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Pourquoi tant de haine contre Greta Thunberg ?

Jean-Philippe Divès

Pourquoi tant de haine contre Greta Thunberg ?

Jean-Philippe Divès

Le réchauffement climatique avance inexorablement, les dirigeants capitalistes pérorent à l’infini.

Crédit photo / Stefan Källstigen

Comme cela a été le cas avec toutes les grands-messes internationales qui ont précédé, le sommet de l’ONU sur le climat tenu le 21 septembre 2019 à New York n’a débouché sur aucune mesure, aucun plan d’action minimalement concret. C’est dans cette situation que l’intervention prononcée devant cette instance par la jeune militante suédoise Greta Thunberg a fait l’effet d’un choc, voire provoqué un scandale :

« Comment osez-vous ? Vous avez volé mes rêves et mon enfance avec vos paroles creuses. Les gens souffrent, les gens meurent. Des écosystèmes entiers s’effondrent, nous sommes au début d’une extinction de masse et tout ce dont vous pouvez parler, c’est de l’argent et du conte de fée d’une croissance économique éternelle (…) Vous nous avez laissés tomber. Mais les jeunes commencent à comprendre votre trahison. Si vous décidez de nous laisser tomber, je vous le dis : nous ne vous pardonnerons jamais. Nous ne vous laisserons pas vous en sortir comme ça. »

Les réactions des porte-parole – politiciens, journalistes et autres commentateurs – de la droite et de l’extrême-droite climato-négationnistes ont été immédiates. En 2018, lorsqu’à 15 ans Greta Thunberg avait lancé son appel (repris depuis dans le monde entier) aux grèves scolaires du vendredi pour le climat, elle avait été critiquée et moquée pour son âge, son apparence physique, sa condition d’autiste Asperger, à quoi s’ajoutaient les accusations ou insinuations de « manipulation » par sa famille ou par d’autres adultes. Cette fois, le déferlement de haine est allé bien plus loin encore (un article de Télérama a dressé un florilège éloquent de ces réactions dans les médias français), allant jusqu’à des appels au meurtre – à l’instar de celui proféré par l’amateur d’art et mécène Bernard Chenebault, président des « Amis du Palais de Tokyo », écrivant le 28 septembre sur sa page Facebook qu’« il faut l’abattre (…) J’espère qu’un désaxé va l’abattre ».

Mais les dirigeants « libéraux » qui avaient, dans un premier temps, fait les yeux doux à cette jeune militante ont eux aussi pris leurs distances. Tel Emmanuel Macron qui, après la plainte déposée notamment contre la France (dans le cadre de la Convention de l’ONU sur les droits des enfants, dont elle est signataire), a dénoncé des « positions très radicales, de nature à antagoniser nos sociétés ». Ou le président de la multinationale du luxe LVMH, Bernard Arnault, qui a fustigé son « catastrophisme absolu sur l’évolution du monde », « démoralisateur pour les jeunes », en ajoutant qu’« elle ne propose rien, sinon de critiquer ».

La vérité est que nombre de responsables capitalistes, qui tentent de s’afficher ou recycler dans un prétendu « capitalisme vert », espéraient contrôler et récupérer Greta Thunberg – et avec elle la mobilisation internationale des jeunes en défense du climat – pour leurs propres intérêts. C’est pourquoi elle a été en très peu de temps invitée dans un si grand nombre de conférences ou rencontres internationales, voire dans des parlements comme ceux de l’Union européenne et plus récemment de France, ou encore reçue par Obama lors de sa récente visite aux Etats-Unis. Mais avec son intervention au sommet de l’ONU, elle a non seulement montré que de tels calculs sont fragiles, mais aussi franchi ce qui constitue pour ces dirigeants une ligne rouge. Même si elle ne faisait ainsi que confirmer, d’une certaine façon, ses propos tenus en décembre 2018 devant la COP 24 de Katowice : « si les solutions au sein du système sont impossibles à trouver, alors il faut changer le système lui-même. »

Bien sûr, cela ne fait pas de Greta Thunberg une anticapitaliste. Elle ne défend pas la révolution et le socialisme, ni même l’indépendance du mouvement pour le climat vis-à-vis du grand patronat et des puissances d’argent. Significatif est le fait, relevé dans la presse (et repris en boucle jusqu’à plus soif par les sites d’extrême droite), que le voilier futuriste et hors de prix à bord duquel elle s’est rendue aux Etats-Unis soit une propriété de la famille princière de Monaco, sponsorisée par de grandes entreprises industrielles (dont le très pollueur BMW) et financières.

Mais les contradictions, les limites de ses positions sont aussi celles de la grande majorité des jeunes et des moins jeunes qui ont commencé à se mobiliser en dénonçant l’inaction et la responsabilité des dirigeants politiques et économiques. C’est aux marxistes révolutionnaires qu’il revient, en intervenant au sein du mouvement, d’argumenter et démontrer l’impossibilité de résoudre la crise climatique dans le cadre du système capitaliste, la nécessité d’une alternative socialiste et les moyens d’y parvenir. Sans naturellement se départir d’une solidarité inconditionnelle avec Greta Thunberg face aux attaques des défenseurs du système.

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