A bas la patrie, à bas la colonne !

Pourquoi les Communards ont-ils abattu Vendôme ?

David Labica

Pourquoi les Communards ont-ils abattu Vendôme ?

David Labica

Toute révolution abat les monuments symbole du despotisme. 1789 a vu la prise de la bastille et sa destruction. 1871 a vu la colonne Vendôme, symbole du bonapartisme, mis à terre par les communards.

Le 12 avril 1871, la Commune de Paris prend la décision d’abattre la colonne Vendôme, symbole du bonapartisme, dans un décret rédigé par le docteur Sémerie : « Considérant que la colonne impériale de la place Vendôme est un monument de barbarie, un symbole de force brute et de fausse gloire, une affirmation du militarisme, une négation du droit international, une insulte permanente des vainqueurs aux vaincus, un attentat perpétuel à l’un des trois grands principes de la République française, la fraternité, décrète : Article unique : la colonne Vendôme sera démolie ». Elle sera abattue, un mois plus tard, le 16 mai 1871 à 17h15.

Érigée en 1810 afin de commémorer les conquêtes napoléoniennes, la colonne Vendôme est attachée au souvenir de l’empereur français qui mit un terme à la Révolution initiée en 1789. Son neveu, Napoléon III, empereur de 1851 à 1870, avait investi ce monument éminemment symbolique pour son propre pouvoir. En 1863, il avait fait remplacer la statue de Napoléon en petit caporal qui se tenait au sommet de l’édifice par une statue de Napoléon en César.

crédit : Bruno Braquehais
crédit : Bruno Braquehais

Initialement prévue pour le 5 mai 1871, jour anniversaire de la mort de Napoléon Ier, la démolition du monument symbole du militarisme s’effectuera le 16 mai 1871. Ce jour-là, la foule s’est réunie sur la place Vendôme, rebaptisée place Internationale par les communards. De 14h à 17h, les ouvriers et Jules Iribe, l’ingénieur en charge de la démolition, s’activent pour affaiblir la base de la colonne et permettre sa chute sur un lit de fumer et de fagots. À 17h15, la colonne s’effondre et le drapeau rouge est érigé sur le socle de la colonne. La prédiction de Heinrich Heine selon laquelle « la rage d’égalité radicale serait capable de renverser toute la colonne afin que ce symbole de gloire fut entièrement rasé de la terre », venait de s’accomplir mais seulement pour un temps. Dès 1873, la colonne est reconstruite.

La République remise en selle sur le sang des communards et des communardes fera payer la colonne au peintre Courbet et n’aura de cesse de reconstruire et de construire, sur les corps des rebelles et leur mémoire, des monuments à la gloire des vainqueurs. Après la colonne Vendôme remise en place, il y aura le Sacré-Cœur, à Montmartre, précisément là où tout avait commencé, par l’affaire des canons, à l’aube du 18 mars 1871.

« Le fût s’incline, d’un coup se brise en l’air avec des zigzags et s’abat sur le sol qui gémit. La tête de Bonaparte roule et le bras homicide gît détaché du tronc. Une acclamation comme d’un peuple délivré jaillit de milliers de poitrines. On se rue sur les ruines et, salué de clameurs enthousiastes, le drapeau rouge se plante sur le piédestal » [1]

crédit : Bruno Braquehais
crédit : Bruno Braquehais
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NOTES DE BAS DE PAGE

[1Prosper-Olivier Lissagaray, Histoire de la Commune de 1871 [1896], Chap. XXIV
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