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Traverser la rue

« Réforme du travail » : Macron prépare une offensive XXL contre les plus précaires

Réformer le travail après avoir réformé le code du Travail. C’est l’objectif visé par Emmanuel Macron cet été, qui vise à imposer, dès la rentrée, une série de mesures pour en finir définitivement avec les droits des travailleuses et travailleurs les plus précaires. Face à cette offensive généralisée, les directions syndicales doivent sortir du silence !

Tristane Chalaise

18 août 2022

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Crédits photo : @Philippe Huguen/AFP

Alors que Macron 1 a déjà largement « flexibilisé » et précarisé le monde du travail par le biais de sa « réforme » du Code du travail, Macron 2 remet au centre de son offensive le peu de droits restant aux travailleuses et travailleurs. Après avoir mis au second plan la très controversée réforme retraites, le chef de l’Etat, toujours embourbé dans la crise politique, revient au « diviser pour mieux régner ». Répétant qu’il suffit de « traverser la rue », il s’attaque à nouveau aux plus précaires, accusés d’être dans l’assistanat. Profitant de l’été pour affiner son programme, il annonce pour la rentrée une série de réformes du RSA et des droits au chômage, qui mettent toujours plus le couteau sous la gorge des travailleuses et travailleurs.

Face aux difficultés à imposer la réforme des retraites, un recentrage sur les plus précaires

Emmanuel Macron l’a annoncé dans son discours du 14 juillet : pour « créer davantage de richesse » - comprendre « augmenter encore les profits des capitalistes » - il va falloir « travailler plus et plus longtemps ». Toutefois, si la réforme des retraites était l’un des chevaux de bataille du premier quinquennat, le président de la République repousse pour l’instant l’échéance à 2030 et reste dans le flou sur les modalités. Un recentrage tactique pour le gouvernement, conscient de la fragilité de sa base sociale et de la forte opposition que rencontre la réforme des retraites. Emmanuel Macron n’a en effet pas la légitimité pour assumer un affrontement ouvert avec l’ensemble du monde du travail. Selon un sondage publié en avril dernier, 77% de la population serait toujours opposée à la réforme des retraites, de même que 56 % des électeurs d’Emmanuel Macron, traumatisés par l’irruption des Gilets jaunes et par les grèves et mobilisations massives de l’hiver 2019-2020.

Empêché de mettre en œuvre la mère de ses réformes, Macron 2 choisit le jeu de la division, et les nouvelles attaques visent en priorité les droits des travailleuses et travailleurs les plus précaires. Fort, malgré la crise politique, d’avoir pu faire passer la « Loi pouvoir d’achat », par laquelle le gouvernement a pu donner l’illusion d’agir en faveur des finances des ménages, le gouvernement prétend, par le biais de ses nouvelles réformes du travail, lutter contre le prétendu « assistanat » et pour le « plein emploi » (c’est-à-dire une baisse du chômage à 5 %). Un discours qui plait à la base des électeurs d’Emmanuel Macron, et qui séduit aussi les électeurs de droite, LR en tête. Un concept qui n’est pas non plus totalement rejeté par certains secteurs du monde du travail, imprégnés par l’idéologie néo-libérales. Selon un sondage réalisé par Les Echos, 45 % des Français-e-s interrogé-e-s estiment que la principale cause du chômage est « le système d’indemnisation, qui n’encourage pas le retour à l’emploi ».

Mettre fin aux aides sociales pour achever la mise au pas néolibérale du monde du travail

Emmanuel Macron prévoit ainsi, pour la rentrée, de soumettre à l’Assemblée un texte contenant sa nouvelle « réforme du travail ». Celui-ci viendrait, entre autres, entériner deux des promesses faites au patronat par le gouvernement. D’abord, la réforme du RSA, calquée sur le « contrat d’engagement jeune », imposant aux personnes sans ressources de travailler 15h à 20h par mois pour pouvoir bénéficier d’une allocation. Ensuite, la poursuite de la réforme de l’assurance chômage, avec la suppression de Pôle Emploi, remplacé par France Travail, et un alignement des indemnités perçues par les salarié-e-s sans emploi en fonction de la conjoncture économique, sur le modèle du Canada : « Quand ça va bien, on durcit les règles et, quand ça va mal, on les assouplit ».

