lutte des classes qui ont marqué ce quinquennat : la bataille du rail, les Gilets jaunes, la réforme des retraites, dont il y a de nombreux acteurs à cette tribune et dans cette salle.

Moi pendant la grève de 2019, avec énormément de jeunes j’étais sur les piquets de grève au côté des ouvriers de la RATP et de la SNCF, tous les jours, dès 4h du matin, parce qu’on disait déjà que leur combat c’était aussi le nôtre. On disait aussi que notre combat est aussi le leur, et eux le répétaient beaucoup à ce moment-là : ils disaient se battre pour un autre avenir pour leurs enfants. Et c’est avec la même logique qu’on a soutenu les ouvriers de Grandpuits, pour affirmer qu’un monde écolo, il se construit avec eux, sur les piquets de grève, contre Total… On veut dire que pour construire une alternative à ce que nous promet le capitalisme, il faudra le faire en s’alliant aux travailleurs.

Quand on voit tout ça, on se rend compte que la colère elle est loin de manquer. On voit même qu’elle explose partout. Ce qui manque, ce qu’il faut maintenant, c’est qu’on commence à l’organiser et à la doter d’un projet pour arrêter de résister et commencer à gagner.

Et, finalement, c’est aussi ça l’idée qu’on veut porter dans ces élections : l’enjeu, c’est la construction d’un avenir autre. Mais pour l’imposer, pour arracher à la classe dominante ce dont on a besoin, il va nous falloir un rapport de force immense ! Parce qu’en face, ils ne vont pas nous le donner sur un plateau. Et les élections ne suffiront pas. Parce que s’il a fallu une pandémie pour avoir un repas à 1 euro, vous imaginez bien que toutes nos exigences ne seront pas exaucées avec un bulletin dans l’urne….

Bien sûr, en face, ils sont organisés : ils ont leur police, leurs institutions, leurs médias mais aussi leur version de l’histoire qu’ils n’hésitent pas à imposer, comme le rappelle durement le soixantenaire du 17 octobre 1961, et les 30 ans de mensonge d’état, de dissimulations actives de dizaines de meurtres racistes.

De même, rien que pour se présenter aux élections et être autorisés à défendre nos idées, il y a des obstacles extrêmement difficiles à franchir et qui ont été mis en place pour éviter toute forme de contestation du cirque électoral. Je parle bien sûr de la barrière des 500 parrainages…

Alors ce qu’on vous propose ce soir ce n’est pas juste 2022. Ce n’est pas de gagner des élections. C’est de construire un autre projet de société et de se battre dans le camp des exploités et des opprimés qui, partout, dans le monde, se soulèvent contre l’autoritarisme, les crimes policiers, les guerres, et qui exigent que les capitalistes payent leur crise. Le capitalisme ne sera pas la fin de l’histoire. Militer et construire la campagne d’Anasse, c’est se donner les moyens d’abattre ce système et d’en construire un autre, le socialisme, qui est le seul capable d’offrir un avenir à la jeunesse et à l’humanité.

Parce que dans une période de colère aussi grandes et de mobilisations intenses, notre objectif ce n’est juste de faire peur aux classes dominantes, notre objectif c’est de gagner. Ce qui est à l’ordre du jour pour tous militants qui veut changer la société c’est de se hisser à la hauteur des événements de la lutte de classes qui nous attendent.

Alors la jeunesse de 2022, c’est celle qui se donne les moyens d’y arriver.

Et c’est ce projet qu’on veut faire entendre avec la candidature révolutionnaire et ultra-subversive qu’est celle d’Anasse : c’est pour ça on vous appelle toutes et tous à rejoindre les comités de soutien à la campagne d’Anasse Kazib, à militer pour la campagne, à faire en sorte qu’on ait, ces 500 parrainages !

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