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Loi Pouvoir d'achat

Ouvrir les négociations avec le patronat sur les salaires : les solutions utopiques de LFI

Depuis le début des débats autour du projet de loi sur le pouvoir d'achat, les députés de la NUPES sont vent debout contre la majorité présidentielle. En réalité, le programme de la coalition consiste en premier lieu à proposer des négociations, remettant ainsi la question des salaires entre les mains du patronat, alors que l’urgence est à la construction du rapport de forces.

Irène Karalis

19 juillet 2022

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Crédits photo : EMMANUEL DUNAND / AFP

Depuis le début des débats autour du projet de loi sur le pouvoir d’achat, les députés de la NUPES sont vent debout contre la majorité présidentielle. « Est-ce que vous vous rendez compte de la détresse sociale que sont en train de vivre les gens ? », a asséné le député LFI Louis Boyard, dénonçant le refus de la macronie d’augmenter le SMIC à 1500 euros. Pourtant, en réalité, en dehors de quelques mesures nécessaires mais insuffisantes face à l’inflation galopante, le programme de la NUPES en matière de « pouvoir d’achat » consiste à proposer des négociations, et donc à remettre la question de nos salaires entre les mains du patronat.

Face à l’inflation et à l’enfumage du gouvernement, un programme insuffisant

Comme prévu, le projet de loi sur le pouvoir d’achat débattu cette semaine à l’Assemblée s’avère être un nouveau crachat à la gueule des travailleurs et des classes populaires de la part du gouvernement. En matière d’énergie et de carburant, le projet prévoit en effet la prolongation du bouclier tarifaire sur les prix du gaz et de l’électricité jusqu’à la fin de l’année, ainsi que la prolongation de la remise carburant de 18 centimes jusqu’au 1er octobre, puis son remplacement par une « indemnité carburant travailleurs » versée en fonction des revenus et de la distance parcourue par les travailleurs. Le projet prévoit également une revalorisation des prestations sociales de 4% ainsi que celle du point d’indice des fonctionnaires à 3,5%, une véritable insulte au vu de l’inflation qui a atteint les 5,8% en juin dernier. En revanche, tout est fait pour flatter le patronat et éviter la question des salaires, et le projet prévoit la défiscalisation de la prime Macron, pouvant désormais aller jusqu’à 6000€ pour certaines entreprises, ainsi que la hausse du plafond de la défiscalisation des heures supplémentaires.

En somme, le gouvernement ne propose que de nouvelles miettes. Dans le même temps, entre le conditionnement du RSA à 15 à 20 heures d’activité ou le report de l’âge de départ à la retraite à 65 ans, les promesses de contre-réformes se font de plus en plus fortes.

Or, alors que l’inflation pourrait atteindre les 7% en septembre, le programme de la NUPES ne semble pas à la hauteur de la situation. La coalition propose ainsi un panel de mesures d’urgence, telles que le rehaussement du SMIC à 1500 euros net par mois, l’augmentation du point d’indice des fonctionnaires de 10%, la revalorisation des retraites pour qu’aucune retraite complète ne se situe en-dessous du SMIC revalorisé – mettant par ailleurs la question des décotes sous le tapis – ou encore la mise en place d’une garantie dignité pour que personne ne vive en-dessous du seuil de pauvreté, actuellement à 1102 euros. S’il permettrait de soulager légèrement une partie des travailleurs, un tel programme est néanmoins insuffisant, alors même que « 55 euros le 10 du mois : c’est ce qu’il reste en moyenne aux 38 millions de Français gagnant moins de 2000 euros par mois, pour survivre », comme le rappelle pourtant justement L’Insoumission.

Augmentation des salaires : s’en remettre au patronat ou construire le rapport de forces ?

