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Edito

Précarité de la jeunesse. Du malaise général à la révolte de masse ?

Suite à l'immolation d'un jeune étudiant de 22 ans à Lyon, des rassemblements et AG ont été appelés partout en France. Le début d'un réveil de masse ? La précarité tue, la jeunesse doit s'organiser !

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Crédits photo : PHILIPPE DESMAZES / AFP

La précarité tue

L’acte de ce jeune étudiant, dans un état grave après s’être immolé devant le centre CROUS de Lyon, est l’expression la plus extrême et la plus visible du malaise général qui touche la jeunesse. Les motivations, éminemment politiques, ont été décrites dans un post Facebook publié avant son passage à l’acte ; dénonçant la précarisation généralisée qui touche la jeunesse et les conditions de vie indignes dans lesquelles est plongée une large frange de la jeunesse étudiante : « 450€, est-ce suffisant pour vivre ? », interroge-t-il. Plus encore, ce dernier accuse directement les gouvernements successifs, depuis Sarkozy à Hollande en passant par Macron de l’avoir littéralement tué.

Cette situation insoutenable s’exprime non seulement en France mais aussi à l’international. Du Chili à Hong-Kong en passant par l’Irak ou l’Algérie, et bien que chaque pays ait ses spécificités propres, on assiste à travers le monde à un réveil de la jeunesse post-crise 2008 ; une jeunesse déclassée, précarisée, qui fait face à des conditions économiques générales de plus en plus dégradées, entre pressions à la réussite académique et désillusions au moment d’entrer sur un marché du travail précaire, où règnent des petits jobs, des CDD, des contrats précaires et aliénants.

Au Chili, la jeunesse montre la voie

A Hong-Kong notamment, la nuit dernière a connu un niveau de tension particulièrement aiguë suite aux tirs à balles réelles de la police hong-kongaise, blessant grièvement au torse un jeune étudiant de 21 ans.

Au Chili, la jeunesse étudiante s’est confrontée à la répression brutale du gouvernement, déployant les militaires dans la rue, multipliant les violences, viols et exactions. C’est en particulier grâce à l’auto-organisation sur les lieux mêmes d’études, à Antofagasta, que la jeunesse a été capable non seulement de massifier le mouvement et mettre en avant un ensemble de revendications, mais aussi se lier à d’autres secteurs comme les travailleurs portuaires, les miniers, les professeurs ou les personnes d’hôpitaux.

L’explosibilité de la jeunesse a trouvé dans la classe ouvrière des bastions industriels concentrés, et plus généralement l’ensemble du monde du travail, un allié pour porter ses revendications et faire reculer le gouvernement. En effet, parmi les revendications mises en avant, on trouve notamment la fin de la précarité étudiante mais aussi l’annulation des dettes étudiantes, la gratuité des transports et du service public, la fin de la privatisation de l’ensemble des secteurs de l’économie, dans un pays où quasiment tout est privatisé, y compris l’eau.

Dans un contexte de retour mondial de la lutte des classes, avec une crise d’hégémonie du néolibéralisme mondial, la jeunesse à l’international montre la voie à suivre pour mettre à bas la précarisation qui tue aujourd’hui la jeunesse !

Construire le 5 décembre sur les facs

En France, Macron a lui aussi réaffirmé sa détermination à mener bien la réforme des retraites ; réforme centrale de son quinquennat, et véritable gageure de la crédibilité du macronisme au sein des classes dominantes. A ce titre, la réforme des retraites, couplée à celle, plus récente, de l’assurance-chômage, touche en premier lieu la jeunesse, exposée aux métiers les plus précaires et entrant dans le marché du travail dans un contexte de conjoncture économique mondiale en berne.

Et si Macron a insisté sur sa détermination, force est de constater qu’au sein des classes dominantes, une appréhension importante existe à la veille du 5 décembre, alors que le mouvement ouvrier, les cheminots en première ligne, a manifesté, à travers des grèves sauvages, une véritable envie d’en découdre. La possibilité de faire dérailler la politique néolibérale de Macron est possible, comme le souligne un édito du journal patronal Les Echos, évoquant une « marmite sociale » : « Les foyers d’embrasement ne manquent pas, ce que soit l’hôpital à la RATP, la SNCF ou dans l’Education nationale. L’exécutif en est bien conscient et s’active pour étouffer tous les départs de feu. Il faut à tout prix éviter que les luttes convergent […]. »

Dans ce contexte, c’est bien évidemment la jeunesse qui doit être au rendez-vous de cette bataille qui s’annonce contre le gouvernement le 5 décembre et se joindre à la convergence tant redoutée par les classes dominantes. Pour ce faire, la jeunesse doit aussi être capable de construire une force matérielle qui se joindra à cette bataille ; dès aujourd’hui, partout en France des assemblées générales se sont tenues, réunissant plusieurs centaines de personnes au Mirail, une centaine à Paris 3, et différentes action ont eu lieu, comme le blocage de la fac de Lille 2 ou encore un rassemblement massif devant le CROUS de Lyon. C’est cette force qu’il faut continuer à développer, en tenant sur les lieux d’études des assemblées générales qui permettront de massifier le mouvement et de recomposer la force morale et matérielle de la jeunesse, afin qu’elle puisse développer ses revendications en propre. Contre la précarité qui touche particulièrement la jeunesse, mais aussi l’ensemble de la société, pour une augmentation des bourses étudiantes, qui ne permettent plus aujourd’hui de vivre. La jeunesse doit s’organiser pour être en mesure d’exprimer politiquement son malaise, et de faire en sorte qu’aucun autre ne soit poussé à de tels actes, ou, plus simplement, contraint de vivre dans la précarité.

Ce que ce drame a montré, c’est à quel point la jeunesse (sur)vit dans des conditions totalement dégradées aujourd’hui en France en 2019. De Steve, mort pour avoir fait la fête, à ce jeune étudiant poussé à cet acte de désespoir, seul un soulèvement de la jeunesse, se liant aux autres secteurs du monde du travail qui relèvent la tête pourra être à la hauteur !


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