Deux réformes qui, une fois de plus, font porter sur les travailleuses et travailleurs pauvres et précaires la responsabilité de leur situation, et qui visent à renforcer la précarité et la soumission aux désidératas du patronat. Pour le gouvernement, l’objectif triple. Il s’agit de reconstituer pour le patronat, qui dénonce la « pénurie » de salariés, une masse de travailleurs dans des secteurs où la main d’œuvre n’est plus jugée assez docile et n’accepte plus suffisamment la précarité institutionnalisée. Il s’agit aussi d’approfondir toujours plus la concurrence entre les travailleuses et travailleurs, et de leur imposer d’accepter y compris l’inacceptable pour quelques centaines d’euros par mois. Enfin, ces mesures ont un caractère préventif, visant à affaiblir encore la classe ouvrière dans son ensemble, alors que l’inflation et ses conséquences sociales ont fait ressurgir les luttes et les grèves pour les salaires, comme en témoigne « l’été du mécontentement » au Royaume-Uni.

Plus stratégiquement, pour le gouvernement, il s’agit d’achever la mise au pas du monde du travail, domaine dans lequel la France parait en retard sur ses voisins européens. En Allemagne, par exemple, les « mini-jobs » et les « jobs a un euro » existent depuis 2005 et n’ont fait, d’après l’une des rares études sur le sujet, qu’augmenter le taux de pauvreté et la précarité. Alors qu’avec le covid, puis l’inflation, les grèves pour les salaires se sont multipliées dans les secteurs de première ligne, et que les travailleuses et travailleurs refusent de plus en plus de subir des conditions de travail inacceptables, la réforme tombe à point nommé.

Les directions syndicales doivent cesser leur silence complice : il faut un plan de bataille !

Fidèle à sa nouvelle ligne de retour au « dialogue social », Emmanuel Macron a affirmé que le texte de loi ne serait proposé au Parlement qu’« après discussions avec les partenaires sociaux ». En clair, le gouvernement compte inviter les directions syndicales à participer à des « concertations » pour organiser la casse du droit des travailleuses et travailleurs. Des directions syndicales qui, tout en ayant « dénoncé » une réforme « injuste » lors de la première réforme de l’assurance chômage du gouvernement Macron, n’ont proposé aucune véritable initiative de lutte, laissant passer le texte dans une relative atonie. Et qui, pour l’instant, n’appellent à la mobilisation que le 29 septembre.

Alors que les attaques contre le monde du travail s’approfondissent, faisant fondre les droits des travailleuses et travailleurs, le gouvernement a le mérite de la clarté : les plus précaires sont responsables de leur situation, et s’ils n’ont pas de travail, c’est qu’ils n’ont pas « traversé la rue » ! Alors que Macron cherche à diviser toujours plus le monde du travail en jouant le jeu de la concurrence de la misère, les directions syndicales ne doivent participer à aucune concertation. Participer à une seule de ces réunions serait cautionner, d’une manière ou d’une autre, l’offensive contre les plus précaires, et jouer le jeu du gouvernement contre l’unité des travailleuses et des travailleurs.

Ensuite, il est temps que les directions syndicales sortent du silence de mort qui caractérise l’attitude de Martinez et de Berger notamment depuis la crise politique. Alors que les grèves pour les salaires se sont multipliées depuis plusieurs mois, l’absence d’un plan de bataille et de perspectives communes joue un rôle clé dans l’éparpillement des luttes. Les directions syndicales en sont les premières responsables. Face à une situation où l’inflation rogne nos salaires mois après mois, il est toujours plus urgent et que les directions syndicales proposent un plan de bataille à la hauteur, rompant avec les journées de mobilisation éclatées et ritualisées.

Face à une nouvelle offensive généralisée, et alors que la crise politique est censée affaiblir le gouvernement, il est nécessaire d’opposer une réponse à la hauteur de la situation d’urgence que vit notre classe : il faut pour cela un plan de bataille pour construire réellement un rapport de force, sur nos lieux de travail et dans la rue, contre le patronat et le gouvernement qui le soutient.


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