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Extrême-droite

Répression des manifestants à Villepinte : « Le parquet s’est mis au service d’Eric Zemmour »

La répression de la manifestation anti-Zemmour ce dimanche à Villepinte témoigne une nouvelle fois de la politique du gouvernement qui déroule le tapis rouge à l'extrême-droite. Coline Bouillon, une des avocates des manifestants interpellés, a répondu à nos questions.

Mati Balestrini

7 décembre 2021

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Crédit photo : capture d’écran vidéo twitter Clément Lanot

Dimanche 5 décembre, Eric Zemmour tenait son premier meeting après le lancement officiel de sa candidature à l’élection présidentielle de 2022. Initialement organisé au Zénith de Paris, l’événement avait dû être déplacé au dernier moment à Villepinte, sous pression de l’appel à manifester contre sa présence dans la capitale.
 
Des collectifs antifascistes – dont l’AFA Paris Banlieue – ainsi que des organisations anti-racistes et écologistes se sont donc appuyées sur cette première victoire contre l’extrême-droite pour appeler à manifester à Villepinte. Mais les journalistes et militants présents aux abords de ce rassemblement ont été victimes d’un dispositif policier hors norme et très offensif. Ainsi, il aura fallu moins d’une heure pour que le photographe Piotrovski qui couvre habituellement les manifestations parisiennes soit brutalement interpellé, embarqué et placé en garde à vue à Aulnay-sous-Bois pendant plus de 6h.
 

Charges policières, coups de matraques, amendes et interpellations : l’énorme dispositif répressif déployé pour protéger le meeting de Zemmour

 
C’est également le cas de dizaines de militants, réprimés et interpellés, pour ensuite être remis en liberté sans qu’aucune poursuite ne soit engagée contre eux. Léna, militante de Youth for Climate présente sur place, nous raconte que la répression a été particulièrement impressionnante. Le dispositif policier était démesuré et il n’a fallu que quinze minutes pour que les manifestants se fassent charger par les CRS sans aucune raison. Ils ont ensuite été poursuivis autour de la salle de meeting et agressés à coup de matraques par des équipes de la BRAV, particulièrement « agressifs » selon Léna. Les militants ont ensuite été nassés. Les personnes en mesure de présenter une pièce d’identité ont écopé d’amendes de 150 euros pour participation à une manifestation non déclarée. Les autres se sont fait interpeller pour vérification d’identité, avant d’être placées en garde à vue une fois arrivées au commissariat.
 

 

« Le parquet s’est mis au service d’Eric Zemmour »

 
Maître Coline Bouillon, une des avocates des interpellés, nous explique le traitement politico-judiciaire des manifestants : « Nous on a vraiment l’impression que le parquet de Bobigny s’est mis au service d’Eric Zemmour, et je ne pèse pas mes mots. Il y a eu cinquante-huit interpellations, dont cinquante-trois gardes à vue et nous en avons suivi trente-sept. Ces garde-à-vues ont été validées par le parquet alors que la procédure était plus que bancale ».
 
L’avocate décrit une grande confusion dans les commissariats sur les motifs utilisés pour placer en garde-à-vue les manifestants : « La majorité des militants se sont fait arrêtés devant le RER avant même que leur action ne commence, et il y a eu une grande confusion entre les motifs de garde à vue dans les commissariats. C’est un mélange entre "groupements", "attroupements en vue de" et parfois même des infractions qui n’existent pas comme "la participation à un groupement ou un attroupement armé en vue de commettre des violences et des dégradations". C’est toujours des confusions entre ses deux infractions. […] Dans le commissariat du Raincy, tout le monde avait "transport de produits incendiaires", mais quand je m’entretenais avec les policiers, ils me disaient "Ah non c’est une erreur". »
 
Comment expliquer alors que le parquet ait malgré tout validé, voir prolongé ces gardes à vue, alors certains policiers reconnaissaient eux-mêmes que les motifs d’interpellation étaient erronés ? De plus, alors que la plupart des manifestants ont été interpellés avant treize heures, les avocats n’ont été prévenus que plusieurs heures après. Dans certains cas, les procès verbaux d’interpellation n’avaient même pas été rédigés, ou bien les interpellés n’y avaient pas eu accès avant l’arrivée de leurs avocats. En fin de compte, toutes les gardes à vue ont été levées, et les six qui avaient été prolongées ont fait l’objet d’un « renvoi au parquet pour appréciation ». Par ailleurs, alors que toute destruction d’un bien saisi lors d’une garde à vue doit être justifié s’il est dangereux ou s’il a servi à comettre une infraction, la police a détruit un mégaphone appartenant à un manifestant libéré avec un classement sans suite après vingt-quatre heures de garde à vue.
 
Ces pratiques de l’appareil policier et judiciaire rappellent les techniques de maintien de l’ordre mises en place contre les Gilets Jaunes, à l’instar d’une « gestion du maintien de l’ordre préventive », qui a pour objectif d’empêcher les militants de se rendre sur les lieux du rassemblement, en distribuant par exemple des amendes pour « participation à une manifestation non-déclarée ». Alors que Maître Xavier Sauvignet dénonçait cette technique employée pour asphyxier financièrement les Gilets jaunes, elle a été utilisé ce dimanche pour protéger le meeting de Zemmour.
 
Cette répression fait aussi échos à la criminalisation des organisations antifascistes, comme à Lyon où des militants ont été placés en détention provisoire à la suite d’affrontement contre des bandes d’extrême-droite. Le procureur avait décidé de se saisir de l’affaire alors même que les militants de Civitas n’avaient pas porté plainte. Cette procédure judiciaire s’était conclue par une relaxe quasi-générale, et une petite peine d’amende.
 

Face à l’extrême-droite et au gouvernement : construire le rapport de force dans la rue

 
En face des militants anti-fascistes ce dimanche à Villepinte, des groupes de soutien à Eric Zemmour étaient casqués et armés de barres de fer en toute impunité. A la sortie du RER, Léna raconte qu’ils agressaient physiquement les manifestants opposés au candidat d’extrême-droite en toute impunité. Un deux poids deux mesures qui rappelle là encore l’affaire des antifascistes lyonnais, puisque les militants de Civitas n’avaient eu à rendre aucun compte devant la justice, alors même qu’ils apparaissaient distinctement sur les vidéos.
 
Cette attitude de l’appareil policier et judiciaire vis-à-vis des militants pro-Zemmour témoigne du deux poids deux mesures du pouvoir, qui laisse l’extrême-droite agir en toute impunité tandis qu’il réprime brutalement notre camp social. Dans la continuité du tapis rouge que Macron et Darmanin ont déroulé à Le Pen, Zemmour et consorts, cela démontre une nouvelle fois que c’est en toute indépendance du gouvernement et de ses institutions qu’il s’agit de combattre l’extrême-droite, en construisant le rapport de force dans la rue et dans la lutte de classes.


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