Mais au-delà de ces mesures d’urgences, la principale proposition de la NUPES consiste en la mise en place d’une « conférence sociale générale sur les salaires ainsi que dans chaque branche ». La coalition propose ainsi d’ouvrir des négociations avec le patronat autour de l’augmentation des salaires, des écarts de salaires au sein de l’entreprise, de la répartition de la valeur, de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ou encore de la formation, des parcours professionnels et des conditions de travail. Et les aides publiques versées aux entreprises seront conditionnées aux résultats de ces négociations, qui devront avoir pour résolution que les « politiques salariales s’inscrivent dans une politique de revalorisation ambitieuse, de développement de l’emploi et de reconversion professionnelle. »

On pourrait prêter de bonnes intentions à la NUPES si de telles négociations…n’existaient pas déjà. En effet, dans toutes les entreprises où existent des délégués syndicaux se tiennent des Négociations Annuelles Obligatoires (NAO), réglementées par les articles L.2242-1 à L.2242-21 du Code du Travail et durant lesquelles sont entre autres négociées la durée du temps de travail, le partage de la valeur ajoutée ainsi les rémunérations. À titre d’exemple, en ce qui concerne les objectifs d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, l’article L.2242-5 prévoit déjà que « l’employeur engage chaque année une négociation sur les objectifs d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans l’entreprise, ainsi que sur les mesures permettant de les atteindre. » Idem pour les négociations par branche, réglementées elles aussi par le Code du Travail.

Or, si la colère gronde dans le pays autour de la question de l’inflation et des salaires, c’est précisément parce que dans la plupart des entreprises, les dernières négociations salariales n’ont non seulement pas rattrapé les pertes de salaire provoquées par le gel, voire la baisse des salaires pendant la pandémie, mais ont abouti à des revalorisations salariales bien en-deçà de l’inflation, les plus récentes aboutissant pour la plupart à des hausses de salaire de 2 à 3%. C’est particulièrement le cas pour les négociations par branche, menées la plupart du temps à froid sans aucun rapport de force faute de travail syndical effectué en amont.

Dans ce contexte, il est illusoire d’imaginer que le patronat pourrait céder de quelconques augmentations de salaire dans le cadre d’une simple « conférence sur les salaires ». En réalité, la logique de la NUPES ne peut conduire qu’à désarmer notre classe et notre camp en remettant la question des salaires entre les mains du patronat et en conditionnant leur hausse au « dialogue social ». En dernière instance, il s’agit de la part de la coalition d’un refus de s’affronter réellement au patronat et plutôt d’une tendance à la collaboration avec le grand patronat. Ce faisant, la NUPES s’adapte aux institutions de la Vème République et à ses cadres de négociation. Dans la même veine, Gérard Leseul, député socialiste, et Éric Coquerel de LFI n’excluaient d’ailleurs pas le fait de faire des alliances ponctuelles avec Les Républicains sur la question du pouvoir d’achat, le premier affirmant qu’il n’était « pas impossible de travailler avec la droite sur tel ou tel point », et le deuxième évoquant l’idée de travailler avec LR pour « imaginer des amendements » au projet de loi du gouvernement.

Or, loin de toute discussion avec le parti de celle qui proposait la retraite à 65 ans et la dégressivité des allocations-chômage dans son programme aux présidentielles,, l’augmentation des salaires et leur indexation sur l’inflation ne pourra naître que de l’imposition d’un rapport de forces face au patronat. De ce point de vue, la proposition de Jean-Luc Mélenchon d’organiser une « grande marche contre la vie chère » ne permet pas d’avancer dans la construction de ce rapport de forces, dans la mesure où poser une date de manifestation un samedi après-midi évacue de fat la possibilité de faire grève pour la majorité des travailleurs. Une telle date, appelée uniquement pour faire pression sur les débats à l’Assemblée, ne peut peser réellement sur de potentielles négociations. À rebours d’une telle stratégie, alors que ces derniers mois, les grèves pour les salaires se sont multipliées en France, mais aussi au Royaume-Uni et en Belgique, l’urgence est à la construction d’un plan de bataille pour la rentrée au sein de la classe ouvrière, dans la rue et sur les lieux de travail, par la grève et la coordination et loin des illusions des bancs de l’Assemblée.


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