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Discours de Castex

Projet de loi d’isolement pour les cas positifs : plus de coercition mais pas de moyens

Le bruit d’un isolement plus coercitif des personnes positives au Covid-19 courait déjà depuis quelque temps. La chose semble se confirmer, puisque Castex a annoncé un projet de loi visant à « mieux faire respecter l'isolement »

Inès Rossi

26 novembre 2020

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Crédits photo : Thomas COEX/AFP

Emmanuel Macron s’est adressé aux Français, mardi 24 novembre, pour leur dévoiler la nouvelle stratégie sanitaire du gouvernement, après près d’un mois de confinement. Objectif : abaisser le seuil des contaminations à 5 000 par jour, soit à peu près les chiffres atteints fin août, d’ici le 15 décembre.

Dans le même temps, le Président allège pourtant le confinement dès ce samedi. Le confinement, qui n’a été en réalité qu’une suppression de la vie sociale pour la grande majorité des travailleurs qui n’ont vu aucun changement dans leur vie professionnelle, sera donc assoupli à partir de ce week-end. Une grande partie des commerces pourront rouvrir, et la limite de déplacements de loisir quotidiens passera de 1 à 20 kilomètres.

Mais l’exécutif, en parallèle de cet allègement, prépare aussi le terrain pour de nouvelles mesures plus autoritaires concernant l’isolement des personnes positives au Covid-19. « Je souhaite que le gouvernement et le Parlement prévoient les conditions pour s’assurer de l’isolement des personnes contaminées, y compris de manière plus contraignante » a annoncé Macron lors de son allocution, se gardant bien de donner plus de détails. Castex a confirmé la nouvelle ce jeudi, expliquant que la majorité travaillait à « un projet de loi déposé par le gouvernement qui traduira ses intentions ».

Jusqu’à présent, le gouvernement français n’avait pas imposé d’obligation d’isolement en cas de test positif, mais cela pourrait bien évoluer. Les députés du groupe Agir ensemble avaient déjà proposé de « faire de l’auto-isolement une obligation légale » (quatorze jours pour les personnes positives, une semaine pour les cas contacts), dont tout manquement « serait passible d’une amende de 10 000 euros », avec des contrôles aléatoires « des forces de l’ordre ou de l’Assurance-maladie, comme elle le fait parfois pour les arrêts de travail ». De telles mesures seraient difficilement applicables d’un point de vue constitutionnel, mais l’exécutif n’en est pas à son premier projet de loi a priori anticonstitutionnel.

Plusieurs pays européens ont mis en place des mesures répressives envers les personnes positives au coronavirus qui ne respecteraient pas leur isolement. En Italie, elles risquent une peine de trois à 18 mois de prison, ainsi qu’une amende de 500 à 5 000 euros. En Espagne, elles encourent 3 000 euros d’amende en cas de non-respect de l’isolement, et jusqu’à 600 000 euros d’amende en cas de récidive. En Angleterre, la récidive de violation peut mener à une amende de 1000 à 10 000 livres.

Comme nous l’écrivions dans un précédent article, l’isolement est un des volets les moins bien maîtrisés de la stratégie du gouvernement. Ainsi, selon Philippe Juvin, chef des urgences de l’hôpital Georges-Pompidou, à Paris, « dans les faits, il n’y a pas d’isolement. Ça ne sert à rien de tester des millions de Français si c’est pour ensuite les renvoyer chez eux lorsqu’ils sont positifs et infecter leur entourage. » Mais il est absurde de penser que les malades ou les cas contacts ne s’isolent pas par choix, quand ont sait que les personnes les plus exposées au virus sont aussi les plus précaires, qui n’ont pas forcément l’espace pour s’isoler, ou qui ne peuvent pas se permettre de ne pas aller travailler. L’exécutif fait ainsi peser sur les malades la responsabilité de son propre échec.

Alors que l’on parle d’allègement du confinement, rappelons que les collèges et les lycées n’ont toujours pas de protocole sanitaire à la hauteur, que les hôpitaux continuent de travailler sans moyens supplémentaires, que le télétravail n’est toujours pas obligatoire, etc. Macron nous annonce pourtant à la fois que la barre des 50 000 morts du Covid a été dépassée en France, et que le confinement va être allégé. Le tout dans la même allocution. Le combat livré aujourd’hui n’est pas contre le virus, mais pour réussir à le rendre acceptable, pour faire passer la responsabilité de l’épidémie de la gestion gouvernementale aux comportements individuels.

Macron insiste, au sujet des personnes devant s’isoler : « ces personnes seront accompagnées sur le plan matériel, sanitaire et psychologique ». Mais s’isoler quand on est positif a toujours été une nécessité absolue, et aucune mesure efficace n’a été prise jusqu’à présent pour s’assurer que les personnes devant s’isoler puissent le faire sans pressions financières ou sociales. Pour pallier son incompétence, l’exécutif se tourne donc vers son ressort habituel : renforcer ses mesures répressives. Ces mesures, dont le détail n’est pas encore connu, ne seraient mises en place que pour masquer le manque de moyens effectifs investis dans l’isolement des malades. Le gouvernement n’a d’ailleurs pas suivi les recommandations du conseil scientifique en matière de moyens pour s’assurer que l’isolement soit efficace : « Notre position n’est absolument pas d’appeler à des mesures coercitives. Au contraire, assure Laëtitia Atlani-Duault, une de ses membres, dans Le Monde. Nous demandons la mise en oeuvre d’une vraie stratégie faite de devoirs (l’auto-isolement à domicile) et de droits, couplant une stratégie de communication adaptée et surtout des mesures d’incitation et de compensation. » « Parmi ces droits, celui de demander un congé rémunéré pendant la période d’isolement ou la prise en charge de services à domicile comme la livraison de repas. » explique le journal.

Pallier le manque de moyens chronique et le semi-confinement pro-patronal par plus de mesures répressives et de déresponsabilisation, c’est le processus habituel du gouvernement. La logique qui dirige la stratégie sanitaire est toujours la même : tout est fait pour protéger les profits du grand patronat, tandis que pour les petits commerces, les travailleurs et les classes populaires, il ne reste que la gestion répressive et les licenciements. Faute de vraies mesures pour permettre aux malades et aux cas contacts de s’isoler, l’exécutif se tournerait vers le tout-répressif. C’est cette gestion pro-patronale criminelle du gouvernement qui est en grande partie responsable de l’ampleur de la catastrophe sanitaire.


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