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Éducation et crise sanitaire

Rentrée scolaire : des conditions pour enseigner pas pour contaminer !

L'impréparation de la rentrée des classes par le gouvernement et l'augmentation du nombre de cas d'élèves et de personnels contaminés par la Covid-19 fait redouter une seconde vague et un deuxième confinement. Contre cette perspective, nous exigeons des conditions de travail à la hauteur des enjeux pour pouvoir continuer à enseigner dans nos établissements, et non pour contaminer et voir se succéder les fermetures de classes.

Boris Lefebvre

15 septembre 2020

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Crédits photos : AFP

La crise sanitaire en cours depuis des mois agit comme un révélateur des problèmes qui affectent l’éducation nationale. En cette rentrée scolaire marquée par l’inquiétude et la recrudescence des cas de contamination dans les écoles, l’exigence de conditions d’enseignement revues à la hausse est plus que jamais une urgence.

La rentrée des clusters : enseigner pour contaminer

Malgré l’opacité de la communication de la DSDEN (Direction des Services Départementaux de l’Education Nationale) et des établissements, la rentrée scolaire se fait sous le signe, non pas de la joie, comme l’affirme Blanquer, mais plutôt sous celui de la défiance et de l’inquiétude. De nombreux établissements ont déjà fermé leurs portes et confiné élèves et personnels. Les cas de classes fermées au coup par coup ou d’élèves et de personnels mis en quatorzaine se multiplient dans toutes les académies. L’enseignement s’en trouve affecté faute d’avoir voulu mettre en temps et en heure les moyens pour ce que cela ne se produise pas.

La distanciation sociale au centre des protocoles de reprise au mois de mai dernier semble s’être totalement volatilisée en cette rentrée où des cohortes d’élèves sont brassés chaque jour dans les écoles, les collèges et les lycées : le protocole prévoit que la distanciation n’est "obligatoire que si elle est possible" - alors qu’il aurait été nécessaire de prévoir et de construire ces possibilités !

Dans des classes souvent surchargées, pouvant aller jusqu’à 36 élèves en lycée, la distance d’un mètre est tout simplement impossible à faire appliquer. Dans les couloirs, les déplacements des élèves provoquent aussi un brassage permanent tandis que la queue de la cantine et le self ne respectent concrètement pas les mesures de distances nécessaires. La fermeture des cantines n’est pas non plus une bonne solution car de nombreux élèves, souvent issus des quartiers populaires, ont besoin de ces repas pour pouvoir manger un repas chaud par jour.

L’absence de distribution gratuite de masques aux élèves favorise quant à elle la réutilisation des mêmes masques sur plusieurs jours. La seule réponse qu’est capable de mettre en place le gouvernement est la répression, orchestrée par Gérald Darmanin aux abords des établissements. Côté enseignant, outre la mauvaise qualité des masques distribués et leur inadaptation aux conditions d’enseignement c’est leur inefficacité qui fait désormais la une. Avec le port du masque en tissu, on apprend que les enseignants sont considérés comme cas contact s’ils ont été en présence d’un élève positif au Covid-19 alors que les personnels équipés de masques chirurgicaux ne le sont pas.

La carence en gel hydroalcoolique se fait également sentir dans de nombreux établissements, augmentant considérablement les risques de contamination. Certaines classes ne sont tout simplement pas équipées de réserve de gel. L’aération des salles de classes fait également défaut à de nombreux endroits ce qui fait craindre une contamination accrue dans des espaces bien souvent surchargés par des classes aux effectifs pléthoriques. D’après les classifications ministérielles, les espaces de 30m² contenant plus de 15 personnes sont des endroits où le risque de contamination est très élevé. Or, les enseignants passent leur journée dans de tels lieux ! Tout semble converger vers l’idée qu’enseigner doit se faire coûte que coûte y compris au péril de la santé de tous.

Vers un deuxième confinement ? L’éducation des plus précaires en danger

L’impréparation du gouvernement en cette rentrée pour proposer un protocole sanitaire réellement efficace et applicable fait planer la menace d’une deuxième vague et d’un deuxième confinement qui aurait des effets catastrophiques sur les jeunes. En effet, tous les enseignants et les élèves ont pu en faire l’expérience, l’enseignement à distance n’est qu’un pis aller pédagogique et ne saurait en aucun cas faire office de procédure normale d’enseignement. Pourtant, c’est probablement vers un scénario de ce type que nous nous dirigeons parce que le gouvernement n’a pas voulu mettre les moyens nécessaires en œuvre pour l’éviter.

En effet, un deuxième confinement aurait des conséquences dévastatrices pour des millions d’élèves. Chacun peut le constater, le confinement a eu des effets néfastes sur la continuité de l’apprentissage et sur l’acquisition des savoirs. Les élèves les plus en difficulté en classe sont ceux qui ont eu le plus de mal à suivre l’enseignement à distance et qui ont le plus pâti de cette rupture du lien pédagogique direct. La fracture numérique, largement minorée, a aussi eu pour conséquence d’entériner les inégalités d’accès à internet et donc à la continuité pédagogique. Un deuxième confinement verrait les mêmes logiques se répéter, qui vont d’ailleurs dans le sens que Blanquer veut donner à l’école : une école de la sélection sociale à tout âge et où les problèmes structurels sont renvoyés à la responsabilité individuelle des élèves et des personnels.

Il faut aussi compter sur le fait qu’un deuxième confinement ne serait pas identique au premier et que le gouvernement pourrait en tirer parti pour imposer à la profession un processus accéléré de précarisation de nos métiers et de notre compétence pédagogique. Dans l’impréparation généralisée, le gouvernement se prépare néanmoins à imposer toutes sortes de formules pédagogiques allant du service effectué en présentiel et en distanciel jusqu’aux cours à distance effectués par le professeur en classe en visioconférence. De nombreux établissements s’équipent d’ors et déjà de webcams dans l’idée d’imposer une présence en classe aux enseignants pour faire leur cours en visioconférence.

Une mutualisation des ressources et des cours par les plateformes du gouvernement pourrait aussi ouvrir la voix à une virtualisation « normalisée » d’un partie de l’enseignement à l’avenir. Outre que cela précariserait nos métiers avec la baisse du nombre d’embauches ou le recours accrus à des contractuels, la propriété intellectuelle des cours pourrait être remise en question et le contrôle sur les contenus pédagogiques se voir renforcer. Le gouvernement pourrait tirer parti de cette base de donnée pour introniser l’enseignement numérique en faisant de la crise sanitaire une aubaine pour faire passer en force des modifications substantielles de nos métiers.

Des conditions pour enseigner par pour contaminer !

Malgré l’impréparation du gouvernement face à la crise sanitaire nous voulons travailler dans nos établissements, avec nos collègues et surtout avec nos élèves. Mais nous ne voulons évidemment pas travailler à n’importe quel prix et à n’importe quelles conditions. Depuis quelques années, la grogne dans l’éducation se fait sentir, des Stylos rouges, à la grève du bac, au blocage des E3C en passant par la colère suscitée par le suicide de Christine Renon, la gestion catastrophique de la crise sanitaire ne fait que rajouter au malaise qui traverse l’éducation nationale.

Pourtant, des solutions existent pour lesquelles nous nous battons : la gratuité des masques pour tous, élèves comme enseignants, la réduction des effectifs dans les classes, l’embauche massive de professeurs pour répondre aux besoins urgents en matière d’éducation, la rénovation des établissements les plus vétustes et l’augmentation du nombre de salles de classe dans les établissements. Un protocole exigeant et nationalement appliqué prévoyant des demi-groupes ou des effectifs très réduits assurant la permanence du service public d’éducation et la scolarisation régulière des élèves pourrait lever la défiance de certains élèves et de certaines familles envers l’école. Toutes ces mesures, prises en partie dans d’autres pays européens pour faire face à la crise sanitaire, pourraient permettre de fournir le cadre scolaire indispensable à l’éducation des jeunes. Mais le gouvernement continue de montrer qu’il préfère considérer le système éducatif comme une garderie pour le Medef et prendre le risque d’une contamination de masse car son seul souci est de répondre aux impératifs économiques.

Plus que jamais, il faut affirmer notre volonté de travailler dans les établissements et selon un protocole protégeant réellement la santé des personnels et des élèves. Nous voulons des moyens pour enseigner, pas pour contaminer !


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